Pour Margrethe Ulvik, la matière textile, élément fondamental de sa démarche artistique, est un lien direct avec la nature. Parce qu’elle affectionne instinctivement les fibres d’origines végétale ou animale, comme la laine et le lin. Mais surtout parce qu’elle s’en sert pour transposer ses états d’âme.
« Cette transformation de la fibre par le tissage, c’est une façon de me connecter au monde et à la nature », résume cette Estrienne d’adoption d’origine norvégienne, résidant dans le Canton de Hatley, et qui présente l’exposition Mouvements et dentelles. « Le tissage est très simple, mais il me relie à ce qui est naturel pour moi. Le mental et mes mains sont synchronisés quand je travaille. Je suis nerveuse quand je crée, il me faut du courage, parce que je suis engagée : je deviens ce fil. C’est un morceau de moi que je montre, un autoportrait. » Elle pointe l’un de ses tissages, intitulé Discours d’une matière. « On voit du lin comme fibre. Avec ce fil, on est capable de bâtir une surface. Quand on fait une peinture, on commence par une surface. Ici, je commence avec un fil, puis la surface et l’expression se font en même temps. Je trouve ça fascinant de bâtir une surface de zéro. »
L’exposition Écosystèmes réunit le travail de trois artistes autour du rapport entre l’humain et son environnement dans une perspective écologique et sociale. Margrethe Ulvik
La démarche sensorielle de l’artiste
Dans le monde actuel, cette démarche sensorielle lui permet de s’épanouir : «Les communications numériques, ce n’est pas assez pour moi. J’ai besoin de présence, de toucher. » L’artiste s’exprime depuis toujours par la création. «Même enfant, mon chemin était celui des arts. C’est un langage. C’est ma façon d’être dans le monde. » Très intuitive dans son processus de création, elle ignore à quoi ressemblera son œuvre lorsqu’elle commence à créer. «Mon plaisir, c’est de découvrir le résultat.»

La mémoire d’un tissage Jaune, La mémoire d’un tissage noir, La mémoire d’un tissage rouge
« Avec le tissage, je réussis à créer un lien avec le passé et à lui donner un langage contemporain. » Explique Margrethe Ulvik.
Le paradis à Kamouraska
Mouvements et dentelles se constitue donc d’une série de tissages aux fibres parfois fines, parfois grossières, tantôt lisses, tantôt bouclées ou hirsutes. « Le tissage, c’est aussi relié au temps. C’est une façon de garder un lien avec le passé et lui donner une valeur aujourd’hui. Le passé, ce n’est qu’un mot. Avec le tissage, je réussis à créer un lien avec le passé et à lui donner un langage contemporain. » Un peu plus loin, une série de collages de papier se distingue des tissages. Sa série intitulée Résonance du fleuve est née d’une résidence artistique de quatre semaines à Kamouraska. « C’est du papier, mais ce sont comme des tissages. Je bâtis encore une surface», précise l’artiste, qui affirme avoir travaillé dans le même esprit. Inspirée par le printemps, le retour des oiseaux, le rythme des marées, elle sourit, respire et murmure : «C’était le paradis pour moi.»
Le CCYLB accueille également l’installation La laine est un matériau nomade, tel un jardin portable composé de tissages de laine, de sons et de photographies. Les œuvres sont le résultat d’une résidence d’artiste à REDA, un organisme culturel valcourtois, où Margrethe Ulvik a organisé des ateliers avec douze femmes, dont des nouvelles arrivantes. Ces femmes se sont réunies pour découvrir le potentiel créatif du travail avec la laine.
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