Le Val-Ouest

Agrandissement du Mont-Orford : des questions et recommandations

L’agrandissement du parc du Mont-Orford est accueilli positivement. Le projet suscite toutefois de nombreuses questions et recommandations. Trois thèmes ressortent des mémoires régionaux remis au BAPE : la protection de l’environnement, la sécurité et la quiétude des résidents.

Une meilleure connectivité pour la faune

L’une des notions fréquemment soulevée est celle de la « connectivité écologique ». C’est-à-dire la possibilité, pour la faune, de se déplacer dans des « corridors » à l’intérieur et l’extérieur du parc. La MRC du Val-Saint-François propose la construction d’infrastructures, sur la route 222, qui permettraient aux animaux de traverser. La MRC est d’avis qu’un tel passage répondrait aussi à des impératifs de sécurité routière. Ce tronçon serait, selon le ministère des Transports, un lieu de collisions fréquentes. La municipalité de Racine suggère quant à elle un corridor dans la vallée du ruisseau Gulf et de la rivière au Saumon.

Importante implication citoyenne pour protéger les lacs

Le projet de la Sépaq suscite une mobilisation sans précédent des associations de résidents vivant à proximité des lacs de la région. Certaines associations ont d’ailleurs vu le jour en réaction à l’agrandissement du parc.

Changement de zonage proposé au lac Miller

« Un rapport d’évaluation de 2022 a confirmé des signes inquiétants. La santé du lac se détériore graduellement depuis les dernières années », mentionne le mémoire de l’Association des propriétaires du lac Miller, qui regroupe une centaine de résidents et propriétaires de ce plan d’eau situé à Racine. À cet égard, l’association est en désaccord avec le zonage d’ambiance proposé par la Sépaq près du lac. Elle recommande plutôt une zone de préservation.

Lac Brais : situation jugée préoccupante

L’agrandissement touchera environ 17 % des rives du lac Brais, lui aussi situé à Racine. Bien qu’il soit encore relativement protégé, un rapport sur la qualité de l’eau demandé par LACPEB, démontre que le lac est en processus de vieillissement.

On explique que lors de périodes de sécheresse, l’alimentation en eau du lac est de plus en plus difficile. Les résidents constatent une baisse du niveau de l’eau et un réchauffement. « La truite, qui frayait dans l’un des tributaires, a laissé sa place à la carpe », ajoute-t-on. Le projet de la Sépaq prévoit l’installation d’un camping rustique et de trois refuges. Aucune plage ne sera aménagée, mais les visiteurs pourront se baigner, dans la mesure où ils en accepteront les risques. LACPEB souhaite collaborer étroitement avec la Sépaq. Elle veut « assurer la préservation de ce lac et de son environnement pour les générations futures. »

Espèces envahissantes au lac Brompton : danger

L’Association pour la protection du lac Brompton est quant à elle préoccupée par la navigation dans le marais. Selon elle, même les embarcations légères (canot et kayak) pourraient constituer une menace pour la prolifération du myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum). Il s’agit d’une espèce exotique envahissante déjà présente à certains endroits dans le marais. Aussi, elle recommande au BAPE que la Sépaq abandonne le projet d’accès au marais pour tous les types d’embarcation.

Racine et la MRC du Val-Saint-François abondent dans le même sens. On demande de rendre obligatoire le lavage des embarcations avant leur mise à l’eau.

Ruisseau Ely : une aire à protéger

En 2022, l’organisme Corridor Appalachien avait fait l’acquisition d’une propriété afin de créer l’aire protégée du ruisseau Ely. L’Association pour la protection du lac Brompton avait permis d’amasser 25 % des sommes nécessaires à cette acquisition. Cette aire protégée se trouvera à proximité du futur site de camping envisagé par la Sépaq. Aussi, l’Association propose un changement des axes de circulation. Le double objectif : permettre la sécurité des usagers du parc et éviter l’empiètement dans l’aire protégée.

Pas de vélo de montagne au ruisseau Gulf

La Sépaq prévoit l’implantation d’un sentier de vélos de montagne dans le secteur du ruisseau Gulf. La municipalité de Racine juge ce projet préoccupant. Elle recommande de ne pas aller de l’avant. Et ce, compte tenu de l’état actuel des connaissances quant à la protection de la flore dans ce secteur.

