Le Val-Ouest

Un séjour en nature

Retour à soi

Dès que je stationne ma voiture devant le tipi, je sens mes épaules se relâcher. J’ignorais que je portais une telle tension. « On est arrivés, mes beaux chats.», que je dis à Misty et Biscuit. Je transporte leurs cages jusque dans la mini maison, puis je les libère. Avec prudence, ils font le tour, puis au moment où j’ouvre la porte, Biscuit saisit l’occasion pour déguerpir en nature. Je ressens un petit pincement d’inquiétude, qui est vite calmé par la confiance que j’ai en mon chat : normalement, il revient quand je l’appelle. Misty, elle, est une chatte plus craintive. En voyant la porte ouverte, elle s’approche lentement, hume l’air, puis met une patte, puis l’autre, à l’extérieur.

Ces deux chats représentent bien comment je gère la nouveauté : parfois, j’y saute à pieds joints sans réfléchir, comme Biscuit, alors que d’autres fois je la regarde de loin, j’analyse et j’avance à reculons, comme Misty.

Mon histoire au tipi a commencé « à la Biscuit ». Après avoir visionné l’épisode de La Belle Vie portant sur mon ami Serge et sa vie en tipi (disponible en ligne ici : https://www.tv5unis.ca/videos/la-belle-vie-avec-go-van/saisons/3/episodes/1), je l’avais contacté pour lui demander si je pourrais éventuellement passer quelques jours chez lui, avec lui, pour voir à quoi ressemble son mode de vie si différent du mien, et ce, dans le concret du quotidien. La semaine suivante, il m’avait appelée pour me proposer de venir y passer dix jours… mais sans lui! « Ta demande tombe bien Mélanie : je pars en voyage et je cherche quelqu’un pour s’occuper de mes semis ». Sans réfléchir, je dis oui.

C’est une semaine avant mon séjour que je commence à me vivre « à la Misty »: je réalise alors tout ce que ces dix jours vont me demander d’adaptation, puis je panique. Avoir eu la grosseur de ma chatte, je me serais peut-être cachée sous le lit avec elle.

Vivre en tipi pendant plus d’une semaine signifiait devoir filtrer mon eau pour la boire et aller à la rivière pour remplir ma réserve d’eau de vaisselle. Ça voulait aussi dire m’assurer que les semis survivent… sans avoir le pouce vert! J’allais aussi devoir prendre ma douche à l’extérieur. Tout ça en continuant de mener ma vie normale: suppléante de jour et entrepreneure de soir.

Arrivée en nature

En arrivant à la Vallée Heureuse du Mont Élan, j’ai rapidement compris que j’étais en train de m’offrir le plus beau cadeau du monde. En ressentant les effets immédiats dans mon corps, puis en étant témoin du plaisir de mes chats à découvrir la forêt et ses odeurs, j’ai su que j’avais pris une bonne décision en osant dire oui à cette invitation.

Qu’est-ce qu’un tipidesvents ?

« TIPI DES VENTS est une entreprise familiale qui fabrique en quantité limitée des petites habitations en bois construites de manière écoresponsable avec des matériaux écologiques et locaux, que nous avons appelé « Tipidesvents ».Pourquoi le nom Tipidesvents? La première fois que nous avons essayé notre prototype, en 2002 à Carleton-sur- Mer, il y a eu une très grosse tempête. Notre petit refuge fut le seul à résister et à rester bien ancré au sol face aux grands vents de l’Atlantique. » (Extrait du site web https://tipidesvents.com/)

Après avoir libéré mes chats de leur cage, je rends visite aux semis et vérifie leur état d’humidité, puis je vais nourrir les chèvres. Le temps s’arrête. Là, près des chèvres, chacun de mes gestes m’ancre dans le présent, dans l’essentiel. Prendre la moulée et l’apporter jusqu’à leur abri, remplir leur provision de foin, marcher jusqu’à la rivière pour puiser leur eau. Je suis au cœur du temps, un état qui durera pour tout mon séjour.

S’installer en tipidesvents

Le tipidesvents s’installe en quelques heures à peine et est isolé pour nos hivers québécois. Les gens disent que l’équipe derrière le projet est exceptionnelle et offre un service plus qu’humain! Un petit pensez-y-bien : vous avez envie de devenir propriétaire d’une de ces mini maisons? Vous devrez fabriquer vos meubles sur mesure, vu l’inclinaison atypique des murs. Il est aussi important de vous informer des règles de votre municipalité avant d’investir dans une telle habitation.

Je me dirige vers la rivière, celle à côté du tipi, mon journal à la main. J’y trouve une roche et observe le mouvement de l’eau. Maintenant que j’y pense, ce doit être à ce moment que la rivière m’a ensorcelée. J’étais loin de me douter que j’allais passer une grande partie de mon temps dans la vallée à désirer ardemment cette rivière, complètement charmée par ses murmures, me connectant par le fait même à mon besoin viscéral de nature.

Rêve de voyage : évaporés !

Je passe ma semaine à valser entre deux mondes: l’urbain et le sauvage. Chaque matin, je quitte le tipi pour aller travailler en ville. Certains soirs, je fais le choix de dormir à Sherbrooke afin de m’éviter une route exagérée le lendemain. Ces soirs-là, alors que je suis dans mon appartement, mon esprit divague et plonge dans les gouffres d’une détresse émotionnelle que je n’avais pas connue depuis bien longtemps. La déchirure a le goût d’un passé que j’ai mis beaucoup, beaucoup de temps à guérir. Loin de la rivière, tout en moi hurle de non-sens. Je ressens l’urgence de retourner dans la forêt et je suis incapable de travailler sur mes projets personnels. En effet, toute mon énergie est employée à tenter de gérer le schisme qui se crée dans mon cœur et dans mon corps. Je ne désire qu’une chose: être en nature. Évaporés, mes désirs de voyage; je n’arrive plus à faire sens des mille-et-un projets que je mène normalement de front.

