Le Val-Ouest

Des propriétés sont envahies par les coccinelles asiatiques

Chaque printemps et chaque automne, des propriétés sont envahies par les coccinelles asiatiques (Harmonia axyridis). L’insecte s’introduit dans les maisons pour y passer l’hiver. C’est le cas d’une résidente de Bonsecours et d’une autre du Canton de Valcourt. Une situation qui leur cause bien des maux de tête.

Allergique à la « bête à bon Dieu »

Véronique Dubois habite une maison centenaire dans le Canton de Valcourt depuis plus de 20 ans. Depuis une quinzaine d’années, cette femme vit un véritable « calvaire », selon ses dires. Non seulement doit-elle nettoyer régulièrement sa maison, mais elle est allergique à cette fameuse « bête à bon Dieu ». La pharmacienne de Valcourt lui a fait réaliser que ses symptômes concordent avec les périodes où il y a beaucoup de coccinelles. «Je me ramasse avec les yeux bouffis. Mon nez est congestionné et coule. J’éternue constamment », relate-t-elle.

Nettoyage plus fréquent de la maison

Une résidente de Bonsecours, qui ne souhaite pas être identifiée, vit une situation semblable. Elle réalise l’ampleur du phénomène après l’achat de sa résidence en 2016. D’octobre à mai, elle doit passer l’aspirateur une à trois fois par jour. S’ajoute à cela un nettoyage fréquent des fenêtres, murs et plafonds. « C’est une énorme perte d’heures brutes dans une année, que je pourrais passer à faire autre chose », exprime-t-elle.

La présence des coccinelles demande un nettoyage plus fréquent des fenêtres, murs et plafonds. (photo : Sébastien Michon)

Odeur nauséabonde

Au-delà des inconvénients ménagers, il y a ceux de la cohabitation. Ce coléoptère peut mordre et émettre une odeur nauséabonde lorsque qu’il se sent menacé ou s’il est écrasé. Cette odeur provient de son hémolymphe, qui est un peu comme le « sang » de l’insecte.

Cohabitation difficile

La résidente de Bonsecours se sent parfois dépassée par la situation. Le plus sérieusement du monde, elle affirme utiliser la méditation et la technique de la cohérence cardiaque pour calmer son système nerveux. « Je dois vivre aux côtés des coccinelles plusieurs mois par année sans l’avoir choisi », résume-t-elle.

Comment s’en débarrasser?

La meilleure solution pour se débarrasser du coléoptère est de colmater toutes les fissures. Une tâche quasi impossible. « J’ai une maison centenaire très grande. Il serait impossible de boucher tous les interstices », explique la Bonsecouroise.

Le passage de l’aspirateur est efficace, mais doit être répété très souvent. « Je les aspire régulièrement avec ma balayeuse à eau, sans que ça paraisse tant que ça », confie quant à elle Véronique Dubois.

Dommageable pour la vente d’une propriété?

La présence de cet insecte peut-il avoir une influence sur l’achat ou la vente d’une propriété à la campagne? La résidente de Bonsecours raconte qu’un couple d’amis a dû vendre sa maison en Montérégie à cause de ce problème.

La réponse est plus nuancée du côté de deux spécialistes en immobilier agricole interrogés. Sara de Grady du groupe Sutton-actuel à Granby et Sylvain Trépanier de Maxxum 100 Centre à Danville ne font pas de lien direct. « Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu connaissance que ce soit un obstacle à l’achat d’une propriété. Ni une raison ayant précipité la décision de la vente de sa maison pour un vendeur. Néanmoins, il est vrai qu’on voit des coccinelles asiatiques très fréquemment dans les maisons. Celles-ci sont déclarées dans le formulaire de déclaration du vendeur », de préciser Sara de Grady.

D’où vient cette coccinelle?

Comme son nom l’indique, cette coccinelle est originaire de l’Asie. On l’a introduite aux États-Unis vers le milieu des années 1980 pour contrôler certains ravageurs des cultures, notamment les pucerons. Elle a ensuite migré ailleurs en Amérique du Nord. Selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), on a vu apparaître la coccinelle asiatique au Québec vers 1994. Depuis, l’insecte s’est bien établi chez nous.

Pas de relâchement de coccinelles au Québec

La présence de cet insecte au Québec n’est pas causée par les productrices et producteurs agricoles de la province. « Aucun agriculteur ou acteur du secteur agricole n’achète des coccinelles asiatiques pour les relâcher dans les cultures », tient à préciser le MAPAQ.

