Le Val-Ouest

Les conséquences inattendues de l’éclipse solaire

Après avoir découvert l’Irlande l’an dernier (https://www.youtube.com/watch?v=DlZUoOdlwSM), mon chum et moi avons cette année opté pour la Turquie. Terre de mystères assise entre l’Eutrope et l’Asie, culture musulmane, paysages rocheux inusités, épices, thés et villes légendaires, tout nous tentait de ce pays. Nous n’avions pas tout prévu le voyage en avance ; alors que pour l’Irlande tout était réservé, cette fois nous voulions nous laisser le loisir de prendre ça au jour le jour.

Nous avions donc le billet d’avion, le stationnement, la voiture de location, nos deux premiers Airbnb et un tour en montgolfière. Nous avions aussi opté pour partir de Boston, car cet aéroport nous offrait un vol direct avec Turkish Airlines.

Notre date de départ : le 8 avril, jour de l’éclipse. Nous devions partir à 15h de Stanstead, pour arriver vers 18h30 à Boston, faisant en sorte que nous allions manquer la fameuse éclipse solaire.

Le jour de l’éclipse

Je me rends au cercle de pierres de Stanstead vers 14h15 pour voir les cérémonies mises en place pour cet événement astronomique unique. J’y trouve quelques kiosques de lunettes certifiées ISO, je ne sais plus quoi, des collations. Et un groupe de femmes chante des chants autochtones en plein centre du cercle de pierres. Nous partons comme prévu à 15h.

Je suis habitée par une sourde angoisse ; une peur de… En fait je ne sais même pas moi-même. J’essaie de rationaliser mes émotions, que je mets sur le dos d’une anxiété qui n’a pas lieu d’être, car force est d’admettre que depuis la pandémie, chacun de mes voyages est hautement anxiogène, et ce, sans raison.

Alors que nous roulons depuis près de 25 minutes, la luminosité change presque drastiquement. Nous décidons de nous arrêter dans une sortie d’autoroute, pile-poil à temps pour admirer l’éclipse. Une bonne vingtaine de voitures sont présentes.

« Partons vite avant que tout le monde lève l’ancre », me dit Scott. Au premier rayon de soleil qui met fin à la totalité de l’éclipse, nous sautons dans la voiture et reprenons notre route vers l’aéroport. Nous ne roulons que quelques kilomètres quand nous rencontrons un premier bouchon. Après plusieurs longues minutes de ralentissement, nous réussissons à reprendre une bonne vitesse de croisière. Pourtant, après deux kilomètres, nous rencontrons un deuxième bouchon. Mon niveau d’anxiété grimpe dans le tapis, puis le même phénomène se reproduit 1, 2, 3 autres fois. Malheureusement, les bouchons sont de plus en plus longs.

La présence policière est accrue et nous en venons à un arrêt complet sur l’autoroute. J’observe la situation, je vois le temps filer et j’en viens à conclure, après deux heures d’un tel rythme, que nous allons probablement manquer notre vol. Scott, lui, garde espoir. Il gardera espoir jusqu’à 21h, notre vol étant à 21h50 (il nous restait près de 2h de route encore !).

Arrive un moment où l’être humain doit accepter de regarder la réalité en face et cesser de croire aux licornes; dans notre cas, cela voulait dire de se rendre à l’évidence : il nous fallait oublier la Turquie, du moins pour ce soir.

Alors que cette dure réalité s’abattait sur moi, j’ai aussi pris conscience que nous n’avions nulle part où dormir, que nous devrions gérer le plus rapidement possible l’annulation de nos réservations et que nous n’avions plus de plans pour les deux prochaines semaines. J’avais l’impression qu’il fallait réfléchir vite alors que mon cerveau était emmêlé dans les brumes de la confusion et du stress.

Nous nous arrêtons au Wendy’s pour nous remplir l’estomac, puis en mangeant nous évaluons nos options. Un séjour aux États-Unis ? Bof. Un nouveau billet pour la Turquie ? Hors de prix. En magasinant en ligne, nous trouvons des billets peu chers pour l’Écosse, ce qui nous enthousiasme grandement, mais il annonce de la pluie toute la semaine, et il ne faut pas oublier que nous partons avec des bagages prévus pour le climat de la Turquie (donc loin d’être aussi pluvieux que l’Écosse).

Après quelques minutes de recherches, Scott dit : « Il y aurait l’Espagne, pour 575USD ». Bon, ce n’est pas donné, mais ce n’est pas hors de prix non plus. De plus, ma voisine et bonne amie Dolores y possède un appartement dans la ville de Séville, qu’elle nous a offert à plusieurs reprises déjà. Finalement, le canal météo y annonce du soleil mur à mur. Il n’en faut pas plus pour que nous prenions une décision : nous passerons deux semaines en Espagne !

Ce soir-là, dans notre chambre de motel miteuse, nous annulons nos réservations pour la Turquie puis réservons nos deux premières nuits à Ségovie, à 1h de Madrid. La petite Mini Cooper vert lime que nous louerons sur place pour le prix plus qu’acceptable de 141 euros nous mènera de Ségovie à Tolède, puis à Grenade, la Ronda, Benamahoma, Vejer de la Frontera, Cadiz, Jerez de la Frontera, et Séville, sans oublier la plage de Bologne, mais ces aventures feront peut-être l’objet sinon d’un futur article, du moins d’une vidéo sur ma chaîne YouTube.

Tout ça pour vous dire que lors de la prochaine éclipse solaire visible du Québec, dans 80 quelques années, restez donc chez vous. 😉 Sur un ton un peu plus sérieux, sachez que de changer de destination à la dernière minute n’est pas de tout repos, mais que ça se fait. Qu’il y a même quelque chose d’excitant dans cette chance de découvrir – sans attente – des lieux dont on ne connaissait même pas l’existence ! Comme l’a dit Lao Tseu : « Un bon voyageur n’a ni plan établi ni destination. »

Lire la chronique précédente :

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