Le Val-Ouest

Ô rage Ô désespoir

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J’oscille entre incrédulité, rage et déprime. Je n’arrive pas à y croire. S’agissait-il bien du président des États-Unis, le fleuron de la démocratie occidentale ? Est-ce que je rêve ou est-il en voie de transformer en un vulgaire drame de mauvaise téléréalité une négociation dont dépend l’avenir d’un peuple ? Est-il en train de la réduire à une vente aux enchères ? Avoir cru, ma vie durant, que le politique évoluait vers plus d’humanité pour retrouver un abruti à la Maison-Blanche, je n’arrive pas à y croire !

Comment réagir devant ce rassembleur d’oligarques, ce fossoyeur des valeurs humanitaires, ce méprisable menteur pour qui la vérité n’est qu’un obstacle à écarter de son chemin ? Des siècles de civilisation pour en arriver là. Qu’avons-nous échappé en cours d’évolution pour tomber si bas ? Comment ce faux jeton est-il parvenu à se faire élire une deuxième fois ? Le réveil est brutal malgré tous les avertissements qui n’ont pourtant pas manqué.

Le président élu de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a été traité comme un enfant par Trump et Vance. On sait peu de l’homme politique qu’est Zelensky. À l’évidence, il s’agit de quelqu’un qui ne se laisse pas intimider. De quelqu’un, rappelons-le, qui est président dûment élu et qui, depuis trois ans, tente de tenir tête à la Russie en essayant par tous les moyens de freiner son empiétement. Au-delà de la dimension historique, difficile de trouver aujourd’hui une quelconque justification à cette invasion de la Russie autre que de chercher à assujettir son voisin et de profiter de ses richesses.

Le personnage Zélinsky pourrait ne pas être facile. Il faut certainement une détermination peu commune et une grande force de caractère pour choisir la résistance plutôt que la reddition devant un envahisseur aussi puissant et à l’armement aussi varié qu’abondant. Autant ses réparties lors de la rencontre au Bureau Ovale que les reproches qu’il aurait adressés à certains pays voisins illustrent bien qu’il n’est pas homme à courber l’échine. Cela en fait-il pour autant un interlocuteur irrespectueux à qui il faut apprendre la bienséance et les bonnes manières, sinon la façon de s’habiller ? Trump n’a de leçons à donner à personne en la matière. Mais bien sûr, un roi peut tout se permettre.

J’admire le courage et la ténacité de Zelensky. A-t-il manqué de prudence, de retenue ? A-t-il poussé trop loin sa chance ? Il est sans doute exaspéré par le fait que les États-Unis et la Russie l’aient exclu de la négociation d’une entente de cessez-le-feu le touchant au premier degré. On le serait à moins. Drôle de façon de traiter un allié à moins que l’on ne veuille ménager l’envahisseur. Et si oui, quels accommodements ont alors été consentis et à quel prix pour l’Ukraine ?

Comment arriver à comprendre ? Trump est avant tout un homme dopé à l’ambition. Il lui faut atteindre le sommet et dominer ses semblables. Les Américains n’ont pas élu un président, mais un chef de clan jouant le caïd. Il a besoin d’impressionner, de paraitre, de se donner en spectacle. Et à l’évidence, aussi d’humilier, d’écraser. La richesse ne lui suffit pas.

Trump voulait prendre sa revanche envers et contre tous. Il était prêt à tout, rien ne l’arrêterait, ni les lois ni les institutions et surtout pas le respect des règles et des conventions. Un électron libre en quelque sorte, libre et déterminé. Et contre toute attente, il a fait la démonstration que les garde-fous constitutionnels américains n’étaient pas sans failles. Qu’en restera-t-il après son mandat ?

Le climat social y a sans doute été aussi pour beaucoup. Trump a systématiquement exploité la fatigue morale des Américains et su tirer avantage de l’effervescence complotiste planétaire alimentée par le climat toxique de la pandémie. S’est aussi ajouté le contexte politique international caractérisé par une montée importante des partis acquis aux idéologies de droite. Il n’a d’ailleurs pas manqué d’en courtiser plus d’un. Enfin, son élection survient alors que se précise de plus en plus une ère où les comportements plus individualistes ont la cote. Encouragés notamment par la prolifération des médias sociaux et la disponibilité grandissante d’outils issus de l’intelligence artificielle, ces comportements l’emportent inexorablement sur le vivre ensemble. Il en résulte une forme de repli sur soi et un certain désintérêt pour le bien commun.

Je me surprends à espérer que cette désolante élection américaine ait un effet choc et qu’émerge un nouveau dynamisme mondial. Un dynamisme issu davantage du partage, des complémentarités, des partenariats et des collaborations que du contrôle, de la propriété, de l’enrichissement, de l’exploitation et de l’asservissement. Un monde à réinventer ! Cette évolution ne sera ni simple ni facile, sauf sur Mars peut-être… Et comme pour le TGV Québec-Toronto, je dois me résigner, je ne vivrai pas assez vieux pour le voir !

Lire la chronique précédente :

3 avis au sujet de « Ô rage Ô désespoir »

  1. Je partage entièrement ce ressenti mais ne comprend toujours pas comment une poignée d’hommes peuvent créer un tel chaos en temps de paix. Merci Michel de partager ces idées avec nous.

  2. Vraiment bien décrit Michel! Grand Merci Michel pour cet éditorial! Très bien ressenti!!

  3. Merci M. Carbonneau! Toujours aussi intéressant, et ´brassant’´ de vous lire… toutefois cette fois-ci je ressens plus de colère/tristesse que d’espoir souvent relevé dans vos textes… compréhension/empathie m’habitent car je suis à la même place… mais avec un espoir plus grand car malgré les malgrés… de ce temps de chaos je crois que d’autres Zéilinski vont se lever et agir surprenamment’ et brasser les ♥️! Il foi! Il espoir!!
    Merci tellement beaucoup!

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