L’automne a repris ses terres. Ouste le beau temps! Les choses se mettent en place : le mercure par en bas, des bas dans les pieds, le bois dans la cave à bois. L’automne est une saison de passage. Une saison d’attente. Enfiler un chandail, être bien dans ce geste, se sentir confortable dehors, au chaud, en attendant… C’est ce que j’aime quand septembre achève.
***
À l’école, septembre est aussi un mois de transition et de patience, parfois long et difficile. À la maternelle (et aussi au CPE où j’ai travaillé plusieurs années), les enfants ont tout à apprendre. Apprendre à parler quand c’est ton tour, apprendre à accrocher ton manteau par le collet, pas par la manche, apprendre à ne pas marcher sur les autres quand tu te déplaces, apprendre à manger ta sandwiche avant ton dessert, apprendre les noms, apprendre à tenir tes ciseaux le pouce par en haut.
Mais c’est surtout apprendre à attendre. Attendre avant de faire les mille choses que tu as envie de faire impulsivement, là tout de suite, comme ta condition de tout petit enfant te le commande depuis ta naissance. Tu ne peux plus faire tout ce que tu veux quand tu le veux. C’est énorme!
Ces frustrations se cumulent frénétiquement, minute après minute, jour après jour. Non, tu ne peux pas faire ça! Cette phrase, assourdissante, ce n’est pas tant la mienne prononcée, que la leur, qu’ils se disent intérieurement, parce qu’ils comprennent bien que c’est impossible, à l’école, avec toutes ces contraintes, de faire tout ce que tu veux quand tu le veux.
C’est un passage difficile.
Et c’est beau de voir dans leurs yeux à la fois inquiets et persévérants tous ces efforts faits pour s’adapter. Beau, aussi, de les voir craquer par moments et redevenir ce tout petit enfant caché en soi. Beau de les voir se reprendre, le front plissé, la langue sortie.
Tous ces efforts, je les embrassais, les comprenais. Je devais les rassurer en les aidant à se sentir fiers de les faire. Je devais les récompenser de tout ce travail qui les arrachait à leur petite enfance. Accueillir le bébé qui sommeille et me battre avec eux pour grandir.
Je créais des activités que le calme et l’ordre de leur retenue rendaient riches et amusantes. J’essayais d’en faire une joie. Joie de connaître de nouvelles choses. Joie d’approfondir ses amitiés. Joie de vivre en groupe des moments de création, de collaboration. Joie de sentir une appartenance.
C’est ce que je voulais installer en septembre. C’était mon travail. C’est celui de tant d’éducatrices que j’ai côtoyées œuvrant auprès des enfants avec sensibilité et amour. C’est ce que j’ai fait, ce qu’elles font : les aider à se battre pour grandir. Pour aimer grandir.
***
Septembre est devenu froid, pluvieux, les fenêtres sont fermées, je n’entends pas les enfants sur la cour, ils ne sortent peut-être pas aujourd’hui. Je les vois, à l’intérieur, tout mon corps connaît par cœur cet endroit. Un endroit nommé septembre où j’ai su pendant des années ressentir et comprendre.
J’habite maintenant un nouveau septembre.
Un nouveau moi.
1 commentaire
Marie-Berthe Desautels
Bravo Nicolas! Ce texte décrit à merveille la sensibilité et l’amour que tu as témoigné envers ces petits êtres qui ont eu la chance de te connaître pour que tu leur tienne la main. À la lecture on t’y voit en action.
Les commentaires sont fermés.