Le Val-Ouest

Fenêtre ouverte


J’ai rapporté de mon voyage une petite fenêtre en bois.  C’est un bel objet.  Ouvragé, embelli par un travail lent et précis. Un travail qu’on acquiert avec le temps.  Elle est décorée de fines gravures, ciselée d’encavures.   Comme un mandala.  Un mantra pour le regard.  Je l’ai choisie parce qu’elle me rappelle ces magnifiques portes, fenêtres, temples qu’on retrouve partout au Népal.  Je l’ai choisie parce que le sculpteur qui me l’a vendue était assis par terre dans sa boutique. Il travaillait sur le prochain ouvrage; ciseau à la main, entouré de copeaux.  Fabriquait les souvenirs  du prochain voyageur.  Travaillait pour gagner son pain.  Les fenêtres des maisons Neware sont en bois noir.  Elles sont agencées aux briques orangées.  C’est magnifique.  Magnifique même lorsque les rues sont éventrées.  Magnifique malgré les maisons tordues, briques empilées.  Quand les tremblements de terre on fait s’écrouler le Népal, on a entassé toutes ces jolies fenêtres épargnées; en attendant.  Elles aussi bordent les chemins.
Deux petits volets ouvrent sur la rue.   Accoudée dans l’ouverture, une femme, ou encore un enfant.  Suspendus, les saris colorés sèchent doucement.  Parfois, un pot de fleurs orangées.  C’est magnifique.  Comme les drapeaux de prières qui flottent au vent.

J’ai accroché ma petite fenêtre à moi sur le mur de mon bureau.  Quand on ouvre les volets, on voit le mur blanc.
Je suis revenu avec cette étrange impression de n’être pas partie vraiment.  Et quand je repense aux pas que j’ai faits, aux routes que j’ai parcourues, je ne sais pas vraiment jusqu’où je suis allée. Vers quoi je suis revenue.   Est-ce que quelque chose s’est gravé en moi, un sillon?  Pourtant…

J’ai regardé au travers de fenêtres ouvragées. Prétentions, comme autant d’encavures qui rendent jolies nos attentes et plus grands encore nos espoirs.  Magnifient nos envies.  Mais les chemins qui pavent nos vies sont craquelés et remplis de briques qui ne tiennent qu’à un fil.  Et même si l’on tente de les voir au travers des fenêtres qui s’entassent aux abords;  même si les tissus colorés volent au vent; le beau et le laid se confondent inexorablement.   Les transformations se font lentes, parfois invisibles.  Il nous faut, nous aussi, nous asseoir au milieu de nos propres débris; laisser le temps au levain de faire lever notre pain quotidien.  Les chemins qu’on continue à marcher, peu importe les endroits visités, sont ceux qui nous ramènent à soi, un pas à la fois.

L'Info-Val

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Je suis partie sur les routes d’une carte postale très longuement imaginée.  Une carte postale de couleurs et de saveurs d’ailleurs.  Avec le temps, je l’aurai imagée, colorée, sublimée.  Enfin, je reviens avec une petite fenêtre ouvragée qui s’ouvre sur un mur blanc.  Un tableau vierge plein de possibles.   Une petite fenêtre aux portes ouvertes qui me rappelle que le voyage est en avant.

 

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