Le Val-Ouest

Le système de santé du Québec le plus privé du Canada ?

Ma Douce et moi avons été invités à participer à un atelier de réflexion avec une trentaine de personnes sur la place du privé dans l’offre de soins de santé. Sujet sensible et d’actualité, du moins au Québec, voire au Canada tout entier ! La convocation nous est venue de l’AMC, pour Association Médicale Canadienne. Je me suis présenté à cet atelier un brin sur mes gardes. Que pouvais-je attendre d’une demi-journée de rencontre pour traiter d’un sujet aussi sensible et complexe ? Et comment croire à la neutralité d’une association de médecins ? À ma surprise, j’en suis ressorti impressionné par l’organisation et rassuré par la qualité des échanges et l’accueil réservé à nos interventions.

On nous a d’abord communiqué quelques résultats de sondages tout récents. Nous avons ainsi appris que 39 % des Canadiens interrogés laisseraient peu de place au privé, que 29 % pensent que la privatisation est un changement nécessaire et que 33 % reconnaissent les avantages à la fois des soins publics et des soins privés. Par ailleurs, 47 % étaient opposés à l’idée de permettre de payer de sa poche pour obtenir plus rapidement des examens diagnostiques ou certaines interventions chirurgicales, contre 43 % qui y étaient favorables. C’est dire que les opposants à une présence du privé, dût-elle engager des frais additionnels, sont à peine plus nombreux et représentent moins de la moitié de la population.

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Par ailleurs, en 2022, les provinces ont assumé 78 % des coûts de tous les soins de santé, le reste ayant été payé par les patients sous une forme ou sous une autre. Autre donnée surprenante, 27 millions de Canadiens ont une assurance privée, 66 % l’obtenant par le biais de leur employeur. De plus, les Canadiens ont en moyenne payé plus de 1000 $ pour des soins de santé en 2020. Certains auront donc déboursé des montants beaucoup plus importants pour expliquer cette moyenne. Enfin, si on en croit diverses études comparatives, le Canada continue, malgré les difficultés rencontrées, de faire partie des pays offrant les meilleures couvertures en soins de santé.

Cela dit, le Québec, comme le reste du Canada, est à un tournant dans l’offre des services de santé. Les coûts explosent, le nombre de personnes sans médecin de famille est en croissance et les temps d’attente pour différents soins explosent. Le tout, sans parler de la difficulté de recrutement de personnel et du critiquable commerce des agences de placement des infirmières. Autre donnée inquiétante, l’augmentation du nombre de finissants en médecine qui, sans expérience autre que leurs stages de formation, optent pour la pratique en clinique privée avec le statut de « désengagé » du système d’assurance maladie. Le Québec est d’ailleurs la seule province où les médecins peuvent ainsi se désengager. On en compterait environ 600 alors qu’il n’y en aurait que 12 à travers tout le reste du Canada. Cet état de fait pourrait expliquer en partie le nombre croissant de cliniques privées au Québec. Aux prises avec un système aussi débordé que le nôtre, l’Ontario envisage de faire une plus large place au privé. Mince consolation.

Ce virage progressif vers plus de privés est-il un mal nécessaire ou la solution tant attendue ? La discussion à notre table ne laissait planer aucun doute à ce sujet. Il faut trouver un remède pour guérir le système public et non chercher ailleurs. Les intervenants sont prisonniers d’une trop lourde bureaucratie, les médecins ne peuvent ou ne veulent déléguer, les infirmières cliniciennes spécialisées sont trop peu nombreuses, les systèmes de rendez-vous sont rigides, les salles d’opération sous-utilisées et les médecins en nombre insuffisant à en juger par les pays où les services de santé sont plus performants. Ce n’est sans doute là qu’une partie du problème, mais à l’évidence un changement de culture dans l’offre de soins s’impose. Et il nous était difficile d’imaginer que plus de privés seraient synonymes de plus de « rendement » et de réduction de coûts. Trop de « mesures correctives » ont échoué. Un virage important s’impose, encore faut-il qu’il soit le bon !

Bien petit problème quand on sait que les hôpitaux de la bande de Gaza n’ont ni électricité ni eau courante !

Pendant ce temps

Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. En janvier dernier, on dénombrait dix conflits armés « à surveiller »1 auxquels il faut maintenant ajouter celui entre Israël et le Hamas. Certains prétendent que c’est l’état de tensions internationales le plus inquiétant que nous ayons connu depuis la dernière guerre mondiale. Je n’arrive toujours pas à m’expliquer que peuvent exister des esprits assez tordus et assez déshumanisés pour déclencher des guerres assassines. Le mystère demeure entier pour moi malgré toutes les raisons et les explications qu’on peut m’en fournir.

1 Ukraine, Arménie et Azerbaïdjan, Iran, Yémen, Éthiopie, La République démocratique du Congo et les Grands Lacs, Le Sahel, Haïti, Pakistan, Taïwan Source : International Crisis Group, janvier 2023.

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