Le Val-Ouest

Feu la démocratie ?

Nous revoici plongés dans une campagne électorale. C’est le branlebas de combat dans tous les partis. Si les principaux d’entre eux peuvent aspirer au pouvoir, pour d’autres, ce sera l’occasion d’ambitionner obtenir le statut d’opposition officielle ou encore, pour certains irréductibles militants, celle de simplement secouer la cage.

Ainsi va la démocratie. Du moins celle que nous connaissons au Québec. Toutefois, les « dérives démocratiques » se multiplient à ce point à travers le monde qu’on peut se demander quel avenir lui est réservé à plus ou moins long terme. Les États-Unis des envahisseurs du Capitole, le Brésil de Bolsonaro, L’Afghanistan des talibans, le Canada des ténors des camionneurs pour la liberté sans parler de la prolifération des armes de poing, notamment au Québec et en Ontario, sont autant de réalités qui soulèvent des questions. Abraham Lincoln ne s’y retrouverait sans doute plus qui définissait la démocratie comme étant le « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ».

L'Info-Val

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La démocratie à travers le monde

Chaque printemps, l’hebdomadaire The Economist publie un indice de la démocratie1, sorte de classification des États dans le monde selon la place qu’on y réserve aux valeurs et fondements de la démocratie. Celui de mars dernier porte un titre évocateur : The China challenge. 167 pays ont ainsi été cotés sur différents aspects allant de la qualité du processus électoral, si élections il y a, aux libertés civiles en passant par l’efficacité gouvernementale et l’étendue de la culture démocratique.

Le constat fortement souligné et illustré par les auteurs est le recul de la démocratie comme mode de gouvernance notamment au cours des deux dernières années et même au-delà. Dans ses formes les plus pures, la démocratie ne toucherait plus que 45,7 % de la population mondiale contre 49,4 % tout juste un an plus tôt. Une sorte de désaffection à l’endroit des façons démocratiques de faire serait de plus en plus manifeste. C’est particulièrement le cas des processus de prise de décision dont les contraintes sont souvent jugées trop lourdes, si ce n’est abusives et celui d’une inéquitable répartition des pouvoirs, politiques aussi bien qu’économiques et judiciaires.

Dans la publication du Economist, sans présenter cette façon de faire comme un modèle à reproduire, on tente une explication en faisant ressortir comment, dans les États aux administrations autoritaires ou dictatoriales, les processus décisionnels tant administratifs que d’orientation politique, sont libérés de l’obligation de la consultation populaire. Mais ce constat ne saurait à lui seul expliquer le déclin observé.

 Le cas de l’Amérique du Nord

L’Amérique du Nord fait encore bonne figure, le Canada et les États-Unis occupant respectivement le 12e et le 26e rang des 167 pays étudiés. La Norvège se retrouve en tête de ce palmarès alors que l’Afghanistan a délogé la Corée du Nord au dernier rang. Il ne faut toutefois pas se réjouir trop vite. De 2019 à 2021, le Canada a accusé un recul de 7,4 % dans son pointage global et les États-Unis sont passés de la catégorie « Pleine démocratie » à « Démocratie défaillante ». Si la pandémie peut expliquer une bonne partie de ce recul, ne serait-ce qu’en raison des atteintes aux libertés individuelles qu’elle a entrainées, elle ne saurait tout expliquer. C’est une tendance pour le moins inquiétante. Elle l’est d’autant plus que les mouvements extrémistes de droite connaissent une montée sans précédent. De plus, dans un sondage réalisé aux États-Unis, 85 % des répondants considéraient que le système politique devait être réformé en profondeur. Mais on sent bien que la contamination est mondiale et que le Canada, Québec compris, n’y échappe pas.

Sans vouloir sous-estimer l’ampleur du recul de la démocratie, il est toutefois bon de rappeler que ce regard est porté par un groupe d’analystes économiques, d’abord préoccupés par l’avenir du libre marché. S’il est vrai que les régimes autoritaires sont généralement moins enclins à ouvrir toutes grandes leurs frontières commerciales, il est également vrai que l’économie chinoise devrait surpasser l’économie américaine en moins d’une décennie. Il y a donc lieu de s’inquiéter pour l’avenir de notre économie. Faut-il s’inquiéter tout autant pour l’avenir de la démocratie ?

Se remettre en question

Certes, il ne faut pas perdre espoir. Les régimes démocratiques ont néanmoins intérêt à se remettre en question, ne serait-ce qu’en raison de la répartition des richesses qui est de plus en plus inégalitaire. Ce n’est guère mieux en régime autoritaire, mais cela n’excuse rien.

La campagne électorale devrait être une occasion de recentrer notre modèle politique, d’en retrouver les assises profondes. Nos femmes et hommes politiques en voient-ils l’urgence ? En ont-ils le courage ? Rien n’est moins sûr. À défaut, je suggère que le 15 septembre on profite de la JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA DÉMOCRATIE pour en reconnaitre les mérites et nous en rappeler les principes fondateurs !

1 Democracy Index

Michel Carbonneau

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