Le Val-Ouest

Ma maison qui avait 160 ans a passé au feu

La vieille maison qui avait précédé la nôtre, de même que celle du voisin, avait donc passé au feu au tournant des années 1860. Après cette conflagration, plusieurs lots et terres n’ont pas été réoccupés parce que les colonisateurs sont partis. Tout avait brulé. Par la force des choses, plusieurs lots sont restés vides et même les chemins avaient été déplacés. Dans le rang, de longues distances sont restées sans maisons.

Nos deux maisons ont dû se construire vers les années 1861. J’ai appris, et c’est bien logique que, dans le temps, on commençait par se loger un petit garde-manger. Une petite « bâtisse » bien isolée, avec des ouvertures restreintes, pour mieux préserver la nourriture. Les deux petites « bâtisses » des deux voisins étaient bien là dans mon enfance. Et, jusque vers mes 15 ans, elles servaient encore à la même fin, car nous n’avions toujours pas d’électricité. Pour tenir le lait et la crème au frais l’été et la viande congelée l’hiver.

Puis on s’attelait à la maison : construite en deux parties. À des périodes assez éloignées dans le temps, car les matériaux de la deuxième partie exigeaient une mécanique passablement plus évoluée. Les deux parties mesuraient exactement 20 pieds par 20 pieds, placées bout à bout, à deux étages.

Tout le bois de la première partie était travaillé à la main, à la scie et à la hache. Les planches du plafond et des murs, en planche de pin d’un pouce et demi, étaient sciées avec une grande lame de scie droite, avec des poignées à chaque bout, une scie à refendre. Un homme tenait la scie en haut, un autre la tirait par en dessous. Les planches n’avaient pas la même largeur des deux bouts. Elles étaient embouvetées à la main. On voyait bien les traces de rabot sur la surface. Du très beau travail. Elles étaient clouées avec des clous à tête carrée que nous entendions claquer l’hiver par vent froid du nordais. Les murs étaient montés en « pièces » de cèdre de huit pouces carrés, équarris à la hache.

La deuxième partie a été construite beaucoup plus tard parce que des planeurs et de l’embouvetage mécanique avaient été utilisés. Certainement avant que mon père arrive à la maison, en 1933-34.
Mettons un peu de monde là-dedans. Avec quinze enfants, les années ne se sont pas déroulées longtemps sans que nous soyons entassés. Parce que le deuxième étage n’était pas fini. C’était le grenier! Des carrés pour entreposer le grain! En planches de vieux bois nu.

Mais un bon matin, quelque part en juin, avec la chaleur de l’été qui arrivait, mon père nous a fait monter par la trappe du grenier et nous a envoyé coucher en haut. Mon frère et moi. Nous couchions sur des « paillasses », des sacs de coton remplis de paille. Je m’en souviens très bien. Il faisait complètement noir en haut, surtout par les nuits sans lune.

Nous nous levions souvent, la nuit, pour vérifier par la petite fenêtre si la température était propice à la marche des lièvres. Les lièvres connaissaient la température: quand il n’y avait pas de pluie, pas de lune, ils couraient dans le bois toute la nuit. C’était la promesse d’une bonne chasse au collet.

La prochaine fois, je vous parlerai de la vie qui se passait dans la maison. À quinze! Les bébés se poussaient pour grandir.
Gaston Michaud
Mon étincelle.

* LANGUE DE BOIS : MEILLEUR MATÉRIEL POUR FABRIQUER UN CERCUEIL POUR LES IDÉES, Jean Paré.

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