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C’en est trop

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Je cherche toujours une issue à mon profond malaise dont je ne sais s’il est d’abord fait d’impuissance, de dégoût, de découragement ou d’une sourde déprime devant cette désolante bêtise, hélas tristement humaine. Quelle horreur ! Au vu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, notre Convoi de la liberté prend les apparences d’un jeu d’enfants s’éclatant avec leurs camions jouets dans un carré de sable.

Enfants, nous nous rendions à cinq ou six au bord du « cric ». C’est ainsi que nous nommions ce petit ruisseau qui se déversait au creux de la baie. Je n’ai jamais su d’où lui venait ce nom. Nous le confondions peut-être avec la crique, cette petite baie où il se déversait. Il avait entrainé avec lui un sable fin qui, au fil du temps, avait fini par créer une invitante étendue de sable qu’il traversait en son milieu. Son eau limpide était toujours fraîche même au plus fort des canicules.

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Cet espace a été le témoin de nos prouesses architecturales et urbanistiques les plus impressionnantes. D’innombrables châteaux, jardins, routes, viaducs et ponts y ont été imaginés et construits durant les étés de notre enfance. Il nous fallait nous entendre sur le plan d’ensemble, négocier l’occupation des terrains disponibles, choisir les commerces à ouvrir, décider de l’emplacement des voies principales et secondaires et distribuer les rôles des uns et des autres.

Un temps, qui me paraissait alors considérable, était consacré à la réalisation du projet. Le chantier enfin terminé, le jeu de rôle pouvait commencer. Le plus souvent, il se prolongeait jusqu’à ce que la chaleur nous écrase, que la fatigue nous gagne ou que le besoin de la baignade devienne impérieux. Mais il arrivait aussi que l’un des cousins, le plus jeune, se mette à tout détruire sans raison apparente, comme pris d’une soudaine impulsion. Les dommages étaient vite irréparables. Les constructions de sable cédaient rapidement sous ses pas erratiques et dévastateurs. Aucun avertissement, aucune intervention ne pouvait l’arrêter, lui pourtant si enjoué et si motivé au départ. Je n’ai pas suffisamment connu sa vie adulte pour savoir ce qu’il est advenu de ses soudaines pulsions destructrices.

À lire tout ce qui s’est publié et se publie encore sur les motifs profonds de Poutine, je me dis qu’il doit bien y avoir une raison, un fondement derrière ses comportements antisociaux trop souvent destructeurs. Si hélas, en 2022 de notre ère, l’homo sapiens se perd encore et toujours en conjectures de toutes sortes pour tenter de comprendre ce type de comportement, je pourrais bien ne pas vivre assez vieux pour qu’on m’en explique la fonction et l’utilité.

Je devrai donc me faire à l’idée. Il y aura toujours des sociopathes, dictateurs en devenir, des fauteurs de trouble en circulation et des témoins pour s’en offusquer, s’en inquiéter, s’en scandaliser, sans trop savoir comment réagir et, dans le pire des cas, sans plus pouvoir rien faire pour mettre hors d’état de nuire ces assoiffés de pouvoir et de richesse possédés par leur délire. L’intelligence d’un Hitler ou celle d’un François Duvalier, d’un Saddam Hussein, d’un Poutine, d’un Xi Jinping ou d’un Kim Jong-un ne fait pourtant pas de doute. Ils sont à tout le moins d’habiles manipulateurs et de fins stratèges. Mais, à l’évidence, l’humanisme et l’intelligence émotive leur font furieusement défaut. « C’est un peu cynique, mais en politique, il y a toujours des gens qui sont prêts à prendre l’initiative pour en trahir d’autres »1. J’ajouterais et en exterminer d’autres.

Voilà où j’en suis en cette veille de printemps, pourtant saison de toutes les promesses. Les jours allongent, le temps s’adoucit, mais je continue de baigner dans une morosité paralysante quand je ne suis pas envahi par la rage et le dépit provoqués par notre impuissance collective devant le pouvoir et les abus des despotes de tout acabit. La pandémie aura joué dans mon spleen sans doute. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais la perspective qu’une guerre mondiale puisse découler de la déception de Poutine devant le démantèlement de l’ancienne Union soviétique, de sa mégalomanie et de sa soif démesurée de pouvoir ajoute une couche de trop.

Alors moi j’ai eu peur  Et j’ai crié à l’aide “Au secours, quelqu’un”  Le gros voisin d’en face  Est accouru armé   Grossier, étranger   Pour abattre mon fils  Une bonne fois pour toutes

Mon fils est en prison  Et moi, je sens en moi  Dans le tréfonds de moi  Pour la première fois  Malgré moi, malgré moi  Entre la chair et l’os  S’installer la colère

L’alouette en colère 1972
Félix Leclerc

1 Paul Stephan cité par Marc Thibodeau dans son article : Poutine entend mettre l’Ukraine à sa botte La Presse+ samedi 26 février 2022

NB : Texte finalisé le jeudi 3 mars 2022 en pleine invasion de l’Ukraine par le Russie.

Lire la chronique précédente : À vue d’œil

Un avis au sujet de « C’en est trop »

  1. Tout ce drame nous ramène la bêtise humaine à son niveau le plus bas!! Impuissance, désolation et une grande tristesse ´grugeant’ nous habite…..comment réagir comment agir comme humain…de la même terre…?

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