Éolienne : le vent de la discorde souffle dans plusieurs villages

Chronique Pierre Avignon, Chroniques

Éolienne : le vent de la discorde souffle dans plusieurs villages

par Pierre Avignon / chroniqueur
publié le 6 septembre 2023

Qu’ont en commun les MRC des Sources, de Nicolet-Yamaska et celle de Beauharnois-Salaberry ? Elles ont toutes, les trois, été récemment le théâtre de débats houleux entre élu.es et citoyen.ne.s au sujet de l’installation d’éoliennes sur leur territoire. Hydro-Québec a en effet lancé un appel d’offres qui se termine le 12 septembre. Depuis, selon les mots de Michel Lagacé, président de la commission permanente Énergie et ressources naturelles de la Fédération québécoise des municipalités, c’est « le Far West ».

Pourquoi s’opposer à des énergies « propres » ?

Alors que le gouvernement caquiste s’inquiète de la disponibilité des ressources énergétiques pour les prochaines années, Hydro-Québec prévoit doubler la production électrique provenant des éoliennes d’ici 2030, passant ainsi de 2212 à 3000 éoliennes. C’est dans ce contexte que les entreprises susceptibles de répondre à cet appel d’offres ont interpellé des élus de plusieurs municipalités. Dans la MRC des Sources, c’est l’entreprise BluEarthRenewables et PlanA Capital qui ont effectué les démarches.

Or, alors que face au mécontentement populaire, le projet a été suspendu à Salaberry-de-Valleyfield et que la MRC de Nicolet-Yamaska a également passé son tour pour le moment, dans la MRC des Sources, seule, le maire de Sainte-Camille, Phillipe Pagé, a déclaré publiquement que sa municipalité n’y participerait pas. Il est en effet envisagé d’ériger une trentaine d’éoliennes sur des terres privées dans les municipalités de Wotton, Saint-Georges-de-Windsor et Danville. Toutefois, là encore, plusieurs citoyen.nes se sont mobilisé.es notamment en mettant en ligne une pétition : « Suspendre la participation au projet éolien des Sources ».

Cette opposition peut paraître surprenante alors qu’un virage écologique est nécessaire face à la crise climatique. Cependant, la transition écologique doit aussi être sociale, c’est-à-dire qu’elle doit résulter d’un projet collectivement débattu et qui profite au plus grand nombre. Il ne faudrait pas oublier que le mouvement des gilets jaunes qui a secoué la France il y a quelque temps est né d’une opposition à une augmentation du prix du carburant dans une perspective « environnementale » !

Davantage un enjeu de consultation et d’acceptabilité sociale

Dans le cas de la MRC voisine de la nôtre, il s’agit de plusieurs dizaines d’éoliennes qui seront plus hautes que la tour du stade olympique à Montréal : elles feront en effet 200 mètres de hauteur. De plus, la distance minimale pour les bâtir est seulement de 500 mètres des habitations. Enfin, il existe des inquiétudes sur le bruit et les effets sur les animaux en plus de l’aspect visuel. Loin de refléter une opposition à la transition écologique, la mobilisation, fait plutôt écho à de légitimes préoccupations citoyennes auxquelles les municipalités, les MRC et les entreprises privées n’ont pas réussi (ou n’ont pas eu le temps?) de répondre adéquatement alors que des intérêts économiques sont également en jeu. D’une part, les entreprises visent évidemment à réaliser des profits et, d’autre part, les municipalités prennent potentiellement un risque financier en empruntant pour participer à la réalisation des projets.

S’il est évident que les petites municipalités et plusieurs producteurs agricoles pourraient trouver intéressant d’obtenir de nouvelles ressources financières, les millions de dollars d’argent public qui sont en jeu nécessitent un débat public plus large et plus long que de possibles consultations du BAPE au cas par cas. D’ailleurs, de nombreux groupes de la société civile, que le comité citoyen Vers un val vert a d’ailleurs appuyés, sont intervenus sur la place publique en avril dernier pour dénoncer l’absence de réel débat national sur l’avenir énergétique du Québec. Ils qualifiaient alors de « simulacre » de consultation les propositions du ministre caquiste Fitzgibbon et affirmaient que « ni l’indépendance ni la transparence » n’étaient au rendez-vous.

Les municipalités et les MRC qui se sont engagées à soumettre des projets

Il semble donc que, malheureusement, la même critique peut être adressée aux institutions locales que sont les municipalités et les MRC qui se sont engagées à soumettre des projets. À leur défense, plusieurs intervenants, y compris certains représentants de l’industrie, considèrent les délais d’Hydro-Québec trop courts pour assurer une acceptabilité sociale. Cependant, ne somme-nous pas, une nouvelle fois confronter à un manque de savoir-faire en ce qui a trait aux consultations publiques ?

Ou, pire encore, à un manque de préoccupation des élus locaux pour l’opinion de leurs concitoyennes et concitoyens lorsque des décisions importantes sont prises entre deux élections ? Bien sûr, de tels projets ne peuvent pas faire consensus, mais un dialogue en profondeur, qui prend du temps, est nécessaire et doit se faire dans un contexte où les décisions ne semblent pas prises à l’avance. Or, ce n’est pas dans les périodes de crise ou d’urgence que des mécanismes de consultations pertinents peuvent être mis en place. La construction d’échanges constructifs et pérennes entre les personnes élues et la population devraient faire partie de la norme plutôt que de l’exception dans ce domaine comme dans tous les champs d’activités de nos villes et villages.