Le Val-Ouest

Le poêle à deux ponts

En ce dimanche de mi-septembre, il pleut depuis le début de la matinée et le mercure se refuse à grimper au-dessus de 12 degrés. Hier encore, nous pouvions croire à l’été. Pas celui des « Indiens ». Pas l’astronomique non plus, défini par l’équinoxe de juin, ni le calendaire dont les dates varient selon le calendrier propre à certains pays. Le vrai, celui des météorologues qui réfère à la période la plus chaude de l’année. Tout cela pour dire qu’en ce dimanche, j’avais vraiment la sensation d’avoir mis le pied dans l’automne.

La veille, j’avais pourtant profité du beau temps pour rentrer les chaises de jardin, vidanger les boyaux d’arrosage, installer les bâches de l’abri d’auto et en ce jour spécial de collecte des produits dangereux, pour me rendre au lieu désigné déposer les vieux pots de peinture, les huiles usées et les engins électroniques périmés. Journée gratifiante laissant l’impression d’avoir répondu à mes obligations et le sentiment que l’hiver peut venir. Je serai prêt à l’affronter.

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J’ai alors réalisé comment le passage des saisons rythmait l’élan vital des uns et des autres. Côté nature, terminée l’explosion de vitalité l’automne venu. Autant la période de reproduction chez les animaux que celle de la poussée chez les végétaux sont derrière. Il reste bien quelques élans de croissance à mener à terme, mais pointe une forme de lenteur à saveur de devoir accompli. Chez les humains, il en va un peu différemment en raison de la période des vacances, mais l’été demeure la saison de tous les chantiers. À preuve, les cônes oranges qui poussent un peu partout comme des champignons.

J’étais toutefois partagé par des sentiments contraires. Autant j’avais bien profité de mon productif samedi, autant je profitais du calme de ce dimanche. J’ai sorti un vieux CD et me suis calé dans un fauteuil pour lire. Et j’ai alors été envahi par une forme de sérénité profonde. Une sérénité automnale. J’ai rendu les armes. Fini le combat contre le départ toujours trop hâtif de l’été. Seulement profiter de cette nouvelle saison et m’imprégner le moment venu de ses décors aux couleurs aussi vives que peuvent être profonds les bleus de ses ciels. Une petite attisée dans le vieux poêle à deux ponts est venue combler mon bonheur, sa vieille fonte partageant sans retenue sa chaleur.

Mais…

Mais, me triture encore malgré tout le profond malaise qui m’habite depuis ces quatre à cinq dernières années. La pandémie n’a pas aidé, mais le malaise est plus insidieux et plus diffus. Trop de menaces planent au-dessus de nos têtes et sur notre planète. Le réchauffement climatique n’a rien de rassurant. Et ce, d’autant moins que la coordination des efforts pour en contrer la progression semble dépasser la capacité de notre intelligence collective. Non pas qu’on n’ait pas d’idées sur ce qui pourrait être tenté pour freiner cette progression, mais qu’il est difficile d’orienter et coordonner les comportements de huit-milliards d’individus.

Persistent aussi mes inquiétudes devant ce qui se présente comme une profonde remise en question de nos modes organisationnels et politiques. À quinze ans, je rêvais d’un monde meilleur et toute remise en question des systèmes en place sonnait comme une musique à mes oreilles. Je sens bien qu’il en est de même aujourd’hui pour une frange importante de la jeunesse montante. C’est rassurant. Et pourtant. Un esprit malin continue de me tourmenter. Se pourrait-il que nous ayons atteint les limites d’un modèle politique ? Que les formes d’exercice du pouvoir, démocratiques aussi bien qu’autoritaires, ne répondent plus aux exigences de sociétés dorénavant engagées dans une ère technologique qui en transforme fondamentalement les principales activités ? Que les bouleversements qui en découlent entrainent une multitude de remises en question dans les grandes sphères du vivre ensemble ? Que les plaques tectoniques des rapports de pouvoir soient en train de bouger ? Qu’une révolution, dont il est difficile d’anticiper la forme, l’ampleur et les conséquences, se prépare qui bouscule la domination de l’occident et plus particulièrement celle des États-Unis ?

Le passage du temps est propice aux renoncements. Je ne vivrai pas assez vieux pour tout comprendre et tout anticiper. Et je suis trop vieux pour exercer une quelconque influence sur les transformations à venir. À moins d’une improbable accélération dans l’adoption de mesures efficaces pour freiner le réchauffement climatique et dans la rééquilibration des rapports de force, la terre et ses habitants traverseront, je le crains, une importante période de turbulences. Et je doute que nos fusées spatiales, ces gros pétards à mèche, ne constituent une bouée de sauvetage. Je rends les armes. Et je profiterai de l’automne pour me reconstruire un moral, les deux pieds sur la bavette de mon poêle à deux ponts.

À défaut de pouvoir faire davantage pour notre sort collectif, je suis allé voter par anticipation à notre élection provinciale…

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