Le Val-Ouest

La vie en trois temps – Trop tôt, trop peu, trop tard

« Parler du suicide sauve des vies ». Tel est le thème de la semaine de prévention du suicide qui se déploie du 31 janvier au 6 février 2021.

Ce témoignage est une réflexion très personnelle sur le suicide suite à un événement tragique. Je n’ai d’autre motif qu’une prise de conscience de notre responsabilité collective.

Trop tôt

L'Info-Val

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Peu avant Noel, un membre de ma famille, je l’appellerai M, a mis fin à sa vie. M n’avait que 70 ans. Il aimait rire, danser, manger, marcher, nager, faire du vélo, être en famille. M aimait la vie. Plus il y avait de monde, mieux il se portait. Déjà à ce moment, quand tout allait bien, on aurait dû commencer à dire « T’es important pour moi ». Verbaliser ce qu’on pensait mais qu’on disait trop rarement.

Trop peu

Puis sont apparus quelques problèmes de santé physique qui lui gâchaient ses jours…et ses nuits. On le croyait. Mais M n’avait jamais été malade, on attribuait sa panique au changement soudain de son état de santé. On lui a suggéré de consulter un médecin quand on a vu que la douleur perdurait. C’est difficile de comprendre réellement la souffrance des gens. Difficile de percevoir les tourments derrière les yeux qui nous regardent. Forcément, on a toujours un filtre associé à notre personnalité propre et on peut même trouver les réactions exagérées. À cette étape, on a suggéré de traiter la douleur physique sans vraiment se préoccuper de la souffrance psychologique, sans se mettre réellement dans sa peau, dans sa tête. Je ne sais pas ce qu’on aurait dû faire exactement. Je ne sais pas si on peut vraiment penser comme une autre personne mais, collectivement, on a fait trop peu.

Loin de moi l’idée de nous blâmer. Je cherche à comprendre. M aimait la vie. Aucune once de pensée suicidaire dans son cerveau. C’est clair qu’on n’a jamais abordé le sujet du suicide. Ça ne nous a même pas traversé l’esprit. Et c’est là notre responsabilité collective. Chacun, avec nos personnalités, notre bagage de connaissances et d’expérience, on aurait dû essayer au maximum de se mettre dans sa peau, d’imaginer ses souffrances selon la personnalité de M et non la nôtre. Sans doute que le bonheur est plus facile à partager que la douleur.

À cette période, la souffrance de M l’empêchait de voir ses ressources. Il devait être obsédé par sa souffrance. Cette obsession qui donne l’impression d’avancer dans un tunnel sombre et bien étroit. « L’obsédé » ne voit pas le sentier, encore moins le paysage autour. Seul et démuni, voilà comment il se sent. Pas de lueur d’espoir.

Trop tard

Le suicide a mis fin à ses souffrances. Avant même qu’on en réalise l’ampleur. Le suicide qui fait vivre une gamme de sentiments, passant de la panique à l’incompréhension, à la colère, à la peur, à la tristesse. Un mélange explosif qui ne fera pas revenir M. Il est trop tard.

Mais pas trop tard pour prévenir d’autres suicides. Pas trop tard pour se mobiliser collectivement vers une véritable écoute des autres. Se servir de ce qu’on est et ce qu’on sait pour tenter, du mieux qu’on peut, de se mettre dans le corps et dans la tête des gens en fonction de leur propre personnalité, leur propre filtre et non les nôtres.

Photo prise par mon ami Michael Jones

Je sais, on a tous nos vies, on est tous bien occupés. Mais on est tous un peu responsables du bien-être collectif.  Responsable de faire voir qu’il y a une lumière au bout du tunnel. On a beau se penser altruiste et empathique, on ramène souvent les choses à soi… et on se permet même quelques critiques au passage.

M tu étais tellement important pour nous. On aurait dû te le dire avant.

Josée Fontaine

En complément à cet article, il est important de se souvenir qu’on n’est jamais seul. Il ne faut pas hésiter à appeler un ami ou un membre de notre famille. N’oublions surtout pas notre famille « professionnelle », nos collègues, superviseurs, gestionnaires et directeurs sont des personnes vers qui nous pouvons nous tourner.

Également, voici un rappel de différentes ressources:

Pour les personnes qui vivent un épisode de crise, elles peuvent communiquer avec leur médecin, composer le 911, communiquer avec l’une des lignes d’écoute téléphonique suivantes ou consulter ces ressources :

– Info-social 811, appuyez sur le 2 : 1-866-277-3553 (Québec)

– Le Service canadien de prévention du suicide permet aux personnes en détresse de partout au Canada d’accéder à un soutien sans frais 24 heures par jour et 7 jours par semaine en utilisant la technologie de leur choix :
Téléphone : 1-833-456-4566,
Messagerie texte : 45645
Clavardage : crisisservicescanada.ca

– Le site Web www.esantementale.ca fait également état des divers services de santé mentale, ainsi que de l’aide et du soutien offerts dans les collectivités partout au Canada.

Lire la chronique précédente : Au gré du vent – Le renouveau