En réaction à une de mes chroniques, une bonne amie me disait qu’elle préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. À quoi j’ai rétorqué que cela ne changeait rien au fait que le verre n’en était pas moins à moitié vide. Sa réaction traduit bien son optimisme devant les aléas de la vie. À un moindre degré peut-être, je me suis néanmoins toujours considéré plutôt optimiste. Mais la pandémie, et sans doute un peu l’âge, ont quelque peu érodé ma confiance. Objectivement, en ces temps difficiles, de nombreux verres ont vu leur niveau baisser. Et pour faire bonne figure, voilà que les travailleurs syndiqués des entrepôts de la Société des alcools ont menacé de faire la grève, juste avant le temps des Fêtes, comme par hasard. Et bien sûr, pandémie oblige, voilà qu’un nouveau variant, l’Omicron, se pointe le bout du nez un mois à peine avant Noël.
La pandémie n’aide effectivement pas la cause. Les Fêtes sont l’occasion d’oublier nos petites misères, de refaire le plein d’énergie et idéalement, le plein d’amour. L’an dernier, nous n’avons pu jouer en famille à notre traditionnel échange de cadeaux à cinq dollars ou moins. Depuis des années, nous répétions l’exercice juste après la bombance du souper. À tour de rôle, par tirage au sort, jeunes et moins jeunes doivent choisir un cadeau parmi l’amoncellement de bricoles bien emballées ou encore dérober son cadeau à l’un d’entre nous qui aura déjà eu son tour et déjà déballé le sien. On devine la suite. Dans un climat bon enfant, on fraternise, on rigole, on se taquine, on négocie, bref on se gave de bonne humeur.
Le lendemain matin, pour ceux qui choisissaient de passer la nuit à la maison, le petit-déjeuner était l’occasion de conversations plus personnelles, plus intimes. Chacun se levant à son heure, la tablée n’était jamais complète et se prêtait donc aux confidences ou à l’expression toute simple de l’affection.
Verre à moitié vide ou à verre moitié plein ?
Malgré la bonne volonté de notre Premier Ministre nous ne pourrons retrouver cette année encore l’ambiance des réunions de famille à quinze et plus. Dix, c’est déjà bien sans doute, mais les absents nous manqueront. Qui seront ces absents et comment se prendront les décisions ? Bonne question, d’autant plus qu’il n’est pas dit qu’avec l’apparition du variant Omicron, les rassemblements à dix seront toujours autorisés Noël venu.
Je réalise bien que l’attachement à ces retrouvailles annuelles augmente avec l’âge. Plus jeune, j’acceptais volontiers de chercher ailleurs mon plaisir ou les réponses à mon besoin de festoyer. Non seulement j’acceptais, mais j’étais en quête de nouvelles occasions, de nouvelles relations. Il y a tant à découvrir dans les rapports humains et dans la diversité humaine. J’ai toujours cette conviction qu’il y a plus d’une façon de faire la fête. Il est toutefois des liens que je ne voudrais pas voir se dissoudre, pour quelque raison que ce soit. Si je suis encore curieux et désireux de faire de nouvelles rencontres, d’établir de nouveaux contacts, je ne veux pas que ce soit au détriment du noyau dur de mes ancrages affectifs.
Verre à moitié vide
Le sentiment de l’absence des uns et des autres s’est alourdi avec le temps, progressivement, insidieusement. La pandémie aura mis à mal mon univers affectif. Je ne l’ai réalisé que tardivement. Il me faudra le raviver, le reconstruire, petit à petit, au rythme de l’allègement des normes sanitaires !
Voyant venir le mois de novembre, je suis entré à reculons dans « l’ambiance des Fêtes ». Je suis las du délire de notre univers de consommation et des soi-disant économies à ne pas rater.
Verre à moitié plein
Pourtant, je crois bien que je vais finir par céder à « l’esprit des Fêtes ». Je me suis laissé convaincre de réinstaller les décorations extérieures y prenant même un plaisir certain. Comme toujours, je cèderai aussi à la pression pour la mise en place des décorations intérieures. Et pour compléter ma reddition, je ferai sans doute quelques achats de dernière minute cédant qui à la culpabilité, si je ne gâtais personne, qui au plaisir de faire plaisir et de témoigner concrètement de mon affection. Et, je garde espoir. Nous multiplierons les rencontres en plus petits groupes s’il le faut et nous lèverons nos verres débordants du plaisir des retrouvailles.
Je serai aussi plus généreux dans mes contributions aux divers organismes de bienfaisance. La période des Fêtes n’en est pas une de réjouissances pour tous. Les vingt mois de pandémie que nous venons de traverser n’auront fait qu’aggraver la situation et en auront laissé plusieurs dans le deuil, la tristesse et le désespoir. Bien modestement, ce sera ma façon de remplir leur verre d’un peu d’espérance.
Lire la chronique précédente : Les travaux et les jours
Michel Carbonneau
2021-12-01