Le Val-Ouest

J’ai vidé une de mes caves

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Quelle aventure! Je me suis récemment trouvé dans l’obligation de vider une cave qui, depuis près de cinquante ans, gardait pour moi des objets d’un intérêt inégal. Je ne recommande à personne d’attendre si longtemps. À ma défense, je n’emmagasinais que des objets utiles. Enfin, le croyais-je. Toutes ces années plus tard, je constate à quel point mon concept « d’objets utiles » était élastique. Et combien, valide à un moment de ma vie, il avait fini par perdre toute signification au fil du temps.

Ma sœur, sans doute aidée par les nombreux déménagements qu’elle a connus, et largement gérés, a vite compris qu’il ne sert à rien d’accumuler. Mais la raison est de peu d’utilité en la matière et chacun gère son besoin de sécurité – et ses passions de collectionneur – à sa manière. J’ai aussi une autre excuse chère à tout bricoleur, « on ne sait jamais, ça pourra toujours servir ». Le tout sans parler des « objets souvenirs », notamment les photos, qui vont de la collection en noir et blanc jusqu’aux diapositives et les imprimés couleur.

Pour cette opération, j’aurai profité de la fièvre du printemps, ce besoin aussi soudain que pressant d’effacer les traces de l’hiver et de dresser la table pour accueillir l’été. Il m’aura toutefois fallu la pression d’une date butoir pour venir à bout de cette tâche par moment désespérante. Alors que j’écris ces lignes, c’est pour ainsi dire chose faite. Ouf! À quelque chose malheur est bon dit le proverbe. Ce remue-ménage m’aura fait vivre plein d’émotions tantôt agréables, tantôt tristes, tantôt amusantes et tantôt émouvantes. Mais le plus souvent douces, sans doute parce que j’avais fait le choix délibéré d’être bon et compréhensif envers moi-même. Trop à certains moments. Je le percevais dans le regard indulgent, mais un rien réprobateur, de ma douce.

Je ne sais pas quelles leçons j’aurai tirées de cet exercice. Trop tard pour remettre le compteur à zéro, mais encore temps de poursuivre sur ma lancée pour régler le sort de mes autres espaces de rangement.

Au-delà des leçons à en tirer, je ne pouvais vivre cette expérience sans en dégager quelques constats amusants. Parmi les perles enfouies, j’ai retrouvé mon équipement de chambre noire, incluant le réservoir de développement de négatifs jusqu’aux bassins d’impressions de photos sans oublier la colonne ajustable du projecteur de négatifs. Ce matériel remonte à plus de cinquante ans. Trainaient encore quelques exemplaires de mes expériences d’alors. C’est l’aménagement temporaire d’une chambre noire, rapidement suivi de son démantèlement aussitôt tirées mes photos, qui a fini par avoir raison de ma motivation de photographe amateur.

J’ai tout de même ressenti les émotions et le plaisir qui m’habitaient à l’époque lorsqu’apparaissaient comme par magie sur le papier photosensible les images que j’avais voulu immortaliser. J’ai eu vite fait de sélectionner quelques photos souvenirs et de livrer à la réserve des trésors perdus celles qui trahissaient les limites de mon savoir-faire de photographe. Ou de mon talent, allez savoir. Certaines sont tout de même parvenues à me toucher encore après toutes ces années. Cela m’a fait réaliser que l’évolution de la technologie et la facilité avec laquelle nous pouvons maintenant saisir des instants de la vie pour les voir aussitôt apparaitre en photos en ont diminué l’intérêt et la valeur. C’est par milliers que les photos peuvent aujourd’hui garnir la mémoire de nos ordinateurs ou loger quelque part dans un immatériel espace nuagique.

J’ai aussi retrouvé différents matériaux et accessoires devant me permettre d’entretenir ou de réparer dans l’urgence la propriété aussi bien que son contenu, de la menuiserie à l’électricité, de la plomberie aux composantes des électroménagers. Dans mes réserves de pièces de plomberie, j’ai pu retracer l’évolution de cette technologie, à commencer par l’acier galvanisé suivi du cuivre, puis du plastique. La progression s’est faite du plus complexe au plus simple. Et même si le recul ne permet pas encore de juger de la durabilité de ces nouveaux matériaux, une bonne partie de mes réserves de pièces se voient déjà condamnées au recyclage. Ainsi en est-il de ce qu’il est convenu d’appeler le progrès.

Cet exercice m’a aussi permis de constater qu’entretien et réparation allaient jadis de soi. On construisait et produisait pour que ça dure en autant que soit assuré un bon entretien. Maintenant, modes et tendances ont remplacé durabilité. Très souvent, trop peut-être, on préfère refaire à neuf ou transformer. Je me fais à l’idée. J’irai chercher le nécessaire au besoin évitant d’accumuler inutilement.

Peut-être est-ce là un des effets combinés de la rapidité avec laquelle évoluent connaissances et technologies, doublée d’un mouvement collectif vers une société dite de consommation. Les nouvelles générations accumuleront-elles moins de ces pièces de collection ? À tout le moins, les ramasseux de mon espèce auront perdu une excuse pour justifier leur comportement!

Lire la chronique précédente : Le variant XBB.1.5 et moi

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