Opportunité d’éducation à la nature

« On doit planifier immédiatement des investissements dans la mission éducative », suggèrent Laurier Busque et Nicolas Busque dans leur mémoire conjoint. Laurier Busque est résident du Canton de Melbourne. Il a été administrateur, de 2003 à 2022, de la Société de conservation du corridor naturel de la rivière au Saumon. Son fils, Nicolas Busque, est résident de Richmond. Enseignant en sciences à l’école secondaire L’Odyssée de Valcourt, il anime, depuis 15 ans, le projet Carboneutre. « Nous percevons le projet d’agrandissement comme une construction d’une maison familiale. Il ne tient pas compte des besoins des personnes qui vont l’habiter. (…) il faut que les investissements dans la mission éducative soient à la hauteur des attentes de la population », précisent-ils.

Nicolas Busque
Nicolas Busque, enseignant en sciences à l’école secondaire L’Odyssée de Valcourt. Initiateur du projet Carboneutre. (Photo d’archive – Val-Ouest)

D’autres mémoires, comme celui de la MRC du Val-St-François et de Racine, sont dans le même esprit. Racine va jusqu’à proposer la création d’un Observatoire de la biodiversité. Cet observatoire viserait l’élaboration d’un système éducatif lié à la nature et à la sauvegarde de l’environnement. À cet égard, l’école primaire Notre-Dame-de-Montjoie à Racine, l’école secondaire l’Odyssée à Valcourt pourraient collaborer avec la Sépaq et d’autres intervenants.

Moment charnière pour Racine

Rappelons que près du tiers du territoire actuel de Racine sera éventuellement annexé au futur parc national. Le maire de Racine, Mario Côté, et le conseiller Michel Bergeron, se disent enthousiastes à l’idée du projet d’agrandissement : « Ce projet survient à un moment charnière de l’histoire de notre village, dont le développement s’opère actuellement avec célérité et à plusieurs niveaux », mentionne le mémoire de la municipalité. Les élus voient le projet comme un levier majeur de développement économique et communautaire. « Les wagons s’attachent au train. On doit juste s’assurer maintenant que le train reste sur les rails », souligne le conseiller Michel Bergeron.

À cet égard, Racine souhaite créer des sentiers pédestres et cyclistes pour relier le périmètre urbain du village au futur parc. De même, la municipalité souhaite subventionner, pour ses citoyens, les coûts d’achat du laissez-passer annuel de la Sépaq.

Réserve de biodiversité ou sentiers de VTT?

Compte tenu qu’elle cède une importante portion de son territoire, Racine souhaite en contrepartie obtenir du gouvernement un droit de regard sur les décisions. Elle questionne notamment l’exclusion d’une réserve de biodiversité pour laisser en place des sentiers de motoneige et de VTT.

Enjeux de sécurité routière sur la route 222

« L’agrandissement du parc national du Mont-Orford représente un enjeu majeur pour la sécurité routière dans notre secteur », déclarent dans leur mémoire Geneviève Goulet, gestionnaire et Simon Desautels, propriétaire du Camping Plage McKenzie. Ils demandent ainsi au BAPE la création d’un accès cyclable entre le camping et la paroi du lac Larouche. On souhaite aussi la réévaluation de la sécurité de la traverse piétonne et l’agrandissement de la zone de 70 km/h près du chemin des Baies jusqu’à l’entrée du stationnement de la paroi. Une recommandation qu’appuie la municipalité de Racine.

Questionnements quant à l’exclusion du lac La Rouche

Quelques mémoires, dont celui de Racine, questionnent la décision du gouvernement du Québec d’exclure du projet d’agrandissement le lac La Rouche, propriété des Placements Bombardier. Pour la municipalité, ce lac aurait pu permettre la concentration des activités nautiques à un seul endroit plutôt que dans les lacs Montjoie et Fontaine. De même, la municipalité a fait valoir l’apparence d’iniquité de cette exclusion.

Vue du lac La Rouche au printemps 2023.
Vue du lac La Rouche au printemps 2023. (Photo :© Élyse Audet)

Quel avenir pour Laö Cabines?

L’avenir de l’entreprise Laö Cabines à Racine, qui loue de petits chalets rustiques en forêt depuis 2019, fait aussi partie des préoccupations. La municipalité de Racine recommande à la Sépaq de limiter le nombre de chalets dans l’enceinte du parc pour ne pas nuire à l’entreprise.

Protection des lieux avant l’agrandissement officiel

La protection du futur territoire, avant qu’il devienne officiellement un parc national, soulève l’inquiétude de plusieurs personnes et organismes. Des citoyens ont été témoins d’actes de vandalisme et de circulation illégale en véhicules motorisés dans certains secteurs, comme celui du lac Montjoie.

Résultats attendus à la fin juin

La commission du BAPE affirme qu’elle tiendra compte, dans son rapport, des préoccupations des participants en y consacrant un chapitre. Rappelons que ce rapport sera remis au ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, M. Benoit Charette, au plus tard le 30 juin prochain.

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