Le Val-Ouest

Me ressaisir

 

Je cherche encore. Me cherche encore. Je me suis pourtant bien préparé comme tous les automnes. Fermé l’eau, sortir les pelles, dépoussiéré manteau d’hiver, bottes, tuque et mitaines, installé les pneus à neige. Les décorations n’attendent plus que la neige et le père Noël. Mais le cœur n’y est pas. Je n’ai pas vu passer novembre. L’esprit ailleurs. Préoccupé. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Une escapade à Cap-à-l’Aigle. Trois jours. Pour retrouver le fleuve. M’enivrer de sa beauté. De sa couleur d’éternité. M’imprégner de sa force. De sa patience. Nous avons marché. Nous sommes reposés. Nous avons respiré à pleins poumons l’air venu du large. Mais le soleil est demeuré secret, tristement caché sous d’épais nuages. Sauf le matin du départ, comme pour nous encourager. Pour entretenir l’espoir.

Les guerres qui perdurent étaient en train d’avoir raison de mon humeur. Depuis, le froid est venu me fouetter. Doucement d’abord, mais suffisamment pour me sortir de ma lassitude. Puis la neige s’est ajoutée. D’abord sous forme de giboulée. Lourde, gorgée d’eau. Un peu grisâtre. Le déneigeur a choisi d’attendre. J’ai voulu m’y attaquer, mais ai vite réduit mes ambitions aux deux accès menant à la maison. L’allée de l’auto devra attendre. Je n’allais tout de même pas m’esquinter à la première bordée venue. Le lendemain, une neige folle, tourbillonnante, portée par des bourrasques, a parfait le travail. La métamorphose est complète. Plus la moindre trace de verdure. Cette froide luminosité de l’hiver me fera oublier le trop court passage du soleil sur les jours. J’aurai aussi eu droit à ma première conduite de nuit sous la poudreuse, cette neige folle qui ensorcelle et vous hypnotise à vous faire perdre le tracé de la route.

L'Info-Val

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Ma douce a retrouvé son inépuisable énergie du temps des Fêtes. Listes de cadeaux et de recettes rivalisent de surprises et d’abondance. Il est devenu impossible de circuler dans la maison sans qu’un jeu de lumière, une couronne, un cristal de neige, un père Noël et ses cerfs ne rappellent l’aura festive de la saison. Le signal est donné jusque sur le perron où guirlandes étincelantes et boules géantes rivalisent d’ingéniosité pour retenir l’attention. Plus discrètement, les fumets de la cuisine me titillent les narines et m’asticotent la gourmandise. Je quête à l’occasion quelques parcelles de ce qui mijote, invoquant l’obligation de me préparer le foie et l’estomac à ce qui les attend. Je sens que l’Esprit des Fêtes est en train de me gagner.

J’aurai tout de même mis la main à la pâte. Enfin, un peu. J’aurai coupé en petits cubes la boule de céleri rave, fait l’équivalent avec les énormes carottes, pressé le citron, contribué à la séparation des légumes cuits et de leur bouillon et fait office de plongeur en bout de parcours. La blanquette de veau — aux cubes de porc (!) — s’annonce merveilleusement bien. Les convives du temps des Fêtes peuvent dormir tranquilles, ils seront gâtés. Ma douce m’aura encore une fois impressionné par son imagination, sa patience et sa détermination. Bien se nourrir, quelle affaire.

En une semaine, j’ai reçu par la poste sept sollicitations d’organismes de bienfaisance. Sans compter celles qui me sont parvenues par courriel. Difficile de faire la sourde oreille à ce criant rappel des besoins d’une part trop importante de la population. Au fil des ans, mes contributions ont changé de destinataires si bien que la liste s’est allongée. Je ne pourrai céder à toutes ces demandes, mais je vais racler le fond de ma tirelire de bienfaisance pour répondre au plus grand nombre. La conjoncture économique actuelle est difficile pour trop de personnes. Il y a du sable dans le trop savant engrenage de notre système économique. Loin de s’atténuer, le clivage entre riches et pauvres s’accentue. Comment expliquer la surcharge des banques alimentaires. Et la scandaleuse augmentation parallèle des profits des grandes chaines d’alimentation de ce monde. Trop vieux pour monter aux barricades, mais pas encore assez pour me taire. Et fermer les yeux !

Je sais bien. Je sais bien que sur notre grosse boule bleue l’instinct de domination est inscrit dans notre humain ADN. Les conflits meurtriers sont permanents. Ils se déplacent d’un continent à l’autre comme une indomptable pandémie de violence. Dans un mouvement tout aussi perpétuel, nous faisons périodiquement taire notre indignation. Elle serait trop sollicitée autrement. Il arrive toutefois que la coupe déborde. Qu’on ne puisse plus rester indifférent. Comme devant les guerres en Ukraine, ou dans la bande de Gaza. Mais pourquoi celles-là et pas les autres ? Parce qu’on en parle davantage, qu’on se sent culturellement plus concerné ? Allez savoir.

La vie se nourrit aussi d’instants de bonheur, d’heures bénies dont on ne saurait trop souligner l’importance. Je me le rappellerai en cette période des Fêtes et je dirai aux miens toute l’affection et la tendresse que j’ai pour eux.

 

Joyeuses Fêtes

Texte publié dans le Moulin Express

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