En 2020, j’ai publié un livre qui a pour titre : La mémoire contagieuse. Je suis né en 1935 et je raconte comment on vivait entre 1940 et 1950. Dans l’ancien temps! Je ne suis pas un historien, je suis un témoin. Je suis l’aîné de 15 enfants. J’ai vécu sur une petite terre, dans le fond d’un rang, dans le Bas-Saint-Laurent.
J’ai une excellente mémoire et je veux partager mes souvenirs avec vous.
C’était presque exactement le jour de ma fête, le premier septembre 1941. Six ans. Mon école était dans le quatrième rang de Saint-Éloi, dans le Bas-Saint-Laurent. Située à exactement un mille de notre maison.
Quelque 35 élèves la fréquentaient. Les plus grands s’assoyaient en arrière de la classe, les plus petits en avant. Souvent, même si les bancs étaient relativement étroits, trois petits y prenaient place. Le confort n’était pas prioritaire.
Un grand tableau noir en vraie ardoise en avant, avec le pupitre de la maitresse. À droite, encastré dans le mur, un gros poêle à deux-ponts, chauffé au bois, évidemment. La maitresse logeait de l’autre côté du mur et du poêle. À droite du tableau, une porte menait à un grand espace aux murs en planches nues pour entreposer le bois de chauffage, et, au fond, les toilettes. Un banc en bois avec un trou. Un pour les garçons, un pour les filles. Pas chauffé.
J’étais bien trop petit pour me rendre à l’école tout seul. Ma mère m’a donc confié à un grand garçon du voisin. Je me rappelle bien, il s’appelait Sarto Roussel. Ma mère avait le choix, notre voisine avait accouché de dix-neuf enfants.
J’avais, sur mon dos, un petit sac, vide. Avec mon grand compagnon, nous nous sommes rendus à un minuscule dépanneur au bout du rang et avons acheté une ardoise et un crayon d’ardoise : 27 cennes. C’est le seul matériel scolaire que j’ai utilisé pendant toute ma première année.
Nous nous en servions pour toutes les matières : les dictées, l’arithmétique, etc. On écrivait avec le petit crayon en ardoise et on effaçait avec un linge, parfois avec nos mains, parfois un peu d’eau. J’ai eu mon premier livre en deuxième année, avec un cahier à ligne double.
Nous entamions la journée avec un cantique, toujours le même : Esprit-Saint, descendez en nous! Puis le catéchisme. Il fallait bien, car à la fin de la septième année, nous devions savoir les 508 réponses du livre par cœur. Puis le français, surtout pour que nous prenions les fautes en horreur. Dans l’après-midi, l’arithmétique et autres matières.
Avec sept degrés dans la même classe, la méthode pédagogique était la suivante : chaque degré venait se placer en rang en avant de la classe et la maitresse questionnait chaque élève un à la suite de l’autre, en commençant par la tête.
Si l’élève répondait bien à la question, il restait à sa place. Si la question était mal répondue, il descendait à la queue. Il pouvait remonter d’un rang si un autre élève répondait mal. Si on finissait la journée à la tête, nous étions bien fiers de le dire à nos parents.
Quand le temps était écoulé, toute la classe regagnait sa place avec des tâches à accomplir. Pour revenir plus tard dans le même ordre. Et on passait au groupe suivant.
Les jeux se résumaient au mouchoir ou au Colin-maillard. Avec des « comptines » pour déterminer la première victime : Ma-p’tite-vache-a-mal-aux-pattes-tirons-la-par- la-queue-ca-va-la-rend’-mieux.
Nous allions à l’école en rang, par famille. Près de la maison et de l’école, la consigne était respectée. Pour le reste du chemin, nous avions une clé des champs dans nos poches.
L’aîné traînait le contenant à diner. Souvent du pain avec de la mélasse ou du pain avec de la graisse de lard et de la cassonade.
Je n’ai pas fréquenté l’école pendant le premier hiver. J’étais trop petit. Pour les hivers suivants, lorsqu’il faisait tempête, mon père attelait un cheval sur la « boite à patates » et nous voyagions sous une « peau de carriole » dans le même véhicule. Quand je serai plus grand, je conduirai moi-même le cheval et il retournera seul à la maison.
Ma maitresse n’avait que sa septième année.
Nous avons appris beaucoup.
1 commentaire
carole Huippé
Super intéressant d’entendre ces récits. J’avait déjà entendu mes parents et tantes m’en dire quelque une mais pas autant détaillé. J’ai quand même vécu certaine chose car je suis né en 1954. Nous vivions sur une ferme et n’étions pas riches. Du pain avec de la mélasse était souvent notre dîner à l’école. Mon père nous parlait souvent de la guerre et des rations.
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