Comment donner un sens à la souffrance? C’est une question à propos de laquelle le comédien, animateur et auteur Jean-Marie Lapointe souhaite échanger avec le public. Dans le cadre de sa conférence « Quand l’épreuve sert de tremplin », offerte au Centre culturel Yvonne L. Bombardier à Valcourt le vendredi 24 mai prochain.
Chaque épreuve contient « un cadeau mal emballé »
« Au cours de sa vie, tout être humain va rencontrer des épreuves. Petites, moyennes ou grandes. Ce que j’ai réalisé, c’est que chaque épreuve contient un cadeau mal emballé. Une possibilité de donner un sens à la souffrance, au deuil et à la perte », explique-t-il d’emblée.
Selon lui, l’une des clés est de pleinement faire face à la « grosse vague qui nous ramasse ». « Plutôt que de geler ses émotions, de fuir ou de vouloir pelleter en avant, on est aussi bien de la vivre, cette épreuve-là. »
« J’en suis ressorti grandi et enrichi »
L’homme de 58 ans a d’ailleurs eu son lot de moments difficiles au cours de sa vie. Des difficultés qu’il a su transformer.
« À chaque épreuve que j’ai eue dans ma vie, j’en suis ressorti grandi et enrichi. Il y a un Jean-Marie avant et un Jean-Marie après. Tellement plus empreint de compassion, de bienveillance, de non jugement et de patience envers chaque être humain qui souffre. »
Il donne l’exemple du décès de sa mère. Causé par un problème de dépendance à l’alcool. « Je l’ai perdue à 26 ans. J’étais démuni. C’est sûr que ça a été « tough » (difficile). Mais avec le temps, ça m’a permis de comprendre la douleur du deuil. D’être capable de me mettre à la place de quelqu’un qui vient de perdre un proche et qui ne sait pas par quel bout le prendre. Je peux résonner avec sa souffrance. »
Inspiré par le parcours des autres
Jean-Marie Lapointe se dit aussi profondément touché et inspiré par le parcours des autres. « David, le fils d’un de mes meilleurs amis, Jean-Pierre Chiasson, s’est enlevé la vie. Perdre un enfant, c’est probablement l’une des pires épreuves pour un parent. Et ça ajoute au niveau de douleur quand c’est ton fils qui se suicide. C’est Jean-Pierre qui m’a dit : « la mort de mon fils, c’est un cadeau mal emballé ». »
Il explique que ce médecin a changé sa façon d’intervenir auprès de ses jeunes patients. « Il a compris qu’un sourire masque parfois une immense détresse. Jean-Pierre a développé un sixième sens. Qui lui permet de creuser davantage et d’aller chercher un peu plus d’information lors d’une rencontre. Ce qui aurait passé dans le beurre avant. »
Jean-Pierre Chiasson a aussi démarré Les maisons David-Chiasson, une fondation qui porte le nom de son fils.
Autres personnes inspirantes pour Jean-Marie Lapointe : les parents de Lani Assogba. Un jeune de l’Outaouais qui s’est lui aussi enlevé la vie à l’âge de 18 ans. Alors qu’il traversait une période de grande détresse psychologique. Ils ont mis sur pied la Fondation Lani. Qui appuie de projets de promotion de la vie dans une perspective de prévention du suicide chez les jeunes de 12 à 25 ans.
« De la beauté et de la lumière dans le regard »
« Dans les deux cas, ce sont des gens qui ont énormément de beauté et de lumière dans le regard lorsqu’ils parlent de leur enfant. Mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de moment de tristesse. »
« Chacun de nous est porteur de résilience »
Jean-Marie Lapointe croit que chaque être humain porte un potentiel de transformation. « La résilience, c’est une mystérieuse puissance. Que j’ai de la misère à expliquer scientifiquement. Je connais des gens qui ont des expériences hyper douloureuses et qui rebondissent sur leurs pattes comme des chats. Je ne vois pas ça chez tout le monde. Pourtant, chacun d’entre nous est porteur de résilience en lui. Nous avons la possibilité de nous tester quand arrive une grande épreuve.»
Survivre à la souffrance en trouvant du sens
Est-ce que la notion d’engagement envers les autres fait partie de la guérison? Jean-Marie Lapointe en est persuadé. « Viktor Frankl est un psychiatre juif qui a survécu à la Shoah, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il est le fondateur de la logothérapie. Selon lui, on peut survivre à toutes les souffrances pourvu qu’on y trouve un sens. Créer une œuvre permet, d’une certaine façon, de guérir un peu. »
« Je suis touché par la beauté de l’être humain »
Il se dit profondément touché par «la beauté de l’être humain dans la noirceur». « La détresse de ces personnes en a fait des phares capables d’illuminer le chemin des autres. Je trouve ça fascinant. Ce sont des êtres humains, comme vous et moi. Qui ont donné un sens à leur souffrance et qui ont transformé leur vie. Malgré la perte, la douleur et la peine. »
« C’est un privilège d’avoir une antenne »
L’une des missions de Jean-Marie Lapointe, c’est justement de mettre en valeur ces « phares » en les faisant connaître au public.
