Le Val-Ouest

Projet domiciliaire à St-François : inquiétudes pour l’eau potable

Des Tomcodois et Tomcodoises se disent préoccupés par l’impact d’un éventuel projet domiciliaire de 144 logements qui pourrait voir le jour au sein du village. Leur principale inquiétude : l’accès à l’eau potable. Dans un contexte où tous les immeubles de la municipalité s’approvisionnent avec des puits privés.

Ce développement, qui n’a pas encore été accepté par la municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton, prévoit la construction de 12 immeubles à logements comprenant chacun 12 unités. Dans un éventuel cul-de-sac, qui n’existe pas encore, qui s’appellera la rue des Cerfs.

Un projet prévoit la construction de 12 immeubles à logements comprenant chacun 12 unités.   (crédit : municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton)

50 personnes à la séance du conseil

Des citoyennes et citoyens ont profité de la séance du conseil municipal d’octobre pour questionner les élus sur ce projet.

«Il y avait une cinquantaine de personnes à la séance du conseil municipal d’octobre. Je n’avais jamais vu ça depuis que je suis élu», révèle Alexandre Roy, conseiller municipal et maire suppléant.

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Alexandre Roy, conseiller municipal et maire suppléant de Saint-François-Xavier-de-Brompton.  (photo : municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton)

Modification de règlement puis vente d’un terrain

Il y a quelques années, l’ancien propriétaire de ce terrain, zoné blanc, avait fait une demande à la municipalité pour modifier le règlement pour permettre la construction d’immeubles à haute densité. Ce qui, à Saint-François-Xavier-de-Brompton, correspond à des immeubles de quatre logements et plus. «La demande avait été acceptée parce que ça correspondait à ce qu’il y avait autour comme immeubles», résume Alexandre Roy.

Le propriétaire a ensuite vendu le terrain au le Groupe Desrochers Montpetit, de Sherbrooke. Qui souhaite désormais développer ces 12 immeubles.

Le terrain boisé, au centre du village, où le Groupe Desrochers Montpetit souhaite construire des logements sur une rue (cul-de-sac) qui n’existe pas encore.  (crédit : Google Maps)

Rencontre d’information peu achalandée

Dans le cas de ce projet, comme dans d’autres, la municipalité se donne pour objectif d’être transparente vis-à-vis de sa population.

«Nous essayons que tous les promoteurs organisent des rencontres publiques d’information. Même si leur projet est conforme au règlement et qu’ils ne seraient pas obligés de le faire.»

Avait expliqué au Val-Ouest le maire Adam Rousseau. Lors d’une entrevue accordée en septembre concernant le projet Le Houppier.

La municipalité avait ainsi publié, l’été dernier, un avis public. Puis organisé, en août, une rencontre d’information. Peu de citoyens s’y étaient présentés.

«Nous essayons que tous les promoteurs organisent des rencontres publiques d’information. Même si leur projet est conforme au règlement et qu’ils ne seraient pas obligés de le faire», explique le maire Adam Rousseau.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Des textes qui font «boule de neige»

De récents article et lettre d’opinion, publiés dans le journal L’Étincelle, ont toutefois suscité un regain d’intérêt. Soulevant certains enjeux, dont celui de l’eau potable. «Ça a ensuite fait boule de neige et il y a une certaine désinformation qui circule», constate Alexandre Roy.

C’est pourquoi la municipalité a pris le temps de répondre à toutes les questions des citoyennes et citoyens lors de la séance du conseil d’octobre.

Comment circule l’eau sous la terre?

De quelle façon l’eau circule-t-elle sous la terre? C’est l’une des questions qu’a posées Le Val-Ouest à Julie Grenier, directrice de projets au COGESAF. Cet organisme est reconnu par la Loi sur l’eau pour assurer la gouvernance des bassins versants de la rivière Saint-François. Son objectif : améliorer la qualité de l’eau et maintenir les usages de l’eau sur le territoire.

Le COGESAF connaît bien la région. Il a réalisé, en 2022 et 2023, un projet pilote sur l’analyse de l’eau potable de puits à Saint-François-Xavier-de-Brompton, Val-Joli et Stoke

«Si je peux résumer de façon imagée, l’eau souterraine, contrairement à ce qu’on imagine, ce ne sont pas de grands lacs sous la terre. Comme on voit par exemple au Mexique («cenote»). Au Québec, c’est de l’eau emprisonnée dans la roche. Comme une éponge, il y a de petits trous, des fissures, qu’on appelle souvent des veines. C’est l’endroit où l’eau va s’accumuler. Quand on perce un puits, on fait passer une tige à travers le roc. En essayant de toucher le plus de veines possibles pour extraire de l’eau», explique Julie Grenier.

