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Les femmes dans le monde

Les femmes dans le monde : Elles ne sont pas une minorité, et pourtant…

« Je suis une femme confiante, habitant un pays sûr pour les femmes. J’ai osé des choix professionnels audacieux, (…) pourtant, mon sentiment d’invulnérabilité et ma sensibilité sont bouleversés par deux nouvelles des dernières semaines : l’avortement menacé aux États-Unis et le retour du talibanisme extrême dirigé contre les femmes en Afghanistan. » Marie-France Bazzo1. Comment s’expliquent de tels états de fait, comment se justifient la remise en question du droit à l’avortement dans de nombreux États américains ou la réimposition du port du voile et l’interdiction faite aux femmes afghanes de poursuivre des études. Madame Bazzo ne fait généralement pas dans la dentelle lorsque vient le temps de prendre position ou d’exprimer son point de vue. Sa chronique du 17 mai NOUS NE SOMMES PAS UNE MINORITÉ n’y échappe pas. Mais si elle regarde à distance le recul récent qu’accuse le statut des femmes notamment en Afghanistan et dans certains états américains, on la sent personnellement touchée tant dans ses convictions que dans son être.

Il n’en fallait pas plus pour que remontent chez moi plein de souvenirs. Encore enfants, ma sœur et moi avons appris à prendre soin de notre mère souffrant d’un ulcère variqueux à la jambe. Je reconnaitrais l’odeur de l’onguent Ozonol à un kilomètre je crois. Nous avions nos tâches respectives, notre père veillant efficacement, mais tendrement à leur exécution. Il était proche aidant à sa manière.

Quelque vingt ans plus tard, je me suis retrouvé père célibataire d’un fils de près de quatre ans et d’une fille comptant sept ans de plus. Très jeune, elle aura appris à prendre soin du petit frère et à prêter main-forte à un paternel devant apprendre à la dure le rôle de mère substitut. J’en ai été quitte pour laisser mon poste de directeur de département et reprendre mes fonctions de professeur aux horaires moins contraignants. Et j’ai appris à faire la cuisine, à recoudre les boutons et repriser les vêtements, à organiser les baluchons des enfants pour leur visite bimensuelle de deux jours à leur mère. Puis, la cinquantaine venue, pendant quatorze ans j’ai accompagné ma conjointe atteinte de la maladie d’Alzheimer. Toutes ces expériences m’ont forcé à toucher dans ma chair et dans mon quotidien la complexité et la lourdeur des rôles les plus souvent dévolus aux femmes. Fort heureusement, elles m’ont aussi permis de communier à la beauté, à la noblesse et à la grandeur de ces rôles.

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Ces passages obligés ont notamment aiguisé ma sensibilité à l’endroit du statut réservé aux femmes, par leur nature d’abord, mais aussi par le contexte social dans lequel elles évoluent et avec elles, leurs semblables masculins. L’image me frappe toujours des mères poussant carrosse avec, selon le cas, un ou deux autres enfants accrochés qui à leur manche, qui au bras du carrosse, à moins qu’il ne s’agisse d’un petit qu’il leur faut rattraper parce que trop aventureux. Si cette image me frappe, elle m’émeut aussi. Elle peut toutefois aussi bien m’émouvoir par le bonheur et la fierté qui se dégagent du sourire d’une jeune mère que par la lourdeur d’une tâche aux mille responsabilités qui se lit sur les épaules affaissées d’une autre.

On touche ici à l’avenir de jeunes êtres en premier lieu, mais également à celui d’une lignée, d’une société, d’un peuple, voire de l’espèce humaine tout entière. Cela pourrait bien expliquer les conditions trop souvent contrôlantes imposées aux femmes. Force est de reconnaître que chez l’homo sapiens, le mâle ne semble pas avoir perdu l’instinct de domination propre aux mâles de nombreuses espèces d’êtres vivants. Non plus que la brutalité qui y est hélas trop souvent associée. Évolution oblige. En 2021, 17 féminicides au Québec, une femme violée toutes les dix minutes au Brésil2. En 2018, 120 féminicides en France et 1014 aux États-Unis3. Le tout, sans parler de la violence conjugale « ordinaire » verbale comme physique, ou du contrôle marital encore exercé dans de nombreux pays.

Et il y a toujours chez-nous, qui désavantagent les femmes, la discrimination salariale, le plafond de verre, l’interruption de carrière pour raison de maternité ou l’inévitable prise en charge des enfants pour un trop grand nombre de mères célibataires.

Liberté pour tous prônent certains ténors. Cela devrait bien inclure celle de pouvoir choisir d’enfanter ou non, d’étudier ou non, d’ambitionner occuper ou non des postes prestigieux. C’est une belle reconnaissance que la Fête des mères mais à quand une Journée de la femme où pourra être célébrée une égalité des humains qui soit vraiment égalitaire … ou moins machiste ?

1 Marie-France Bazzo Nous ne sommes pas une minorité La Presse+ le 17 mai 2022

2 Agence France presse

3 Rose Hackman Femicides in the US : the silent epidemic few dare to name

The Guardian le 26 septembre 2021

Michel Carbonneau

Lire la chronique précédente : Les marchepieds

Un avis au sujet de « Les femmes dans le monde »

  1. Quel texte touchant M. Carbonneau…Espérant que dans ce monde…parfois incompréhensible en 2022…, certains auront su se “regarder”, se reconnaître et auront la volonté d’apporter qq changements… Encore une fois Merci pour cette belle réflexion!

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