Le Val-Ouest

La pollution numérique n’est pas virtuelle

Si le numérique était un pays, il produirait trente fois plus d’émission de GES que le Québec. Voici une des conclusions d’un rapport intitulé « L’impact environnemental du numérique au Québec et au Canada » produit par le groupe ShiftersMontréal[1]. À l’échelle de la planète, la pollution numérique représente 4 % des émissions totales[2]. Il s’agit d’un angle mort des préoccupations environnementales. Mais comment expliquer un tel impact ?

Les impacts environnementaux du numérique

Les impacts environnementaux du numérique se divisent en trois grandes catégories : la production des appareils, le fonctionnement des infrastructures de connexion et le stockage/utilisation des données. Si à l’échelle d’une seule personne les effets sont relativement minimes, il faut multiplier ces activités par plusieurs milliards d’individus même si près de la moitié de population mondiale n’a pas accès à Internet. Seulement au Québec, on compte plus de 8 millions d’appareils connectés ! L’utilisation du numérique étant en constante augmentation, d’ici 2030, ce sera 8 à 21 % de la consommation énergétique mondiale qui servira au numérique alors que 64 % de cette production provient actuellement d’énergies fossiles…[3]

Tel que mentionné dans la revue Gestion de HEC Montréal[4], dans un dossier intitulé Le paradoxe environnemental du numérique : « Une minute passée sur TikTok ou sur Instagram consomme entre 0,9 et 1 gr de CO2. Ainsi, le temps annuel moyen qu’un utilisateur passe sur ces applications équivaut, en termes d’émissions de CO2, à 210 kilomètres parcourus en VUS, soit la distance entre Montréal et Québec ! » Les vidéos occupant environ 80 % du trafic sur le web, on peut se rendre compte de l’importance de leur impact.

 

Une situation particulière au Québec grâce à l’hydroélectricité, mais…

Au Québec, grâce au type d’énergie produite, l’impact environnemental de l’utilisation des données est moins important qu’ailleurs dans le monde. Notre utilisation n’est toutefois pas nulle, bien au contraire. Des scientifiques associés au Centre interdisciplinaire de recherche en opérationnalisation du développement durable (CIRODD) ont estimé qu’une personne résidente au Québec utilise entre 5% et 17% de son budget carbone annuel à travers l’utilisation des technologies de l’information[5] (ce budget fait référence à la quantité maximale de CO2 qu’une personne devrait émettre dans l’ensemble de ses activités pour limiter le réchauffement de la planète).

Pour ce qui est de pollution numérique au Canada, 70 % provient de la partie production des appareils. Leur production génère en effet d’importantes émissions et nos appareils (téléphones, ordinateurs, télévision, etc.) sont changés beaucoup trop souvent, notamment parce qu’ils deviennent obsolètes trop rapidement. C’est bien pour cette raison que le gouvernement a adopté la Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir pour réduire notre empreinte écologique dans ce domaine (comme dans d’autres d’ailleurs).

Ce que l’on peut faire : sobriété numérique, déconnexion et même plus…  

Adopter une approche écoresponsable dans l’utilisation des technologies numériques peut significativement réduire notre empreinte carbone. Il est proposé par exemple de réduire la résolution de la caméra Web et de réparer plutôt que de remplacer les appareils électroniques. Les dirigeants et gestionnaires peuvent également contribuer en adoptant des pratiques d’écoconception, en optimisant l’utilisation du matériel informatique, en choisissant des centres de données alimentés par des énergies propres, en réduisant les réunions virtuelles et en présentiel, et en favorisant des solutions de stockage moins énergivores. Limiter la résolution des services de diffusion vidéo, et installer des services non essentiels dans des infrastructures infonuagiques sont également des gestes concrets vers une sobriété numérique efficace. Finalement, comme dans d’autres domaines, il s’agit peut-être de ralentir la cadence et de ramener à l’avant le fameux et pertinent slogan : « Small is beautiful ».

Cependant, considérant le rythme de croissance du numérique (+ 40 % par an d’augmentation du volume de données stockées), ces mesures d’atténuation ne seront pas suffisantes pour réduire l’impact environnemental du numérique. Et si nous profitions de ce défi pour en relever un autre ?

Sachant que l’utilisation des réseaux sociaux à tendance à isoler les individus les uns des autres, à créer des problèmes de santé mentale notamment chez les plus jeunes ou encore à favoriser les discours haineux et le harcèlement en ligne, pourquoi ne pas favoriser la sobriété numérique et la déconnexion à la fois pour l’environnement et pour favoriser et améliorer nos liens sociaux ?

C’est un peu l’idée de plusieurs personnalités, dont l’ancienne ministre de l’Éducation nationale française qui est même allée un peu plus loin : Najat Vallud-Belkacem a carrément proposé de rationner internet « en accordant un nombre limité de gigas à utiliser »[6]. Difficile de penser que ce genre de mesure pourrait voir le jour à court terme, mais elle a le mérite de nous alerter sur l’urgence des mesures à prendre dans ce domaine comme dans d’autres pour lutter contre les changements climatiques.

Références pour aller plus loin

[1] DiagnosTIC : L’impact environnemental du numérique au Québec et au Canada (zenodo.org) ShiftersMontréal

[2] Pollution numérique | Hydro-Québec (hydroquebec.com)

[3] Consommation numérique et GES : la fabrication pire que l’utilisation? | Agence Science-Presse (sciencepresse.qc.ca)

Ecoist Club – Expérience de sobriété numérique

Défi numérique – Chemins de Transition

[4] Le paradoxe environnemental du numérique | Revue Gestion HEC Montréal

[5] Sending fewer emails will not save the planet! An approach to make environmental impacts of ICT tangible for Canadian end users – ScienceDirect

[6] Rationner internet : « Nous avons besoin d’être protégés contre nous-mêmes » (reporterre.net)

Lire la chronique précédente :

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