Le Val-Ouest

Chronique de Michel Carbonneau- Juillet 2020

Ce texte est tout d’abord paru dans le Moulin Express de Lawrenceville de juillet 2020

 

Bouffée de conscience

Je piétine, je tourne en rond. Ce n’est pas seulement en raison de la pandémie. C’est plutôt que je me déconfine l’esprit. Et il y a toujours un risque au déconfinement. En fait, je tourne en rond chaque fois que sonne l’heure d’écrire ma chronique. Je réalise de plus en plus à quel point il est difficile d’avancer en âge sans rabâcher. Ce ne sont pourtant pas les sujets qui manquent, je ne le sais que trop, mais c’est comme si chaque sujet réveillait chez-moi un peu les mêmes réactions, un peu les mêmes jugements sur les gens, la politique, l’économie, la société.

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L’examen de confiance

Depuis la parution en janvier 2019 d’un article paru dans le journal Libération, je résiste à la tentation d’en aborder le sujet. À première vue, son titre est peu évocateur : L’EXAMEN DE CONFIANCE. Le contenu en dit plus! Vingt-cinq professionnels européens de l’information ont été invités à faire leur autocritique.

Je ne suis pas chroniqueur professionnel et encore moins journaliste professionnel. Je me questionne tout de même, d’un questionnement qui est tout autant celui de monsieur toulmonde que celui d’un retraité qui, par ses chroniques, essaie de mettre de l’ordre dans ses idées. J’ai déjà effleuré le sujet, mais il me turlupine toujours. Comment expliquer la prolifération des « fausses nouvelles », ou « fake news », à une époque où l’information circule plus que jamais ? Comment comprendre que les journalistes « patentés » n’aient plus la cote ? Comment justifier collectivement la précarité quand ce n’est pas la disparition de nombreux journaux ?

Quelques extraits de cet article ouvrent d’intéressantes pistes de réflexion.

* Natacha Polony, directrice de Marianne : «Beaucoup de journalistes considèrent que leur rôle est de dire le bien et le mal, comment il faut penser. Les gens ont l’impression d’avoir des curés en face d’eux.» 

* Brice Couturier, chroniqueur sur France Culture : «Avant, nous avions le monopole de l’information. Désormais, l’information nous devance sur les réseaux sociaux. Nous avons réagi en idéologisant à mort, en devenant des directeurs de conscience.

* Paul Douard, journaliste à Vice : Soyons clairs : nous sommes imbuvables avec nos leçons de morale […], comme si nous étions investis d’une mission divine consistant à ouvrir les yeux d’une population trop conne pour comprendre quoi que ce soit.»

*Jean-Emmanuel Ducoin, de l’Humanité : «Les citoyens se sentent manipulés, même si ce n’est pas toujours vrai, même si beaucoup de journalistes travaillent en toute liberté.» 

* Elorri Manterola d’Explicite : «La déconnexion me paraît réelle […]Parfois on écrit surtout pour nos sources et nos confrères, des personnes surinformées qu’on a envie d’impressionner…»

* Nicolas Becquet du quotidien belge l’Echo : «Il aura fallu une vingtaine d’années pour que les médias prennent le Web et les réseaux sociaux au sérieux…»

 Je sais bien, Le Moulin Express n’est pas Libération, l’Humanité ou France Culture. Peu importe. Les propos de ces professionnels de l’information me donnent sérieusement à réfléchir. Je les trouve durs avec eux-mêmes, trop peut-être. D’accord, les grands mots ne font pas nécessairement les grands penseurs. Et la coupure entre les « élites » et le « peuple » est vraisemblablement plus grande là-bas qu’ici. Je ne suis pas certain pour autant que le chapeau nous fasse tout à fait à nous les français d’Amérique. Mais même si nous nous gargarisons un peu moins de grands mots, trop souvent nos médias versent dans « l’opinion » à grands coups de gueule au détriment de l’analyse.

Mais alors ?

Il nous reste toujours à trouver l’explication du déclin de la presse écrite. La caractère parfois aride ou moralisateur de son écriture peut y être pour quelque chose sans doute, mais je crois que la principale raison tient à la prolifération des moyens techniques de diffusion de l’information. Cette libre circulation de ce que chacun peut avoir à dire à un moment donné de la journée, quelle que soit son humeur en ce jour à cette heure, n’est sans doute pas de nature à élever le niveau de réflexion. Cocher « j’aime » ou « je n’aime pas » n’exige pas un grand effort de raisonnement non plus. Et les budgets publicitaires sont allés là où se trouvait le plus grand nombre de lecteurs privant les médias plus traditionnels, journaux d’abord, de leur principale source de revenu.

Malgré cette baisse de popularité des journaux, je compte bien continuer d’écrire mes chroniques tant que j’en aurai la capacité, que j’y prendrai plaisir et que le Moulin Express voudra bien les publier. L’exercice est toutefois exigeant. Aussi, il ne faudra pas trop m’en vouloir s’il m’arrive, comme à bien d’autres, de choisir de partager des impressions plutôt que le résultat d’analyses approfondies. Paresse et facilité obligent, nous n’avons qu’une vie à vivre!

Michel Carbonneau

2020-07-07

Un avis au sujet de « Chronique de Michel Carbonneau- Juillet 2020 »

  1. Merci pour ce texte très intéressant. Je crois que le journalisme d’ici, aussi, a un sérieux examen de confiance et de conscience à faire tant en termes de posture idéologique et moralisatrice, de sensationnalisme et de manque d’objectivité et de rigueur en général. Parfois, oui, c’est la faute aux médias.

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