À l’inverse, les soirs où je rentre au tipi après le travail, je suis habitée d’une excitation difficile à décrire. Non pas une excitation hyperactive, mais plutôt une joie profonde, créatrice d’un paysage intérieur vibrant et enraciné. Je reviens du travail et passe de longs moments à marcher en forêt, puis à écrire dans mon journal près de la rivière. Alors que je suis en général une randonneuse rapide, pressée et efficace, là mes pas se font lents et mon regard, contemplatif. Le parfum des arbres, le frémissement des feuilles, la danse joyeuse des écureuils… tous ces éléments me remplissent d’un calme intérieur depuis longtemps oublié.

Le quotidien au tipi

Pour avoir de l’eau potable, je dois apporter une chaudière à la crique à côté du tipi, et patienter. Les jours où l’eau ne coule pas assez, je me rends à la rivière. Puis, je verse l’eau dans un filtre, qui la rend prête pour la consommation. Pour l’eau de vaisselle, même processus, mais je ne filtre pas. Les jours de fraîche, j’allume un feu dans le poêle à bois; je suis chanceuse, je tombe sur une semaine chaude alors je ne m’en sers que deux fois. Je ne sais pas comment je me vivrais à temps plein dans une telle installation quand l’hiver, à -10 comme à -30, il me faudrait sortir récolter de l’eau ou entretenir le feu toute la nuit.

De tout mon séjour, je n’allumerai mon ordinateur que deux fois, pour des rencontres déjà prévues à l’horaire. Autrement, je ne vois plus la pertinence de ma machine, alors que dans ma « vie normale », elle est presque ouverte en permanence.

Des constatations s’imposent à moi : je veux vivre en nature, dans une petite habitation. Ça pousse tellement fort en dedans que je me demande comment je reviendrai dans ma vie citadine.

Changement de cap

Les semis ont non seulement survécu, mais ils ont même grandi. J’étais fière de moi! Les chèvres, après quelques jours, avaient commencé à moins me craindre. Misty et Biscuit, eux, ont passé tout leur séjour dehors, à profiter de la forêt.

En quittant, j’ai beaucoup pleuré. Puis pendant un mois, j’ai pleuré de l’intérieur. J’ai laissé mon ordinateur fermé, mis mes projets de côté. Après le travail, alors que normalement je saute dans la rédaction d’un livre ou d’un article, dans le montage d’une vidéo, ou encore dans la mise en place d’un voyage, j’ai plutôt opté pour barbouiller des tonnes de pages de journal créatif, lire et marcher autour du lac. J’avais de la misère à retrouver le sens et surtout, à croire en la pertinence de tous mes « accomplissements ».

Pendant un mois, chaque jour, je me suis réveillée épuisée, tombant de fatigue en plein milieu de la journée, même en randonnée. J’ai commencé à me murer dans le silence, sentant mon énergie de vie s’éteindre. Quatre semaines où je suis devenue l’ombre de moi-même.

Puis un matin, je me suis réveillée avec une énergie nouvelle. J’ai senti la «foi» à nouveau; la foi en ma vie. J’ai retrouvé le goût de voyager. Ce retour à la vie est arrivé soudainement, j’ignore comment.

Malgré cette joie retrouvée, je n’oublie pas cette forte connexion ressentie au tipi, cet appel de la nature. Maintenant, un pas à la fois, je souhaite m’approcher de ce fort désir de vie.

Pour voir mon séjour en vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=IoqyCmQh_4A&t=5s

5 avis au sujet de « Un séjour en nature »

  1. Quelle belle expérience dans cette nature que tu aimes tant. Les mots choisis dans ce texte sont très sensibles et décrit très bien la personne que tu es dans toute sa splendeur et douceur de vivre simplement avec la nature. Je te souhaite Mélanie pour un prochain futur de te reconnecter avec joie de vivre avec la nature.

  2. WOW!J’ai adoré ton récit.
    Une expérience que l’on devrait tous s’offrir,pour ralentir le temps pour vivre au lieu de survivre à toute vitesse.
    Je suis dans une période où je travaille énormément ,la nature nous ramène à NOUS….
    MERCI d’avoir partagé ton expérience 🤗❤️

  3. Merci, Mélanie, pour ce beau et émouvant partage qui m’a beaucoup touché! J’ai adoré!
    Ma chère amie, je crois qu’il est temps pour toi d’aller t’établir en campagne si tu veux conserver ta joie de vivre, garder ta belle énergie et être complètement heureuse, car tu dois vivre dans la nature puisque c’est ta vraie demeure, le lieu où tu te sens le mieux.

  4. « Merci, Mélanie, pour ce beau et émouvant partage qui m’a beaucoup touché! J’ai adoré! Ma chère amie, je crois qu’il est temps pour toi d’aller t’établir en campagne si tu veux conserver ta joie de vivre, garder ta belle énergie et être complètement heureuse, car tu dois vivre dans la nature puisque c’est ta vraie demeure, le lieu où tu te sens le mieux.»

  5. Merci, Mélanie, pour ce beau partage qui m’a beaucoup touché! Je suis très heureux de voir que cette semaine en nature au Tipi t’a fait le plus grand bien!

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