Un insecte qui permet d’utiliser moins de pesticides

Geneviève Labrie est biologiste-entomologiste et chercheuse en phytoprotection au Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel (CRAM). Elle connaît bien les coccinelles asiatiques pour y avoir consacré sa thèse de doctorat en biologie. Selon elle, les coccinelles sont « extrêmement bénéfiques pour les cultures ». En effet, un seul individu peut manger jusqu’à 250 pucerons par jour.

Geneviève Labrie explique que la présence de coccinelles dans un champ de soya peut faire une grande différence dans l’utilisation ou non de pesticides. «Le seuil d’alerte pour penser mettre un insecticide dans le soya contre le puceron est de 250 pucerons par plant. Une coccinelle par sept plants de soya peut réguler les populations sans avoir besoin d’insecticide. »

Le MAPAQ abonde dans le même sens. « La coccinelle asiatique est un allié important pour tous les producteurs agricoles du Québec. Toutes les cultures bénéficient de sa présence. Elle engendre une diminution de plusieurs ravageurs des cultures, limitant ainsi l’utilisation de pesticides pouvant s’avérer néfastes pour l’environnement et la santé humaine. »

Les coccinelles sont très utiles pour se débarrasser des colonies de pucerons. (photo : © Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection – MAPAQ)

Nuisible pour les vignobles

S’il est utile dans les champs de soya, le coléoptère est nuisible dans les vignobles. L’insecte peut s’introduire dans les fruits endommagés. Il est alors récolté en même temps que les raisins. « L’hémolymphe de la coccinelle contient des composés toxiques qui repoussent les oiseaux. Tant et si bien qu’une seule coccinelle peut gâcher le goût du vin », explique la chercheuse. À titre de prévention, les producteurs doivent mettre des filets sur les vignes en septembre et octobre.

Si la coccinelle est récoltée en même temps que les raisins, elle peut gâcher le goût du vin. (photo : © MAPAQ)

Des propriétés médicinales

Au-delà de son odeur insupportable, la coccinelle pourrait avoir des utilités médicinales. En effet, des chercheurs en République tchèque ont identifié certains composés de l’hémolymphe qui ont des effets contre la bactérie Escherichia coli.

Une étude allemande démontre quant à elle des propriétés antibactériennes bloquant la bactérie qui cause la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis) ainsi que le parasite lié à la malaria (Plasmodium falciparum).

Les coccinelles indigènes en voie de disparition?

Les coccinelles déjà présentes au Québec sont-elles menacées? Selon le MAPAQ, il est impossible de le déterminer. « Certaines indigènes, telles que la Coccinelle maculée (Coleomegilla maculata), semblent bien coexister avec la coccinelle asiatique, alors que d’autres non », signale-t-on.

Le ministère ajoute toutefois que deux espèces indigènes se retrouvent sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables, soient la coccinelle à deux points (Adalia bipunctata) et la coccinelle à neuf points (Coccinella novemnotata). « Ces deux espèces étaient autrefois abondantes partout en Amérique du Nord, incluant le Québec. Le déclin de leurs populations depuis les années 90 est maintenant indéniable », explique le MAPAQ. La coccinelle asiatique pourrait peut-être expliquer cette disparition, en plus de l’utilisation de pesticides et de la perte d’habitat due à l’expansion urbaine.

Pour Geneviève Labrie, « la coccinelle asiatique a moins d’impacts que la coccinelle à sept points (Coccinella septempunctata), arrivée d’Europe dans les années 1970 ».

Invasion plus importante cette année

La perception d’ « invasion » ressentie par les résidentes de Bonsecours et du Canton de Valcourt est bel et bien réelle. Geneviève Labrie le confirme : « En 2022, il y a eu une infestation du puceron du soya. La coccinelle s’est reproduite énormément dans les champs de soya. Il y a ainsi eu une migration très importante de coccinelles vers les maisons à l’automne. » Selon la chercheuse, la population de pucerons du soya, et donc de coccinelles, devrait être moins importante cette année.

Et pour l’avenir?

Les populations de coccinelles asiatiques observées annuellement sont favorisées par des températures chaudes et par l’abondance de proies dans les cultures. « Il est difficile de prévoir comment elles évolueront à long terme», fait savoir le MAPAQ.

La coccinelle n’est pas une « bibitte à patate »

À noter qu’une coccinelle n’est pas, selon ce qui est parfois véhiculé de façon folklorique, une « bibitte à patate ». La « bibitte à patate» est plutôt un doryphore. Les deux insectes sont des coléoptères, mais ils appartiennent à des familles d’insectes différentes. L’un est un ravageur de la pomme de terre (doryphore) alors que l’autre (coccinelle) est un prédateur.

Le doryphore de la pomme de terre est un insecte à ne pas confondre avec la coccinelle (photo : © Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection – MAPAQ)

 

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