Le Val-Ouest

Racisme ordinaire ou bêtise humaine ?

Moulin Express 2020
Ce texte est d’abord paru dans la plus récente édition du Moulin Express de Lawrenceville

J’ai été interpelé par un courriel de mon ami Jules. Tout en se scandalisant des propos1 tenus par deux soignantes de l’hôpital de Joliette à l’endroit d’une patiente autochtone de la réserve Manawan, il s’interrogeait sur ce qui a amené à conclure que ces propos étaient racistes. Bonne question puisqu’à aucun moment elles n’ont fait allusion au fait que la patiente appartenait à une communauté autochtone. Auraient-elles eu les mêmes réactions devant une patiente québécoise « pure laine » ?

Le Québec, en raison de son histoire, serait-il un terreau favorable à l’expression d’un racisme, qu’il soit systémique ou non, dont on voudrait taire l’existence, mais qui serait répandu et bien réel ? On pourrait le croire à la lumière des réactions tant des médias que des politiciens. La question n’est pas simple. On ne peut toutefois exclure l’hypothèse voulant que cette réaction participe de la vague d’opprobre et de blâme qui déferle sur les sociétés occidentales. À quand l’interdiction du mot « sauvage » qu’on remplacera par l’expression « le mot commençant par S » !

Alanis Obomsawin, cinéaste abénaquise réputée, et Serge Bouchard, anthropologue connu pour ses études sur les cultures amérindiennes, étaient les invités de Pénélope McQuade à son émission radio du 30 octobre dernier. J’ai retenu trois éléments de leurs échanges.

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  1. Les manuels scolaires du primaire des années cinquante au Québec ont largement contribué à créer un climat de méfiance à l’endroit des autochtones. Ils y étaient présentés sous un jour très négatif qui ne pouvait que susciter peur et haine à leur endroit. Je me souviens effectivement d’illustrations, où on les montrait pratiquer la torture sur les missionnaires venus répandre la « bonne nouvelle ». Il y avait certes là semence à racisme. Aujourd’hui âgée de 87 ans, la cinéaste est toujours scandalisée par la façon dont on y a traité ses semblables.
  2. Pour peu qu’on se donne la peine d’entrer en contact avec les communautés autochtones, les préjugés tombent et le dialogue s’établit. Il n’y a rien de nouveau dans ce constat, mais il demeure toujours aussi vrai et toujours d’actualité. Il n’est pas mauvais de se le rappeler.
  3. Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, les rapports entre les « Blancs » et les peuples autochtones se sont beaucoup améliorés. Toute forme de racisme à leur endroit n’est pas disparue pour autant, mais il faut se réjouir des progrès réalisés.

Le sujet est préoccupant certes, mais il importe d’abord de voir si ce dramatique événement n’est pas d’abord le fait de personnes incompétentes, visiblement pas à leur place dans le rôle de soignantes.

Par contre… Lu le 20 octobre dernier cet extrait de l’éditorial d’Éric Grenier, rédacteur en chef de la revue L’Actualité Médicale. Le racisme systémique, c’est le laisser-faire qui permet à du personnel soignant à l’attitude odieuse de passer sous le radar pendant des années dans un établissement pourtant habitué à recevoir des membres de cette communauté. Le racisme systémique, ce sont deux gouvernements qui se cachent derrière la constitution pour ne pas régler la question d’un service ambulancier digne du 21e siècle pour Manawan…

Le racisme a quelque chose d’endémique. C’est toute la race humaine qui en est atteinte. Inné ou acquis, je ne saurais dire, vraisemblablement un peu des deux, mais il me parait dériver de ce mécanisme de défense qui vise à nous protéger de ce qui nous est étranger et qui pourrait constituer une menace à notre intégrité ou à notre espace vital. Les dérives attribuables à ce mécanisme sont hélas dramatiques et trop largement répandues sur la planète. Fort heureusement, la curiosité, qui est tout aussi instinctive, vient moduler ce réflexe de protection. Elle aura permis d’apercevoir une commune humanité au-delà des différences de race, de culture, de valeurs, de religion…

Et mon ami de conclure : Les propos tenus à l’hôpital de Joliette étaient-ils racistes? Les cinq enquêtes annoncées nous le diront peut-être. Ce n’est pas impossible, mais il faudrait des preuves et surtout du courage à un enquêteur pour prétendre le contraire, le « procès » ayant déjà eu lieu quelques heures après les faits.

Et moi d’ajouter : Je ne sais toujours pas s’il s’agit de racisme, qu’il soit ordinaire ou systémique. Je sais toutefois que les propos tenus envers cette pauvre femme à l’agonie relèvent avant tout de la bêtise humaine.

Michel Carbonneau
2020-10-31


1«Esti d’épaisse de tabarnouche… C’est mieux mort, ça. As-tu fini de niaiser… câlisse? T’es épaisse en câlisse», murmuraient deux membres du personnel de l’hôpital de Joliette.
«T’as fait des mauvais choix, ma belle. Qu’est-ce qu’ils penseraient, tes enfants, de te voir comme ça? Pense à eux autres un peu… C’est meilleur pour fourrer qu’autre chose, pis on paie pour ça. Qui tu penses qui paie pour ça?»
(D’après le Journal de Montréal, vendredi 2 octobre 2020)

Lire la chronique précédente : Chronique de Michel Carbonneau – Octobre 2020

Un avis au sujet de « Racisme ordinaire ou bêtise humaine ? »

  1. Quelle chronique intéressante et réflexive M. Michel! Merci de tenter “d”élever” l’humain…à être moins bête!!
    Cet été j’ai visité le Musée des Abénakis à Nicolet…un pas de rapprochement vers “l”Autre” , notre concitoyen québécois! sant! Et l’animateur passionné était très intéressant et généreux pour mieux nous instruire, connaître! Une riche activité culturelle à promouvoir qui peut faire une différence! Espoir: suite à l’enseignement à l’école, ma petite fille de 3e année m’a fait un exposé oral sur les Amérindiens…on marche vers un monde meilleur.

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