Le Val-Ouest

Carnet de voyage au Népal

Est-ce qu’il est possible d’habiter plusieurs endroits à la fois?

C’est le petit matin et le soleil se lève encore tout embrumé par sa longue nuit. Les montagnes se découvrent parées de leurs nuances d’ocre et de rose.

Une cloche sonne doucement, puis une autre. Ce sont les heures rituelles, discrètes. Chacun dit sa messe à sa façon. Ici, une odeur d’encens. Là, des fleurs déposées doucement. Des paroles qu’on murmure pour soi. Au loin une autre cloche. On laisse aller sa prière. La journée peut commencer. Mais d’abord prendre le thé.

On monte lentement en suivant le tracé des murets de pierre. Pierres posées une à une. Travail des hommes et des bêtes. Ancestrale. Parcelles de terre arrachées au cœur de la montagne. Le riz et le millet se gorgent de chaleur. On va récolter là où c’est déjà doré.

Quelques marches encore pour arriver à la maison. Quand on arrive, tout s’arrête. Quand on a peu on a le temps de prendre le temps avec ceux qui sont là. On offre du thé. Elle, elle fera chauffer l’eau. Elle lavera les tasses. Attisera le feu. Avec peu de mots et des longs silences, on prend le temps de s’observer. Elle reprendra son travail. Gestes répétés pour trier le riz. Gestes appris. Gestes transmis. Le thé est bu. C’était bon et sucré. Quand on repart, on croise l’oncle, le père ou le frère. Il apporte une brassée d’herbe fraichement coupée sur son dos. Les bêtes vont pouvoir manger. Des femmes sont encore au champ pour récolter. Taches colorées. Gestes répétés. Lenteur. Au bout du jour elles remonteront.

Au détour du grand Buddha Tree, elle fait la lessive. Les longs tissus colorés se mêlent aux chandails de superhéros. L’arbre est important et vénéré. On y vient depuis le fond des âges y enserrer les liens des mariages, anciens, présents et à venir. L’arbre est le gardien de toutes ces ficelles qui l’entourent comme autant de liens. Fragiles.

Alors que le jour commence à redescendre, elles se présentent à nous, majestueuses. La fin du jour les colore au couleur des Dieux.

Est-ce qu’on peut habiter plusieurs endroits à la fois?

Peut-être pas, mais c’est un beau cadeau que de pouvoir se laisser habiter.

Namasté.

Caroline Beaupré est enseignante à l’école Saint-Laurent de Lawrenceville depuis 2006.

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