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C’est lui qui a commencé

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Remarquez, le titre aurait dû être : « C’est elle qui a commencé » parce que pour toute fratrie, je n’avais qu’une sœur. Et je ne la changerais pour rien au monde. De toute manière, elle n’était pas encline à accuser quelqu’un de son entourage pour excuser ses méfaits. Mais une fois cela dit, vous comprendrez que pour revenir sur les comportements des grands autocrates politiques et militaires, le masculin convenait mieux.

Avec une telle introduction, vous aurez déjà deviné où je veux en venir. Qui n’a pas connu dans son enfance ce type de réponse, soit pour l’avoir prononcée, soit pour en avoir été victime. Ça se passe aussi bien à la maison que dans les cours d’école ou encore sur les terrains de jeux. C’est un mécanisme de défense classique. On pourrait croire, mais à tort, qu’il est le propre de l’enfance.

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On y a recours tantôt par peur des réprimandes, tantôt pour faire « porter le chapeau » à quelqu’un d’autre et plus tardivement, pour ménager son orgueil ou encore pour s’éviter des « coûts ». Ces comportements sont si répandus et parfois si sophistiqués que les sociétés humaines ont imaginé une multitude de moyens pour tenter d’en réduire la portée et les effets pervers. Les corps policiers font enquête, les cours nationales de justice font appel à des témoins. À l’international, on s’en remettra aux échos des interventions des belligérants ou encore aux données d’observateurs terrain, espérant ainsi établir si ce n’est rétablir les faits. Pour chapeauter solennellement tout cela, on a créé la Cour internationale de justice. Ce ne sont donc pas les bonnes intentions qui manquent. Et pourtant, la bêtise humaine continue de sévir.

Avant l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, j’avais lu un texte qui disait comment l’Occident, et plus particulièrement les États-Unis, était largement responsable de la crise opposant la Russie et l’Ukraine. Le texte reprenait les conclusions d’une étude de John Mearsheimer1 remontant à 2015. Tout récemment, ce politicologue a produit une intéressante vidéo qui reprend en la résumant sa thèse sur le sujet2. Une telle interprétation est fort dérangeante à un moment où domine en Occident la position inverse voulant que la Russie, Poutine en tête, soit la grande responsable de la récente tournure des évènements.

Je ne suis pas un expert en matière de politique internationale. Aussi, j’ai cherché à en savoir un peu plus pour constater sans surprise que les avis sont partagés. Le tout remonterait à 1990, un an avant la chute de l’Union soviétique. Le secrétaire d’État américain James Baker aurait alors laissé entendre à Mikhaïl Gorbatchev, lors de discussions sur une éventuelle extension des territoires couverts par l’OTAN, qu’aucune n’irait à l’est de l’Allemagne3. Serait ainsi respecté ce qu’on pourrait appeler la zone d’influence de la Russie. Toutefois, après la chute de l’Union soviétique, l’OTAN n’aurait jamais adopté une telle résolution4. La Russie aurait-elle donc été ou non trahie par les États-Unis en 1990 ? À l’Histoire avec un grand « H » d’en juger !

Dans le prolongement de ces considérations, un article de l’écrivain et chroniqueur Adam Tooze5 en arrive à la conclusion que si l’analyse réalisée par Mearsheimer jette un éclairage intéressant sur un volet sensible de la politique internationale, elle ne saurait justifier le coup de force du belliqueux Poutine. S’ajoute à cela ma conviction que la seule façon de parvenir à un véritable règlement des tensions et conflits internationaux demeure la diplomatie et les négociations plutôt que la guerre. L’échec des Américains au Viêtnam (1960-1975), puis en Irak et plus récemment en Afghanistan, est une éloquente démonstration des limites de la guerre et du recours à la force pour tenter de régler les conflits entre peuples et nations. Et peut-on considérer que ces guerres ont été plus propres ou plus humaines? Malheureusement, ni l’OTAN, ni l’ONU, ni l’Union européenne, ni la Cour internationale de justice ne semblent en mesure de discipliner les assoiffés de pouvoir et de domination.

À défaut de réussir à déterminer qui de la Russie ou des États-Unis a commencé, j’en conclus que Poutine a selon toute vraisemblance l’âge mental et l’instinct destructeur du jeune cousin de mon enfance6. Et je n’arrive toujours pas à m’expliquer comment, au 21e siècle, des despotes de son espèce se retrouvent à la tête de nations. Et il n’est pas le seul, hélas.

P.-S.  Ce matin, j’ai aperçu mon premier merle américain. Comme quoi la vie n’abdique pas !

N.B. Texte rédigé en date du 30 mars 2022

1 Professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago.
2 https://www.youtube.com/watch?v=rMzZ_lVHv_
3 Journal Libération : https://www.liberation.fr/checknews/lotan-avait-elle-promis-a-la-russie-de-ne-pas-setendre-aux-anciens-pays-du-pacte-de-varsovie-20220302_IBKOWYOWCNB5LFKH7PV6T5PWME/
4 https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_111767.htm
5 Historien britannique, professeur d’histoire à l’Université Yale. Journal The New Statesman UK Edition (Ideas) 8 march 2022 : https://www.newstatesman.com/ideas
6 Voir ma chronique de mars

Lire la chronique précédente : C’en est trop

Michel Carbonneau

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