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Josette avait vu que ça marchait bien mes affaires. En cette fin de printemps 86, elle m’avait donné plein de remplacements à Boucherville. C’était ma formation, mon stage intensif. Elle me plaçait le plus souvent dans les groupes des 3 ou 4 ans, selon mes affinités, mais elle n’hésitait pas à m’envoyer chez les deux ans et les poupons.

Les 2 ans, c’est comme un chef-d’œuvre du burlesque à chaque instant. Ils sont craquants de candeur et de comique… mais tellement demandants aussi. C’est l’âge du non. Chaque opposition est une petite grenade qu’ils lâchent malicieusement pour voir ce que ça fait. Les préparer pour sortir était une épreuve olympique. Ça courait partout, ça refusait tout. J’avais chaud, mais leur splendeur me donnait la patience et l’énergie qu’il fallait.

Avec les poupons, c’était autre chose! Je me promenais à quatre pattes, je faisais des faces, j’ouvrais mon visage, j’ouvrais mes bras. J’essayais d’apprivoiser. Un jour, avec ces bébés, ça pleurait fort. Tous les six se vidaient le cœur. J’étais assis avec eux sur le plancher, c’était assourdissant. J’avais beau sourire, cajoler, tendre des jouets, faire le pitre, ça continuait de plus belle. Je ne savais plus quoi faire. Je m’étais mis soudain à faire semblant de pleurer, moi aussi, comme eux. Très fort. AHHHGHAAGHHAA!!! Ils s’étaient tous arrêtés net de pleurer, me regardant. J’avais éclaté de rire! Ils m’avaient imité. Une grosse rigolade; le mauvais moment était passé.

Je me souviens, par ailleurs, de ce jour où je remplaçais chez les 4 ans. On était sur la cour. J’étais avec les éducatrices des 3 ans autour du carré de sable. Elles connaissaient bien tous les enfants, y compris mes 4 ans qu’elles avaient eus l’année d’avant. Elles étaient encore significatives pour ces enfants. Alexandre était dans mon groupe. Je me souviens très bien de lui, un p’tit gars gentil, allumé et souriant (je me souviens aussi de sa mère, une belle grande femme, une avocate, toujours en talons aiguilles… je m’égare…). On avait entendu le cri d’Alexandre plus loin aux balançoires, il s’était fait mal, il courait en pleurant vers nous. Une éducatrice était allée à sa rencontre. Je pensais qu’il irait la voir. Il avait passé tout droit et était venu se réfugier dans mes bras. Un souvenir important pour moi. J’avais réussi mon stage.

À l’été, Josette m’offrait un poste à la garderie de Boucherville. Je devenais le titulaire du groupe des 4 ans. Je commençais à 9h30 et finissais à 18h. C’est moi qui fermais le soir. J’avais trouvé une job!

***

Les fins de semaine, j’allais parfois visiter ma mère. À cette époque, elle vivait nouvellement avec Louis, un bon Jack. Je trouvais ça bizarre de la voir avec un autre homme, mais je comprenais, je me composais une attitude correcte. Une fois seuls, on parlait, je lui racontais mon bonheur avec les enfants. Elle riait de bon cœur en entendant mes anecdotes. Elle disait que j’avais un don. Je ne sais pas si j’avais un don, mais je sais que j’avais un manque. Je retournais chez moi. Dans la semaine, parfois, je recevais une lettre de sa part, elle me redisait qu’elle était fière de moi, qu’elle m’aimait.

À part les enfants, ma vie était sans éclat. Mes amis du secondaire étudiaient ailleurs, la fille de St-Per, qui ne m’avait jamais rien donné, s’était envolée. J’écoutais du Paul Piché. Comme lui, y’avait pas grand-chose dans mon ciel le soir. Je me réfugiais dans la lecture ou l’écriture, ou dans des images de talons aiguilles…

Comme tout le monde, j’avais besoin d’amour.

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