« Je t’écris ces quelques lignes sur du papier quadrillé, ça te rappellera l’école et les années folles, moi c’est le seul papier que j’ai… ». Vous connaissez cette chanson de Michel Rivard ? « Le retour de Don Quichotte ». Quelle belle chanson !
Moi je vous écris directement sur un portable, dans le confort d’un petit condo du quartier Griffintown à Montréal. De la fenêtre de la cuisine, deux immeubles géants en construction. Sur les toits, des « soleils ». Dans le monde de la construction, un « soleil » est une lumière de x watts. Tellement puissant que ça fait plisser les yeux, même à des centaines de mètres.
Allez savoir pourquoi, les « soleils » font remonter ce souvenir de la dame qui m’avait dit « Rêve ta vie ». Moi qui critiquais la météo, le café tiède, le ciel orageux, la température de l’eau du SPA, moi qui chialais contre tout en fait, en raison sans doute d’une insatisfaction de longue date dans certaines parties de ma vie, cette dame, un peu titubante, m’a simplement dit « Rêve ta vie ». Et je me suis surprise à avoir envie de rêver. Et là, j’ai réalisé que je pouvais imaginer plusieurs vies fort différentes. J’ai eu un énorme vertige.
Depuis toujours, et comme la majorité des gens, je vis dans un environnement normé, cadré, sécurisé, contrôlé. La pression sociale pèse lourd et c’est tellement intégré qu’on ne s’en rend même pas compte.
On va à l’école longtemps, mais pas trop, on trouve un bon boulot, un partenaire de vie, on achète une voiture, une maison, on fait des bébés, on les élève comme on peut, on les inscrit à de multiples activités, on se gave nous-même d’activités, on voyage un peu, on goûte des bons vins, on mange des sushis, on s’entraîne physiquement, on prend soin de nos parents… et je pourrais continuer ainsi pendant quelques pages.
On se veut unique et indépendant mais on marche bien souvent, et inconsciemment, dans le sentier tout tracé du paraître sociétal. On ne ressent pas, on ne réfléchit pas à ce qu’on désire vraiment faire et être, on suit la voie principale. On s’entoure de gens, d’objets, des petits et des gros objets… puis on devient prisonnier d’une belle prison dorée. Mon ami Edmond utilise une expression fort parlante à ce sujet. Il dit qu’on se sent « attaché ». Rien ne manque, on a une belle vie, on est bien entouré… mais on se sent « attaché ».
Ça donne donc le vertige d’oser penser à rêver sa vie. Oser espérer vivre son rêve. Et pourtant, à moins que ce ne soient des éléments hors de notre contrôle, on pourrait se permettre de rêver des bouts de vie et de réaliser ses rêves.
En ce début d’année 2022, je nous souhaite donc d’oser rêver un peu malgré nos « attaches » et de vivre nos rêves, si petits soient-ils. Bonne année 2022, paix, santé, émerveillement, rêve, fous rires et plaisirs.
Lire la chronique précédente : Au gré du vent – L’amour, un processus inversé
Josée Fontaine xxx