Au cours des prochaines semaines, des résidents partout au Québec cesseront graduellement de recevoir à leur porte le Publisac. Un moyen de communication qui existait depuis 46 ans. C’est ce qu’a annoncé la société Transcontinental en novembre 2023. Une fin abrupte qui a des conséquences importantes pour environ 75 hebdomadaires locaux et régionaux qui sont distribués de cette façon.
La Pensée de Bagot touchée par la fin du Publisac
Dans la région de Valcourt, le Val-Ouest n’est pas touché par cette annonce car le média est entièrement diffusé en ligne. Par contre, l’hebdomadaire La Pensée de Bagot, propriété de DBC Communications, s’en trouve affecté.
Benoit Chartier, président directeur général de DBC Communications, annonçait en novembre que son groupe s’affairait à trouver des solutions. « On accuse le coup et on se retrousse les manches. Il faut revoir notre modèle d’affaires et ça presse. Il faudra être souples et imaginatifs », partageait-il dans les pages de La Pensée de Bagot.
Danger pour la pérennité des médias
M. Chartier est aussi président du conseil d’administration d’Hebdos Québec. Un organisme à but non lucratif fondé en 1932. Cette associaion regroupe 115 hebdomadaires indépendants de la presse locale et régionale. Benoit Chartier explique que la menace de la fin du Publisac planait déjà depuis quelques mois. Entre autres depuis que la ville de Montréal, en mai 2023, avait adopté un règlement interdisant la distribution d’articles publicitaires, dont les dépliants et feuillets. Ce qui avait marqué la fin du Publisac sur ce territoire.
« Ce dénouement arrive encore trop tôt. Il s’ajoute au poids énorme d’une crise des médias et accentue le danger de miner toute pérennité de nos médias », croit-il. Il s’agit, selon lui, d’une situation très sérieuse pour l’avenir des hebdomadaires. « Nos médias locaux et régionaux ont maintenant l’énorme défi de trouver une alternative viable pour résoudre leur problématique de distribution et d’atteindre leur lectorat le plus efficacement possible afin d’éviter de laisser place à un désert journalistique. »

Comment distribuer les médias locaux?
Comment continuer à distribuer les médias locaux? Plusieurs entreprises médiatiques croient que Postes Canada pourrait être la solution. Mais le prix demandé par la Société canadienne des postes est pour le moment un frein majeur à cette alternative. Postes Canada exigerait des frais de livraison jusqu’à trois fois celui demandé par Transcontinental pour distribuer le Publisac.
C’est pourquoi le gouvernement fédéral est interpellé à cet égard. « Les gouvernements devront se lever avant que nos régions du Québec se vident de leurs ressources journalistiques et que nos médias cessent d’être le porte-voix des communautés locales et régionales », croit Benoit Chartier. M. Chartier affirmait à Radio-Canada qu’un montant de dix millions de dollars par année serait nécessaire pour soutenir l’ensemble des hebdos régionaux du Québec.
« L’urgence de prendre action »
Des élus municipaux ont commencé à se prononcer sur ces questions. C’est le cas de Catherine Fournier, mairesse de Longueuil. Elle réclame la distribution gratuite des journaux locaux par Postes Canada.
La députée de Shefford, Andréanne Larouche, réitère de son côté que le gouvernement fédéral a « l’urgence de prendre action » sur cette question. «Nos hebdos sont la voix des enjeux régionaux au Québec. Ils sont essentiels à une couverture des nouvelles locales et des dossiers qui touchent directement les citoyens», croit-elle.
Selon Andréanne Larouche, il y va aussi d’un enjeu démocratique. « Les journaux régionaux agissent comme relais d’une information fiable, de qualité et garante d’une démocratie en santé. Il faut qu’Ottawa s’engage davantage pour que nos hebdos continuent à se rendre jusqu’à leurs lecteurs. »

Ces jours-ci, le gouvernement fédéral est justement en train d’agir. Jean-Yves Duclos, ministre fédéral des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada, discute actuellement de cette question avec Postes Canada.
Comment avoir accès aux circulaires?
Comment les consommateurs auront-ils accès aux circulaires? Certaines grandes bannières ont déjà, depuis quelques semaines, pris le taureau par les cornes. C’est le cas de Canadian Tire qui, dans la région de Valcourt, envoie sa circulaire par la poste, hors de la distribution du Publisac.
C’est aussi le cas de la quincaillerie Couture Timber Mart à Richmond. Celle-ci annonçait, dès l’été 2023, que sa circulaire serait désormais seulement accessible sur son site Web en ce qui a trait aux matériaux et sur le site maboutiquedeco.ca pour ses produits de décoration. La quincaillerie utilise aussi le site québécois circulaires.com, un site indépendant créé en 2008 dans un «but vert non commercial», selon la prétention du site.

Arrivée du site Raddar
Transcontinental, qui distribuait le Publisac, change aussi son modèle d’affaires. Depuis que Montréal a interdit la distribution du Publisac l’an dernier, l’entreprise propose, en essai, le site Raddar. Cette plateforme propose les circulaires des différents marchands sur le territoire montréalais. Faisant ici directement concurrence à circulaires.com.
L’étape suivante devrait être, selon nos informations, une version imprimée de Raddar qui sera envoyée par la poste. On y retrouvera un résumé des rabais et ventes offerts par les marchands qui y achèteront des espaces publicitaires.
C’est ce que confirme, entre autres, François Scott, propriétaire de la Quincaillerie Choquette Scott – Home Hardware à Valcourt. Celui-ci a expliqué au Val-Ouest que c’est la solution préconisée par sa bannière. « Le budget publicitaire est géré et décidé par Home. Ils nous facturent ensuite mensuellement les coûts. » Il ajoute qu’il lui reste ensuite très peu de marge de manœuvre pour acheter de la publicité locale.

Pertes d’emplois à Saint-Hyacinthe
La version imprimée de Raddar sera produite par Transcontinental à Anjou. Conséquence de cette situation, Transcontinental a annoncé, le 1er février dernier, qu’elle réduira progressivement ses activités d’impression à son usine de Saint-Hyacinthe. La fermeture complète est prévue en avril 2024. Environ 190 personnes perdront leur emploi.
Les hebdos peinent à tirer leur épingle du jeu
La venue de Raddar ne règlera toutefois pas la situation pour les hebdomadaires qui peinent à tirer leur épingle du jeu. « Depuis la fin de la pandémie, le commerce local s’est affaibli. Nos médias ont dû composer avec une baisse importante des revenus publicitaires locaux et régionaux. Sans compter la domination abusive et scandaleuse des géants du Web. La capacité de résilience des éditeurs n’est pas illimitée et ils doivent, une fois de plus, adapter leur modèle d’affaires afin d’accomplir leur mission d’informer la population », affirme Benoit Chartier.
À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :
Loi C-18 : les médias canadiens bannis de Meta et Google
Andréanne Larouche appuie les médias québécois