Lors de la séance du Conseil de la MRC du Val-Saint-François le 16 octobre dernier, un mouvement de protestation inhabituel a eu lieu lorsque onze maires ont quitté la salle pour manifester leur opposition à une résolution visant un « gel administratif » sur les nouveaux projets et services de la MRC. Ce geste reflète des tensions autour des dépenses, certains maires exprimant des préoccupations quant à la pertinence des services pour leurs municipalités.
Le préfet Pierre Tétrault (mais aussi maire de Valcourt) a alors exercé son droit de veto, une première historique, pour suspendre la résolution et encourager un dialogue constructif. Nous avons décidé d’utiliser cette chronique pour participer à ce dialogue dans une perspective citoyenne.
Le rôle de la MRC du Val-Saint-François en environnement
La MRC (Municipalité Régionale de Comté), qui rassemble 18 municipalités, a plusieurs compétences en matière d’environnement. Voici les principales :
- Gestion des cours d’eau et lacs : La MRC est responsable des cours d’eau, avec des pouvoirs de réglementation et d’entretien pour assurer l’écoulement normal et la protection de l’environnement;
- Plan de gestion des matières résiduelles : La MRC doit élaborer un plan pour gérer les matières résiduelles, incluant le recyclage, la valorisation et l’élimination, en accord avec la politique environnementale gouvernementale;
- Schéma de couverture de risques . Ce schéma inclut des mesures de prévention et de protection, notamment contre les risques d’incendie, en prenant en compte la protection environnementale;
- Plan régional des milieux humides et hydriques. Sur ce point, la MRC doit adopter un plan pour la gestion et la protection des milieux humides et hydriques de son territoire
J’ajouterai ici que c’est aussi la MRC qui a dû organiser la consultation lors d’installations de mégaporcheries dans la région et qui a revendiqué auprès du gouvernement une modification du processus en place. C’est également ce niveau de gouvernement (si on peut le nommer ainsi) qui a consulté les citoyennes et les citoyennes concernant les zones d’exclusions du développement minier et qui le fera bientôt sur les éoliennes. À toutes ces compétences en matière d’environnement, il serait possible d’en ajouter d’autres dans le domaine du développement économique, dans le soutien aux groupes communautaires ou encore pour le logement.
Renforcer la légitimité démocratique de la MRC
Il y a donc très peu de domaines qui sont de compétence municipale et qui ne sont pas tout d’abord encadrés par l’ensemble des décisions prises en MRC. Du schéma d’aménagement, au Plan de développement de la zone agricole en passant par le plan sur les milieux humides ou celui sur la gestion des déchets, les règles adoptées par nos conseils municipaux doivent respecter l’encadrement prévu dans cette instance supra municipale.
Avec plus d’une trentaine d’employé.es, les possibilités sont bien supérieures à ce que les unes, deux ou trois personnes employées dans la majorité de nos petits villages sont en mesure de réaliser. C’est bien cette faible densité de population qui soulève des tensions, car les maires et mairesses des plus grands « villages » que sont notamment Saint-Denis-de-Brompton et Windsor avec environ 5000 habitants trouvent qu’ils payent trop chers pour les autres qui ne comptent que quelques centaines d’âmes.
Dans le domaine de l’environnement comme dans d’autres d’ailleurs, cette logique ne tient tout simplement pas. Par exemple, le cours d’eau qui descend vers la rivière Saint-François avec escale dans un des nombreux lacs n’en a que faire des « frontières » municipales ! S’il est pollué en amont, la ville qui reçoit son eau en aval ne pourra rien y faire sans collaborer avec l’ensemble des acteurs concernés. Or, quelle instance est le plus à même d’intervenir dans ce genre de domaine sinon la MRC? La même logique pourra s’appliquer aux déchets, mais également aux logements ou même aux enjeux sociaux économiques. Les problèmes des uns peuvent vite devenir ceux des autres.
Pour l’élection du préfet au suffrage universel
Alors que les sujets de discussion abordés lors des réunions de la MRC sont peu ou pas abordés lors des conseils municipaux, il faut s’interroger sur la légitimité des prises de décision faites autour de la table et des manières de mieux porter la voix de l’ensemble des citoyennes et des citoyens. Une des solutions serait d’adopter l’élection du préfet au suffrage universel pour la MRC. Cela offrirait à la population du Val-Saint-François une voix directe dans la sélection de leur représentant supramunicipal, renforçant ainsi la transparence et la participation démocratique.
Ce mode d’élection confère au préfet une légitimité accrue en tant que représentant de l’ensemble des citoyens, permettant ainsi d’orienter les décisions en fonction des préoccupations et des priorités de toutes et tous. Avec l’augmentation des responsabilités des MRC et le besoin de répondre aux enjeux locaux notamment en matière d’environnement, l’élection directe du préfet libère les maires de se nommer entre eux une personne, leur permettant de se concentrer sur leurs propres municipalités.
De plus, avec déjà dix-huit MRC au Québec ayant adopté ce modèle avec succès, l’élection du préfet au suffrage universel apparaît comme une avancée essentielle vers une gouvernance plus représentative pour l’ensemble du territoire. Pour que cela devienne réalité en vue de l’élection municipale de 2025, les maires n’ont qu’à adopter une résolution allant dans ce sens lors du conseil de la MRC.