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Je sors du placard, je porte mon déguisement le plus transparent -jeans, t-shirt- et je me lance : JE DÉTESTE L’HALLOWEEN!

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Ma mère, pour qui cette fête ne voulait pas dire grand-chose, ne nous permettait pas d’aller courir l’Halloween au village avec nos amis. Deux ou trois voisins passaient chez nous à la fin de leur run, on était déguisés avec du vieux linge sorti des boules à mites découpé aux ciseaux, des genres d’épouvantails ou de pirates. Des matantes pas plus mobilisées que ma mère arrivaient avec cousines et cousins pas mieux déguisés que nous autres. La récolte de bonbons était famélique, ce n’était même pas une récolte, c’était des échanges de poignées de bonbons, de la tire Sainte-Catherine pour la plupart, une klendike pour une klendike… bref, c’était plate que le diable.

Ce pittoresque morceau de mon enfance semble vouloir expliquer (ou justifier) ma détestation de cette exécrable fête. Mais ce n’est pas le cas. Je pense que déjà, enfant, je n’aimais pas trop l’Halloween, un gène familial, ou je ne sais quoi. J’haïs me déguiser, j’ai toujours haï ça. J’haïs la frénésie, que dire, la folie des bonbons, les montagnes de bonbons. Les ostifis de bonbons qui dorment dans les armoires toute l’année, qu’on finit par jeter. Bref, j’haïs l’Halloween.

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Dans la classe de maternelle, le thème de l’Halloween colorait -en noir et orange- le mois d’octobre au complet. Si au moins le jour H avait été le 3 ou le 4, j’aurais été vite débarrassé. Non, c’était un long crescendo. Septembre avait mis les élèves en confiance à l’école. Octobre les voyait confortables, animés et souvent surexcités par cette fête planant comme une carotte bien sucrée suspendue au bout de son bâton.

Les enfants ADORENT l’Halloween! J’étais mal pris. J’aurais été bien mal venu de casser du sucre sur le dos de cette magnifique célébration commerciale. Je ne pouvais pas les abandonner.
Je devais donc me faire violence et porter, pour tout le mois, le pire des déguisements, celui du gars qui aime l’Halloween. Pire : qui en parle tous les jours, qui le chante, qui le magnifie, qui s’en sert pour motiver les enfants à toutes sortes d’activités monstrueusement amusantes.
J’entrais dans la ronde, je ravalais mon fiel, le gardais pour mes soirées arrosées. À chacun ses bonbons.

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On avait, en octobre, un système de courrier de classe. J’avais fabriqué pour chaque élève des petits billets orange à leur nom, épinglés sur un tableau. Les enfants, en reconnaissant le nom écrit, pouvaient choisir secrètement le billet d’une ou d’un ami(e) pour lui dessiner, comme message, un petit quelque chose et le déposer ensuite -signé, c’est très important- dans une boîte aux lettres. L’après-midi, en rassemblement, je distribuais les billets aux destinataires heureux de recevoir un message et bien motivés à répondre.

Une activité simple que les enfants adoraient.

Quand le jour de l’Halloween approchait, je bonifiais l’affaire en proposant aux élèves d’écrire quelque chose sur le billet au lieu de faire un dessin. J’affichais des cartons-modèles sur lesquels étaient écrits des petits messages gentils ou rigolos tels que J’aime ta citrouille! ou bien Joyeuse Halloween! Les plus populaires étaient les onomatopées Aaaaaah!!! et Bouhhh!!! Les enfants avaient accès à ces cartons et recopiaient le message sur les billets secrets.

Au rassemblement de l’après-midi, quand je distribuais le courrier, je demandais à chaque destinataire, à tour de rôle, de s’approcher et je révélais le message. Quand ce dernier était une de ces onomatopées je faisais un gros BOUH!!! ou un effrayant AAAAAh!!! L’enfant faisait un méchant saut; on avait du fun avec ça chaque jour. La boîte aux lettres débordait de Aaaah!!! et de Bouhhh!!! bien signés.

Rendu à l’Halloween, tous les enfants savaient écrire leur prénom et presque tous pouvaient lire sans difficulté les noms des élèves de la classe. L’utile à l’agréable : un principe de base au préscolaire.

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Mon désamour de l’Halloween, je le confesse bien sûr sur un mode un brin ironique. Quand je repense aux comptines inventées, aux guirlandes noires et oranges fabriquées, à l’histoire du couteau et de la citrouille dessinée, au cérémonial et toujours calme buffet du grand jour arrivé, quand je revois, donc, ce grand camouflage, j’ai la citrouille qui bat sous mon costume d’octobre qui finalement… me collait à la peau.

Et je me demande bien si, cette année, je poserai sur les marches de ma galerie cette grosse cucurbitacée.

Lire la chronique précédente :

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