Le Val-Ouest

Un projet immobilier « contre nature » à Cleveland

 

« Non, c’est trop, soixante-six terrains ici, on va tout détruire », telle était la réaction d’une citoyenne de Cleveland au micro de Radio-Canada Estrie dans un reportage diffusé le 8 avril dernier concernant le mécontentement engendré par un développement immobilier. Situés à une dizaine de kilomètres de chemins de terre des premiers commerces de Richmond, 400 acres de forêt ou plus pourraient être touchés (cela représente une superficie de 1,7 km2 alors que Richmond en fait 6,9). Ce projet pourrait entrainer une augmentation de 4 % de la population de la municipalité, loin des espaces plus urbanisés et pour de la villégiature plutôt que pour les besoins de familles locales.

 

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Le ressenti de la population

Mettons-nous un instant à la place des quelques personnes habitant ce secteur à très faible densité et relié par un unique chemin. Au bout de ce dernier, dans leur cour, ils apprennent du jour au lendemain qu’un quartier entier va sortir de terre! Qui ne serait pas choqué de prendre connaissance de cette nouvelle sans avoir été consulté? Soixante-six habitations, c’est possiblement une centaine de voitures qui passent au minimum deux fois par jour (aller-retour) devant chez vous, faites le calcul…

 

Vision du promoteur

Du côté du promoteur, ce dernier évoquait notamment dans La Tribune du 2 avril ses droits, l’ajout de taxes pour la municipalité et le fait qu’il propose une subdivision en lots de 5 acres, alors qu’il aurait pu en faire encore davantage selon lui. Il rappelle également de manière surprenante que les terrains concernés, situés dans la zone de l’ancienne mine Sterrett sont « claimés », c’est-à-dire que des titres d’exploitation minière du sous-sol sont détenus par des compagnies. Dans ce cas, comme pour de nombreux propriétaires actuels un peu partout dans la province, cela constitue un réel enjeu pour d’éventuels futurs propriétaires. Concernant l’ajout de taxes que devrait générer le projet, il serait intéressant de connaître combien il en restera réellement à la municipalité notamment après avoir soustrait l’augmentation des coûts d’entretien, provoqué par la croissance de son utilisation, du chemin se rendant sur le lieu du développement. De plus, quels sont les besoins actuels de la municipalité qui seront comblés par le surplus dégagé?

Études en cours

On apprenait également dans La Tribune du 2 avril que deux études sont en cours pour : « déterminer le type de sols et la caractérisation écologique pour déterminer s’il y a des espèces de la faune ou de la flore qu’il ne faut pas toucher ». Il faut toutefois savoir que, malgré la réelle pertinence de telles analyses, ces dernières seront réalisées par une firme privée payée par le promoteur. Bien que cette situation ne remette pas complètement en cause la validité d’une telle démarche faite par des professionnels, plusieurs cas de figure récents dans l’actualité jettent un certain discrédit sur ce type de processus. On pense ici notamment aux dénonciations de l’agronome Louis Robert concernant des cas de conflits d’intérêts chez certains de ses collègues ou encore, plus récemment, des enjeux de manque de transparence pour l’analyse des boues d’épuration. Si l’on ajoute à cela la publication du livre de Louis-Gilles Francoeur intitulé La caution verte, le désengagement de l’État québécois… dénonçant les failles dans les contrôles exercés par le ministère de l’Environnement, il est difficile de ne pas lever plusieurs drapeaux rouges face à ce type de projet.

Quel pouvoir pour la municipalité ?

C’est bien ce que tentent de faire les citoyens qui ont exprimé publiquement leur mécontentement dans les médias, mais également à plusieurs reprises lors des séances du conseil municipal. La municipalité a ainsi pu présenter son point de vue, soit celui du respect des politiques et règlements et des droits du promoteur… d’ailleurs lui aussi citoyen de Cleveland. Il s’avère en effet que le terrain est zoné blanc depuis plusieurs décennies, les constructions sont donc possibles, à l’inverse d’une zone verte sur laquelle le projet ne serait pas envisageable. Il s’agit là en quelque sorte du cœur du problème, car qu’est-ce qu’un groupe de citoyens ou d’élus peut faire dans un tel cas de figure? Est-ce trop tard pour agir?

 

Entre les droits et intérêts économiques du promoteur et les préoccupations légitimes de la population, la municipalité se retrouve au milieu d’une situation dans laquelle il est difficile d’éviter les tensions. Si elles ne sont utilisées par les élus qu’à se réfugier derrière l’encadrement légal en place, les séances du conseil municipal ne semblent pas être le meilleur espace pour des échanges en profondeur sur un sujet aussi complexe et délicat. Cette manière de faire encourage plutôt chaque partie à camper sur sa position.

Améliorer la communication élus-citoyens

Le schéma d’aménagement de la MRC, qui est le véritable plan-cadre des orientations des municipalités,  ainsi que des règlements propres du Canton de Cleveland (lotissement, urbanisme, etc.) étant des documents complexes à s’approprier, il s’avère indispensable de créer un espace de dialogue, particulièrement entre les élus et les citoyens, afin que tout un chacun puisse comprendre les règles en place, mais également les marges de manœuvre de la municipalité pour encadrer ce type de développement. On peut penser, par exemple, que les comités consultatifs d’urbanisme qui existent partout pourraient en partie jouer ce rôle. Si la municipalité n’a aucun pouvoir, il faudrait le savoir ! Si les élus ont des capacités d’action, il faudrait également le savoir, soit pour ce projet spécifique, soit pour les prochains projets à Cleveland ou ailleurs.

 

Les élus et les citoyens ont une responsabilité partagée pour améliorer leurs relations qui, comme on a pu le constater dans l’actualité, semble se détériorer. La responsabilité est également partagée par toutes et tous en ce qui a trait à la protection de l’environnement. Si les citoyens doivent demeurer respectueux de l’engagement public important et en bonne partie bénévole des élus locaux, ces derniers doivent faire preuve de la plus grande transparence et d’ouverture envers la population afin de renforcer et d’améliorer le lien de confiance.

Conclusion : impliquons-nous !

Le projet en cours à Cleveland devrait donc inciter la population du Val-Saint-François à s’intéresser davantage aux règlements de leur municipalité, mais également aux modifications en cours du schéma d’aménagement de la MRC qui déterminera en partie l’occupation du territoire des prochaines années. D’ailleurs, à l’heure de la crise climatique, on doit se demander à quel point il faut encore aborder ce type d’enjeu sous l’angle d’un « développement économique durable » qui ne semble pas avoir fait ses preuves ou s’il n’est pas plutôt temps de promouvoir une décroissance soutenable.

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Pour en savoir plus sur le cadre règlementaire et les possibilités d’action citoyenne:

Demain le Québec, Protection des milieux naturels, Fondations David Suzuki.

Mouvement d’action régional en environnement Guide-protection-des-milieux-naturels (mouvementmare.org)

 

 

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