« C’est un privilège que d’avoir une antenne, une caméra ou un micro. Dans ma quête de faire du bien, de tendre la main et de m’exposer à la grandeur de l’autre. Je rends hommage à l’humain à travers des livres, des conférences, des projets télé, radio, balados et autres. J’aime ça mettre en lumière des gens qui m’ont fait grandir. »
« Je n’ai pas tout le temps le plus beau rôle »
Bien qu’il soit un personnage médiatique, l’authenticité reste pour lui une valeur essentielle. « C’est important de ramener la réalité au ras des pâquerettes. On est souvent porté aux nues. On nous donne des trophées et on nous applaudit. Dans ce que je communique, je dois passer par mes fragilités, par ma noirceur. Par le fait que je n’ai pas tout le temps un beau rôle à jouer. J’ai été ingrat, maladroit, inconfortable, menteur, fuyant. Je n’ai pas toujours la réponse ou le mot juste. Je ne suis pas toujours adéquat dans ma façon d’être. Parfois, je fais semblant pour ne pas perdre la face. Et c’est normal. Ce sont des mécanismes de survie et d’adaptation qui nous permettent de passer à travers une épreuve. Mais à un moment donné, ces mécanismes ne fonctionnent plus. Tu es forcé de trouver une autre façon d’avancer et d’agir. »
Il croit que le public apprécie ces témoignages empreints de vérité. «La très grande majorité des gens, qui ont vécu des épreuves similaires aux miennes, se reconnaissent dans ma façon parfois malhabile de vouloir éviter de souffrir.»
La liberté de dire ce qu’il veut, quand il veut
Jean-Marie Lapointe chérit le fait qu’il est un « électron libre » dans le paysage médiatique voire même politique. Une liberté qui lui permet de dire ce qu’il veut, quand il veut. Et qui a des répercussions.
Par exemple, l’an dernier, il a produit un court-métrage sur l’itinérance. Présenté aux maires et mairesses lors du Sommet municipal sur l’itinérance organisé par l’Union des municipalités du Québec. « C’était majeur. Ça a permis de voir ce qui avait changé depuis la série documentaire « Face à la rue ». Ça donne le ton et une couleur très actuels de ce qu’est l’itinérance aujourd’hui. Le portrait n’est pas heureux. Et on n’était pas là pour édulcorer la réalité. »
Une diffusion qui a eu un impact. Il en a pour preuve une rencontre récente avec le maire de Québec, Bruno Marchand. Qui lui en a reparlé lors d’un forum régional en itinérance dans Lanaudière. « Ça m’a fait prendre la décision d’utiliser cette vidéo chaque fois qu’on va m’inviter à prendre la parole sur l’itinérance. C’est ça, la réalité. Et il faut la nommer et la montrer. »
Témoin de la fatigue des intervenants de la santé
Son travail le rend témoin, avec grand regret, de la fatigue de compassion qui touche plusieurs travailleuses et travailleurs de la santé. « Ces gens sont trop dans le don de soi et n’arrivent pas à recharger leurs batteries. On les oblige à faire du temps supplémentaire. Ils voient moins leurs enfants, leurs conjoints et leurs conjointes. Ils n’ont plus de temps pour faire autre chose que de travailler. Et ils s’épuisent. »
Comment trouver son équilibre
Comment Jean-Marie Lapointe réussit-il à trouver son équilibre? « Tous les jours, je fais des choses qui me plaisent. Je vais au gym, je fais une sieste dans la journée et je lis des choses qui m’enrichissent.»
Il sait que sa situation est privilégiée. « Si j’étais papa monoparental de trois enfants avec des besoins particuliers, je n’aurais peut-être pas le choix d’avoir deux ou trois « jobs ». Je serais peut-être obligé de dire non au bénévolat ou au gym. Je suis dans une position drôlement favorable pour pouvoir me mettre en priorité dans ma vie. »
Impossible d’atteindre des objectifs sans discipline
La discipline est d’ailleurs au cœur de ses actions. « C’est impossible d’atteindre des objectifs si on n’a pas une discipline. Ainsi qu’une éthique de vie et de comportement. C’est essentiel. Si tu veux concrétiser quelque chose, tu dois te donner un engagement clair. Sinon, ça reste des projets et des rêves. »
« Ça me fait du bien de faire du bien »
Malgré sa situation privilégiée, Jean-Marie Lapointe est reconnu pour sa grande implication auprès des autres. Non seulement dans ses projets médiatiques. Mais aussi dans l’intimité. Par exemple, en accompagnant des personnes malades ou mourantes. « Je reçois beaucoup en donnant. Ça me fait du bien de faire du bien. »
« S’il n’y a pas de geste d’amour, nous sommes des zombies »
C’est quoi, l’amour, pour Jean-Marie Lapointe? « Ça transcende la santé, la vie et la mort. Tu peux être à l’hôpital, malade comme un chien ou en fin de vie. Si tu es entouré d’amour, tu es sauvé. » Non seulement par l’amour de ses proches. Mais aussi par celui, parfois plus subtil, du personnel soignant. « Il y a une différence entre la personne qui habite ses gestes en soignant et l’autre qui offre un soin répété et automatique. Sans prendre conscience de la personne qui est devant elle. Je l’ai vu lorsque mon père [Jean Lapointe] recevait des soins. Ça fait toute la différence. On le ressent. S’il n’y pas de pas geste d’amour, de bonté ou de reconnaissance, nous sommes des zombies»
S’impliquer avec passion
Lorsqu’il s’implique dans un projet professionnel ou une cause, Jean-Marie Lapointe souhaite le faire avec passion. « Quand c’est à mon tour de parler ou d’intervenir, il faut que ça vienne du ventre et cœur. Sinon, je laisse ma place à quelqu’un d’autre. Je ne suis pas fonctionnel quand ça vient de la tête. »
Il dit qu’il mettra justement ses « tripes » dans la conférence « Quand l’épreuve sert de tremplin » qu’il offrira à Valcourt le vendredi 24 mai prochain. « Même si ça fait 30 fois ou 100 fois que je fais une conférence, j’essaie de tout le temps de la donner comme si c’était la première fois. Pas à partir d’une cassette. D’y aller avec l’instant présent et avec l’énergie dans laquelle je suis. En m’adaptant au public qui est là. Qui n’est jamais le même. »
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