Le Val-Ouest

Mauvais rêve

Je me souviens très bien, c’était en avril 2041. Je venais tout juste d’avoir cent ans. Ça ne s’oublie pas. La table était mise depuis un bon moment, mais cela paraissait tellement invraisemblable. Et pourtant !

Trump avait fait ses quatre ans à titre de président des États-Unis non sans avoir transformé la politique américaine au point où on n’en reconnaissait plus le caractère soi-disant démocratique. Jaloux des pouvoirs de ses modèles qui avaient pour nom Poutine, Xi Jingpin, Netanyaou, Kim Jong-un et combien d’autres, il avait travaillé à transformer le régime politique américain pour en faire une quasi-dictature.

Sur 197 pays, on estimait qu’en 2020 il y avait dans le monde, 45 dictatures « confirmées », soit environ 23 %. C’est peu et c’est beaucoup parce que ces quelques dictatures regroupaient environ 70%1 de la population mondiale. Durant sa présidence, Trump était parvenu à modifier la Constitution pour rendre possible le cumul de plus de deux mandats à la présidence, supprimé les commissions parlementaires et assujetti le Congrès de la Confédération, aussi bien le Sénat que la Chambre des représentants, en subordonnant le pouvoir de cette dernière à celui du Président. Bref, il avait ouvert la voie à l’exercice d’un pouvoir quasi dictatorial de la part de la présidence.

Étant donné son âge avancé et la détérioration de ses fonctions cognitives, il n’avait pas été en mesure de solliciter un troisième mandat. La voie était maintenant ouverte et un de ses proches collaborateurs n’attendait que l’occasion de prendre sa place. Déjà bien servi par ce président complaisant, Elon Musk en avait profité pour accentuer sa domination dans le domaine de l’exploration spatiale. Avec la complicité du japon et non sans une forte opposition de la Chine et de l’Inde, il avait notamment fait main basse sur près des deux tiers de la surface lunaire et revendiqué les droits de propriété de Mars sur laquelle il avait été le premier à installer une station spatiale permanente en collaboration étroite avec l’Agence Spatiale Américaine.

Si ces succès de même que son immense fortune nourrissaient bien sa mégalomanie, une étoile manquait encore à son blason, celle de l’exercice du pouvoir politique. Fidèle conseiller de Trump, il était allé à la bonne école pour prendre sa relève. C’est ainsi qu’il avait pris sa succession en 2029 et fait trois mandats successifs. Si les deux premiers ont essentiellement servi à asseoir son autorité au sein de l’administration et à l’étendre sur le plan national, le troisième devait servir à augmenter le poids démographique des États-Unis, trop loin à ses yeux derrière notamment ceux de la Chine et de l’Inde. Certes, le Mexique présentait la meilleure occasion en raison de sa population de plus de 135 millions d’habitants, sur le plan financier toutefois, sa situation était moins attrayante. Ne restait alors que le Canada avec ses quelques 48 millions d’habitants, début de la décennie 2040.

L’intérêt que présentait le Canada était multiple. En plus du gain en population, il y avait son économie relativement dynamique et sa position géographique. Avec le réchauffement climatique, le passage du Nord-Ouest entre les océans Atlantique et Pacifique était devenu navigable si bien qu’il présentait un attrait pour le transport maritime de même que pour l’exploitation pétrolière et minière, notamment les métaux rares. Si le Canada considérait ce passage comme faisant partie de ses eaux territoriales, déjà au début des années 2000, les États-Unis estimaient plutôt que les eaux arctiques étaient internationales. Cet avis était partagé par plusieurs pays dont la Chine et la Russie en raison notamment de l’intérêt commercial de cette voie navigable et de la richesse de ses fonds marins. Dans l’éventualité d’une « annexion » du Canada, un intérêt politique s’ajoutait pour les États-Unis découvrant soudainement l’avantage de conserver à ces eaux leur caractère territorial.

C’est alors qu’en avril 2041, non sans une forte résistance, le Canada était d’autorité intégré politiquement à l’espace américain, dorénavant mi-démocratique, mi-dictatorial. Il faut bien reconnaître que la partie ne se jouait pas à armes égales. Le Canada ne pouvait espérer résister à « l’envahisseur américain ». Et Poilièvre, toujours premier ministre du Canada, s’était fait promettre un poste important au sein de cette nouvelle administration américaine du Canada. De son côté, J-D Vance s’était résigné à attendre patiemment son tour.

Je n’ai pas particulièrement aimé passer à la monnaie et au drapeau américains non plus qu’à l’unilinguisme anglais. L’anglicisation de Montréal s’est accélérée tandis que la minorité francophone s’est tournée vers l’Acadie et les Cajuns pour apprendre à mieux protéger sa culture. Beau paradoxe. Et les dictateurs à travers le monde ont continué de tuer à gauche comme à droite et à faire la guerre pour étendre leur territoire et raffermir leur autorité.

Ouf ! 2024 n’aura peut-être pas été si épouvantable tout compte fait.

Je profiterai des Fêtes pour me remonter le moral !

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