Le Val-Ouest

Dans l’espoir d’un temps nouveau

Dans l’espoir d’un temps nouveau

Je sens bien que quelque chose m’échappe. Ce n’est pas que l’été ait été trop court, c’est qu’on ne l’ait pas aperçu, ni de proche ni de loin. Mises à part les quelques bouffées de chaleur, rien qui ne rappelle l’été. Il était aux abonnés absents. Pas possible de faire sécher le foin. « L’Estrie est la région au Québec qui a reçu le plus de pluie; du jamais vu.1 ». Pas possible de planifier une sortie plein air sans prévoir l’imperméable. Il nous a glissé entre les doigts. Guère mieux tout autour de la planète. Plus au nord, plus au sud, plus à l’est, plus à l’ouest, il a été étouffé par la fumée des feux de forêt. Ou brûlé par les 40 degrés et plus. Sans parler des pluies diluviennes provoquant des glissements de terrain et emportant routes, voies ferrées, et maisons. Du déjà vu, prétendent les climatosceptiques. Oui, sans doute, mais pas avec une telle profusion, une telle intensité et une telle simultanéité.

J’ai mis le pied dans l’âge adulte au tout début de la Révolution tranquille des années soixante au Québec. Cet épisode de ma vie a été déterminant dans ce qu’allait devenir mon rapport aux êtres et à la société. Un vent de renouveau soufflait alors sur les quelque 5 millions d’habitants que nous étions, à très forte majorité francophone. En moins d’une décennie, ont été créés et mis en place le ministère des Affaires culturelles, le ministère de l’éducation, les polyvalentes, les cégeps, l’éducation gratuite et obligatoire pour tous, le réseau de l’Université du Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec, la régie des rentes du Québec, l’assurance hospitalisation, la réforme du Code du travail, la nationalisation de l’électricité, la création du parti québécois, etc.

L'Info-Val

Une fois par semaine on vous offre le lien vers nos articles les plus populaires

Ouf ! Le moins que l’on puisse dire c’est que cette décennie ne nous a pas glissé entre les doigts. L’effervescence sociale, économique et politique était telle que j’avais l’impression que tout devenait possible, que l’avenir m’appartenait. À moi et à tous ceux de ma génération. C’est le début d’un temps nouveau2, disait la chanson. C’est dans cet état d’esprit que j’ai commencé ma carrière dont les quinze à vingt premières années ont été à l’image de mes rêves et de mes ambitions. J’avais la conviction profonde de contribuer à l’émergence d’une société nouvelle, plus ouverte, plus humaine, plus dynamique, plus vivante, comme si les astres étaient alignés pour que la nation québécoise sorte de sa léthargie et se libère de son joug colonial. La « grande noirceur ».

Cette effervescence québécoise participait d’un plus large mouvement de remise en question tant sociale qu’économique découlant de la dernière guerre mondiale. C’est un peu comme s’il avait fallu au monde occidental connaître les horreurs de la guerre pour remettre en question ses règles du vivre ensemble.

Quelque soixante ans plus tard, l’histoire semble vouloir se répéter sur fond de réchauffement climatique doublé d’un réchauffement des esprits ! Tant sur le plan individuel que collectif, social qu’économique, des valeurs que des croyances, de la culture que de la langue, de la science que des arts, au national qu’à l’international. Le terrain de jeu est à redéfinir. En témoigne l’évolution des échiquiers politiques à travers le monde. La démocratie, système politique où le peuple a la possibilité de remplacer ceux qui exercent le pouvoir, serait en recul dans le monde. Moins d’une personne sur dix vivrait dans une démocratie « totale »3 et plus de la moitié des habitants de la planète vivrait dans un régime autoritaire. Les modèles ne manquent pas où le pouvoir échappe au peuple. Les exemples abondent, qu’on pense à la Chine, à la Russie, à l’Afghanistan et combien d’autres.

En témoigne également la violence exercée par certains pouvoirs tantôt à l’encontre de leurs propres ressortissants pour assurer leur mainmise sur le pays et ses richesses, tantôt à l’encontre de pays étrangers pour garantir leur approvisionnement en biens divers. Ou assouvir leur soif de pouvoir. La guerre en Ukraine en est un sinistre exemple.

En témoigne encore et toujours la démesure dans le cumul de richesses entre les mains d’une infime minorité. Huit des dix plus grandes fortunes au monde4 sont entre les mains d’Américains. Au début juin, elles totalisaient 1,004 billion5 de dollars américains.  Pour donner un aperçu de la démesure de ces richesses, le budget du Canada prévu pour 2023 est de 456,8 milliards de dollars canadiens, celui du Québec de 147,9 milliards.

Il semble qu’il faille aux sociétés toucher le fond pour mieux rebondir. Le dynamisme de la jeunesse fait alors foi de tout. Gardons espoir. « On assiste presque à une révolution du cœur dans plusieurs domaines. Les jeunes constatent que ça ne fonctionne pas, ce système-là. Quand les gens souffrent et disent qu’il faut s’en occuper, tous les espoirs sont permis » 6.

1 Michel Brien : Solidarité agricole; Septembre 2023

2 Stéphane Venne 1970

3 Voir le rapport de l’Economist Intelligence Unit

4 Magazine Forbes; juin 2023

5 Billion : mille milliards (1 000 000 000 000)

6 Nathalie Plaat : Chroniques d’une main tendue. Courtepointes et autres récits de soi ; 2023

Lire la chronique précédente : J’ai perdu mon médecin de famille

Une nouvelle, un événement à faire paraître?

Ayez le réflexe VAL-OUEST

Lire aussi...