En ce début avril, je cherche à me distraire. Tout bélier que je sois, je m’abstiendrai de foncer tête baissée contre notre voisin du sud trop gros et trop imprévisible. Ce n’est pourtant pas l’envie qui manque, mais il faut savoir choisir ses cibles.
Pour me changer les idées, je commencerai par le jour de Pâques. Sans doute avez-vous déjà appris que Pâques est le dimanche qui suit la première pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps. C’est somme toute assez simple. D’ailleurs, pour bien s’en souvenir, il suffit de se rappeler que cette façon de décider de la date du jour de Pâques découle de la définition établie par le Concile de Nicée en 325 qui précise que « Pâques est le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge (âge de ladite lune, bien sûr) le 21 mars ou immédiatement après. » Voilà. C’est tout simple. Il en découle que cette année le jour de Pâques tombe le 20 avril. Tout compte fait je crois bien que je m’en remettrai à un calendrier l’an prochain !
De toutes les fêtes de l’année, celle de Pâques est ma préférée. Attention, je parle ici de fête et non d’anniversaire. C’est plus ambigu dans ce dernier cas. Mon plaisir de fêter a fluctué au fil des ans pour finalement s’affadir petit à petit. Pas simple de vieillir. Mais j’en reviens à Pâques. C’est la vie qui renait. À taux variable toutefois. Si le climat du Canada n’est pas tempéré, mais continental humide, ce n’est pas moi qui le dis, mais les météorologues, d’autres climats y sont aussi présents. On y trouve le climat subarctique, le climat froid de steppe, le climat de toundra et le climat océanique. Montréal, insigne avantage, serait quant à elle, la ville de toutes les saisons dans notre beau et grand pays. Je serais personnellement tenté d’en dire autant de Lawrenceville avec en prime les grands espaces, mais l’aspect océanique en moins. Quoiqu’il en soit, Pâques est ma Fête préférée parce qu’elle marque le retour du bouillonnement de la vie. Le soleil monte plus haut, l’air s’adoucit, une nouvelle soif de vivre s’empare de mes jours. Je profite de toutes les occasions pour communier à cette effervescence. C’est le temps des grandes respirations, profondes et enivrantes.
Je me surprends à oublier un peu ce qui se trame au sud du 45e parallèle. Et je vais mieux. À suivre de trop près les billevesées [paroles vides de sens, idées creuses] ou encore les balivernes, les sornettes et les calembredaines [propos extravagants, sottises] de Donald, j’entretenais une inquiétude diffuse, une forme d’anxiété sourde. Pour m’en sortir, j’ai cessé de me gaver d’actualités d’heure en heure. À quoi bon ? De toute façon, mon idée est faite, je comprends les enjeux, ils me terrifient, mais mon pouvoir sur les évènements est nul. Dommage que les mots n’aient pas plus d’effets tangibles. L’artillerie verbale française nous placerait pourtant en bonne position pour attaquer. Ma petite excursion dans le dictionnaire m’en a vite convaincu. À défaut de pouvoir faire davantage, j’enrichis mon vocabulaire et m’amuse. Un peu, juste un peu. Mais c’est mieux que pas du tout.
Lundi dernier, c’était en fait le 17 mars, ma douce et moi avons été invités au lancement du dernier film de Fernand Dansereau La lumière du soir. À 97 ans et après 70 ans de cinéma, il a décidé d’accrocher sa caméra comme on accroche ses patins. Il veut passer à autre chose, « commencer une autre vie », dit-il. Un film témoignage dans lequel il lève le voile sur ce qu’aura été sa quête de sens tout au long de sa vie. Un film testament empreint de sagesse et de sérénité, sans complaisance. Un film témoin. Témoin comme le bâton d’une course à relai, un film qui incite et encourage à poursuivre la grande et toujours si mystérieuse aventure de la vie. Francine Beaudry, sa compagne, y signe une musique qui est d’une grande beauté.
Quant à moi, je reprends mon bâton de pèlerin sans trop savoir où le conduire. Devant les chamboulements et bouleversements dans lesquels collectivement et mondialement nous commençons à perdre tête et pied, j’en aurai besoin. Et ce n’est pas qu’une question d’âge. Empathie, entraide et solidarité devront se redéfinir, trouver de nouveaux ancrages. Il ne sera ni simple ni facile de naviguer dans les eaux troubles de la définition des frontières, du partage des richesses, d’une prévisible remise en question des régimes politiques et de l’imprévisibilité des retombées de l’intelligence artificielle.
Se pourrait-il que l’espèce humaine soit conviée à ouvrir un tout nouveau chapitre de son étonnante, voire invraisemblable existence ? Serions-nous aux premiers signes d’un nouveau printemps pour l’humanité, d’une nouvelle ère dans sa quête de sens, de l’émergence d’une conscience imprévue, inattendue ?
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