Le Val-Ouest

Chroniques de la postière – avril 2020

Bien nombreux sont les sujets qui s’envolent sur les ailes de la censure tant le secret est d’or pour une postière de village.  Et pourtant me voici, prête à relever le défi de cette chronique.  Et c’est motivée par un romantisme naïf inépuisable, qui depuis longtemps définit ma vieille âme, que je viens offrir mon bienveillant regard en partage de lecture avec vous tous.

Je suis la postière volante!  L’oiseau mouche qui butine d’un village à l’autre selon les besoins de remplacement de mes collègues, vos maîtres postes.  Et grâce à ce contexte privilégié, j’ai la chance de côtoyer les gens des communautés de notre belle et grande région.  La chance de sentir vibrer l’âme de chaque village.  Et contrairement aux attentes, cette chronique ne traitera pas des courriers du coeur.  Comme ceux que s’échangeaient autrefois parents, amis et soupirants.

Non! De nos jours, le courrier n’est plus l’espace de communication affective des correspondances et récits d’aventuriers en exil.  Mais plutôt un espace de traitement commercial.  Sauf exception faite des quelques cartes et cadeaux d’enfants et de ceux qui le sont restés dans leurs coeurs tout autant.  Je constate et suppose que la forme texto est maintenant l’exutoire par lequel le coeur s’exprime.  Et que le selfie de voyage qu’on envoie à l’instant remplace la poésie des cartes postales d’antan.

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Je nous vois à présent, chacun préoccupé par ses intimes affaires.  Embourbés dans les algues visqueuses de la bureaucratie grise à faux semblants de pastel.  Pour beaucoup, le bureau de poste n’est rien de plus qu’un bref arrêt en passant.  Tous pressés que nous sommes par le temps. Déjà en retard en arrivant.

À première vue, on est tenté de scinder les profils des gens qui passent la porte. Certains sont de la race des “Toujours Préoccupés” autour des avoirs et de l’argent. Des colis et des factures. Des “il faut faire”. Et des “j’ai pas l’temps”. Certains sont de la race des insouciants, des indépendants, des sauvages par nature, des plus froids et plus distants.  

Mais par certains jours de soleil, quand on aiguise le regard plus profond que sagesse, certains se dévoilent parmi la race des « J’ai tout le temps du monde ». Des « sourires rendus ». Des « regards présents ». D’êtres simplement heureux. La joyeuse race de ceux qui rigolent autour de la température et des dires de commères à potins du village. Des sympathiques personnages qui colorent un village. Portant sur leurs mitaines les doux parfums de sapinages et autres pâturages. Et de ces grands hommes debout qui protègent la lovante nature autour des villages. 

Il y a aussi cette autre race que j’admire particulièrement. Ceux qui brillent du soleil intérieure de l’âme. Ceux qu’on sent porter le sens plus profond de la vie du village. Les survivants des épreuves du vivant. Ceux qui bâtissent et oeuvrent par pure bienveillance. Toute une communauté se succédant jours après jours à mon comptoir de service. Réunis autour de la pertinence de ce qui nous informe et qui est à présent d’un tout autre ordre. Dans un monde de plus en plus individualisé et divisé par réseautage ciblé.

Je nous vois et nous observe, négocier la nécessité de l’équilibre sur la trajectoire des pôles du changement. Beaux et touchants courageux.

Alors je me questionne sur le rôle d’un bureau de poste de village. La stratégie de son emplacement au coeur de nos communautés. L’importance du sourire accueillant posté là tous les jours en entrant. Ce soleil imperturbable au beau milieu de sa communauté encore toute ébranlée des dernières tempêtes et pandémies affrontées.

Je le ressens, menacé de fermer dans certains de nos plus petits villages. Assise autour d’une table à discuter sur les options avec les acteurs créatifs du coin. Sur comment re-localiser nos besoins. Carrefours du quotidien.

Et je le rêve ce bureau, habité par nous tous. L’idéalise dans un coin passant du petit café de la petite épicerie de village. Où se retrouvent tous les jours ceux qui viennent y goûter le temps. Que ça devienne un lieu incontournable pour une pause. Où tous viennent y chercher réconfort et support. Partager rires et sagesses d’expériences. Lieu où naissent et s’embrasent les rêves et les projets. Tissant avec le fil multicolore du temps des filets solides d’amitiés à l’épreuve des grands changements.

Et j’aime à imaginer que les murs de chacun de ces bureaux de poste vibrent encore. Au sons des rires et confidences lumineuses de la journée. Pour qu’à leurs tours, les travailleurs qui passent plus tard, et qui n’ont comme accueil que le son de leur clé quand ils ouvrent la case postale en réponse au glissement du papier quand ils prennent leur courrier. J’imagine ce frisson instinctif, qui se trace un chemin le long du dos jusqu’au coeur. L’impressionnant réconfort d’une communauté.

 

3 avis au sujet de « Chroniques de la postière – avril 2020 »

  1. Quel beau texte poétique et touchant ! Il nous transporte ailleurs et apporte de la couleur à notre quotidien. Il change notre regard des bureaux de poste de notre village et de tous et chacun qui y passent. Belle plume que cette autrice postière. Un texte qui fait du bien. Bravo !

  2. Que c’est “touchant” et profond…justement pour nous de Racine…dont le “Bureau de poste” SE cherchait un nid la semaine passée encore…et en attendant IL est au Centre Communautaire! Un lieu de rencontres et d’échanges…tou comme “notre jeune temps” chez JH Martin!! Et même des tournois de cartes s’y jouaient…Corona…un temps d’arrêt, de réflexion, de “ré-évaluation” de nos façons de faire maintenant…

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