Nous sommes en 1938 : Gaston, Marien et Lorraine. Les trois premiers enfants de Nérée et d’Irène. Auparavant, quatre vieux célibataires habitaient notre vieille maison, toujours bâtie en 1861. Pierre à Lange (Lange, c’était le père), David, Adèle et Mayrance. Ils avaient la réputation d’être riches. Ils avaient aussi la réputation d’être très économes. La maison que mon père et ma mère ont occupée après leur mariage en 1934 était particulièrement bien logée, de même que tous les bâtiments de ferme. La terre bien entretenue aussi.
Mes souvenirs d’enfance sont du même ordre. Un équipement roulant et traînant solide et bien adapté. Tout semblait propre et bien entretenu. Son « buggy,» son « rubber tire» en particulier, était tellement précieux qu’il fallait le laver, à la serviette et au savon, tous les samedis avant la messe du dimanche. Des animaux, chevaux, vaches, moutons, cochons, bien nourris et bien portants.
Mon père avait payé cette terre $3,500 avec des termes de $125.00 par année. Et puis une clause spéciale. Les Lange étaient déménagés au village et ils tenaient à se monter un jardin, un potager. Chaque printemps, mon père devait leur prêter un cheval et un tombereau. Le tombereau, une voiture avec deux grandes roues et une « dompeuse » dont nous ne nous servions plus. Eux, oui!
Mais la maison avait un problème : elle n’avait habité que quatre célibataires. Quatre chambres en bas avaient suffi. Je vous ai déjà dit que mon frère et moi avions déjà couché dans le grenier, sur des paillasses, dans un carré à grain. J’ai bien dit dans le « grenier ».
Cela a dû se passer quand j’ai eu environ six ans. À cet âge, la moitié de la maison était encore occupée par un grand salon-cuisine. Et quatre chambres. Avec une chambre pour le bébé, le nombre de chambres pour les enfants avait donc sensiblement diminué très vite. Le grain est donc sorti du grenier. Mon père a divisé le haut en deux avec un escalier au milieu. Une moitié du haut pour les huit filles et l’autre pour les sept garçons. Pour demeurer crédible, je vous avouerai quand même que la plupart d’entre nous avons quitté la maison en très bas âge et que nous n’avons pas été obligés de dormir souvent à deux d’épaisseur. Car il y avait deux lits dans chaque chambre pour contenir tout ce monde. Nous étions bien quinze. Avec une grande chaudière pour accueillir tout ce qui tout ce qui pouvait sortir de ce beau monde pendant la nuit.
La chambre des garçons était parfois très bruyante et la voix du père devait s’accompagner de menaces pas toujours suivies de représailles. Parfois quand même!
Pour les huit filles, la garde-robe avait à peu près cinq pieds de large. La garde-robe des sept gars se contentait d’un espace de trois pieds. Les deux espaces ne contenaient que le linge du dimanche. Le dimanche, on s’endimanchait. La semaine, on s’habillait en semaine.
Une réserve dans la chambre des gars, en haut, contenait les oignons secs de ma mère. Nous en mangions cru quand nous risquions de nous endormir pendant que mon père écoutait sa partie de hockey du samedi soir. Il écoutait Michel Normandin, Toe Blake et Elmer Lach. Il s’éclairait à la lampe à l’huile avec un réverbère et la radio fonctionnait avec une batterie.
Une « pochette » électrique au plafond avec une corde est apparue vers 1950, mais nous savions déjà marcher dans le noir.
Gaston Michaud.
Étincelle : Un feu ne réchauffe pas de loin s’il ne peut pas réchauffer de près.
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