Le Val-Ouest

Le vrai du faux, le faux du vrai…

« Satyameva Jayate », en français, seule la vérité triomphe… Il s’agit de la devise adoptée par l’Inde le 26 janvier 1950, le jour de son indépendance. Cette sage parole a pour origine un des anciens textes de la civilisation indienne, le Muṇḍaka Upaniṣad.  La vérité est une idée noble, voire une aspiration idyllique vers laquelle nous ne pourrons que tendre. La vérité en tant que telle, nous n’essaierons pas de la cerner dans cette petite chronique, car elle est bien trop abstraite pour que nous puissions la résumer en quelques mots. Plutôt, nous nous intéresserons à sa valeur première, celle d’être attribut de ce qui est juste et qui tend vers le vrai par opposition au mensonge.

L’humain tend bien souvent à les confondre en accordant une valeur de vérité au faux et de discrédit au réel. Cette tendance fut étudiée par Étienne Klein avec les biais du discours. Dans d’autres cas, la vérité n’est pas seulement manipulée et tordue, elle est tout simplement censurée…

Les biais du discours, selon Étienne Klein…

Le premier biais consiste à « accorder plus de crédit aux thèses qui plaisent ». L’homme a tendance à croire et à transmettre les assertions qui le confortent dans ce qu’il croit, que cela soit rationnellement justifié ou non.  C’est d’ailleurs en partie l’origine du franc succès des réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram qui misent sur des algorithmes pour bombarder les fils d’actualités des utilisateurs avec du contenu qui les confortent dans leurs idées. En quelques visionnements et réactions au contenu exposé, l’algorithme cerne mieux l’humain et ses goûts que l’humain même ne le sait!

Le second biais consiste à « ne pas douter de l’autorité en place », ce que Dan Sperber qualifie « d’effet gourou ». L’humain a tendance à accorder, de par son expérience, crédit aux paroles de l’expert sans jamais la remettre en doute. Un exemple serait un étudiant qui suit un cours de mathématiques en recopiant tout ce que le prof écrit au tableau, sans vérifier si ce qui est écrit est juste ou pas. Il s’agit d’un apprentissage passif. Dans ce cas, l’expert a le dernier mot sur le vrai, même s’il y a des erreurs à l’occasion.

Les deux derniers biais, quant à eux, consistent à « parler avec assurance de sujets que l’on ne connaît pas » et à « faire confiance à son intuition », qui est rarement la bonne. Dans les premiers instants de la découverte de nouvelles notions, l’humain a tendance à surestimer sa compréhension et à transmettre des informations qui peuvent se révéler fausses, faute de n’avoir pas assimilé toutes les subtilités derrière les notions apprises.

C’est ce qu’évoque l’effet Dunning-Kruger, qui montre qu’au début de l’apprentissage, tout juste après avoir vu les bases, l’on se sent en confiance ce qui correspond bien souvent aux heures des discours assurés et bien souvent erronés ou du moins, incomplets. Si la personne poursuit l’apprentissage survient la grande désillusion face à toutes les subtilités que suppose une réelle compréhension des notions. C’est donc à ce moment qu’une confiance et une maîtrise beaucoup plus lente et graduelle se font, et la personne tend à se sous-estimer au contraire, car il est au courant de ses lacunes. Il est donc important de souvent remettre en question ses compétences, surtout en phase d’apprentissage, ou encore son émerveillement face à un beau-parleur.

La vérité face au pouvoir …

Au-delà des vérités bien visibles, il y a celles qui sont délibérément cachées à une frange de la population afin de restreindre leurs libertés. Lorsqu’une vérité menace une autorité, elle a tendance à être écartée. Dans cet esprit, Étienne Klein explique que : « la raison pour laquelle perdure tant les mathématiques pures, est simplement par le fait qu’elle ne fait pas obstacle à l’obtention du pouvoir de quelqu’un ou aux ambitions personnelles, au profit, mais bien au contraire … ».

Les mathématiques sont donc valorisées, car elles servent le pouvoir plutôt que de s’y opposer. On voit donc que l’information est contrôlée, ou bien guidée et cela tend à conduire les sociétés dans des régimes élitistes, “pseudo-démocratiques” qui dans les faits tendent à décrédibiliser les vérités qui dérangent.

Dans le livre « Contrôle des médias », Chomsky, rappelle qu’une version de la démocratie consisterait à accorder du pouvoir à  une minorité élitiste ainsi qu’à une classe spécialisée qui servirait à l’intérêt de cette minorité. Il semble bien simple de faire un parallèle entre cette vision de Noam Chomsky et notre monde où, durant des décennies, le changement climatique fut ridiculisé par les politiques, car supposant des sacrifices économiques énormes.

Conséquences sur la science…

La quête de pouvoir est possible grâce à la science (armement de guerre, savoir et stratégies militaires), cette science que Nietzsche disait « à laquelle les hommes doivent à peu près toute l’humanité ». Alors que Newton passait beaucoup plus de temps à l’alchimie et à la spiritualité qu’à la physique et que Ramanujan avait une déesse qui lui montrait la voie vers des formules mathématiques hors de ce monde, les scientifiques modernes sont formés dans une science dans un cadre rigide dans les écoles. On a déprivé la science de son humanité en ne donnant du financement qu’aux recherches qui ont pour but de servir à des fins pratiques, parfois destructrices… De telle sorte qu’on lui enlève sa richesse, et le plaisir qu’on pourrait y prendre si les scientifiques pouvaient poursuivre des recherches en quête de réponse aux questions fondamentales qu’ils se posaient étant enfants.

Le vrai du faux, le faux du vrai… La quête de la vérité nécessite la reconnaissance des biais individuels, la compréhension des forces sociales qui manipulent l’information, et la préservation de la science dans son essence exploratoire. Seul un engagement vigilant envers la vérité peut nous aider à naviguer dans un monde saturé d’informations contradictoires. En y mettant tous de notre temps, peut-être réaliserons-nous ces sages paroles : « seule la vérité triomphe ».

Lire la chronique précédente :

2 avis au sujet de « Le vrai du faux, le faux du vrai… »

  1. excellent article , BRAVO. Votre journal nous surprend de plus en plus. Très bien fait et varié.

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