On connaît mal nos eaux souterraines

L’enjeu, c’est qu’on connaît mal, au Québec, nos eaux souterraines. «Nous avons réalisé un projet d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines (PACES) à l’échelle de l’Estrie, qui s’est terminé en 2022. C’était la mise à jour d’une étude réalisée dans les années 1970», fait savoir Julie Grenier.

Permettre à l’eau de faire sa «recharge»

L’une des clés pour avoir constamment accès à de l’eau, c’est de lui permettre de faire sa «recharge». «Quand il pleut, l’eau va s’infiltrer dans le sol et aller rejoindre ce qu’on appelle l’aquifère. Plus on imperméabilise nos surfaces par des stationnements, des routes, des maisons, etc., moins il y a de sites pour faciliter la recharge. Et s’assurer qu’on maintient l’aquifère à niveau», rappelle Julie Grenier.

L’organisme travaille d’ailleurs avec la MRC du Val-Saint-François dans le cadre de la révision de son schéma d’aménagement. Pour identifier, sur le territoire, les zones de recharges préférentielles. Comme par exemple des boisés où l’eau s’infiltre jusqu’à l’aquifère.

Actuellement, pour l’ensemble de l’Estrie, l’extraction d’eau est moins importante que la recharge. «Ce qui signifie qu’on maintient nos aquifères et qu’on est capable de soutenir l’économie ou le développement», indique-t-elle.

Julie Grenier, directrice de projets au COGESAF, indique que les données montrent qu’actuellement, en Estrie, les aquifères sont en mesure de soutenir  l’économie et le développement.  (photo : COGESAF)

Une étude hydrogéologique à Saint-François

Est-ce le cas à Saint-François-Xavier-de-Brompton? Julie Grenier ne peut pas répondre. «Le PACES est un bilan pour l’ensemble de l’Estrie. C’est très difficile d’évaluer un point précis. C’est pourquoi il faut une étude hydrogéologique. Pour s’assurer qu’il y ait assez d’eau pour répondre aux besoins de la communauté. »

La municipalité a justement demandé au promoteur de faire réaliser une étude hydrogéologique. Parce qu’elle souhaite, comme ses citoyens, avoir l’heure juste sur les impacts de ce projet sur la nappe phréatique. «Nous lui avons soumis trois hydrogéologues, pour que ce soit le plus impartial possible. Et c’est le promoteur qui va payer la facture», expose Alexandre Roy.

Les résultats seront-ils publics?

L’étude est actuellement en cours. Les résultats seront-ils rendus publics? Alexandre Roy affirme que le conseil municipal le voudrait bien. Mais que l’étude appartient au promoteur, puisqu’il l’a payé. «Nous allons lui demander s’il accepte de la diffuser. Si oui, nous nous assurerons de diffuser publiquement les résultats de façon vulgarisée. Pour que ce soit plus facile à comprendre pour tout le monde.»

Le Val-Ouest n’a pas été en mesure d’obtenir une entrevue avec le Groupe Desrochers Montpetit pour connaître ses intentions.

De son côté, Alexandre Roy se dit confiant. «Je ne peux pas dire quelle sera leur position. Mais jusqu’à maintenant, ils ont toujours été très collaborateurs dans le dossier. Et ils ont répondu à toutes nos questions. Nous espérons donc qu’ils diront oui. Mais on ne peut pas faire plus.»

Analyser la capacité d’un site, un réflexe à développer

Julie Grenier croit que toutes les municipalités devraient développer ce réflexe de demander aux promoteurs de faire analyser la capacité d’un site. Même celles où il y a un réseau d’aqueduc. «Une municipalité doit s’assurer d’être capable de maintenir l’approvisionnement en eau potable pour sa population, peu importe les activités sur son territoire.»

«Avant, on se disait qu’on n’avait pas besoin de s’en occuper. Mais ces dernières années, certaines municipalités ont dû faire affaire avec des camions-citernes pour approvisionner leurs citoyens. Il commence donc à y avoir davantage d’intérêt», constate-t-elle.

«S’assurer que ça se passe bien»

Alexandre Roy rappelle que la municipalité est l’intermédiaire dans cette affaire. «Nous sommes là pour s’assurer que ça se passe bien pour la population et que ça respecte tout le monde. En fonction des limites que nous avons. Si ce projet respecte toutes les réglementations municipales, provinciales et fédérales, nous ne pourrons pas dire non à ce projet.»

Il tient à préciser que deux étapes sont nécessaires avant d’accepter un projet. Une acceptation préliminaire, lorsque c’est conforme à la réglementation. Et une acceptation finale, lors de laquelle un permis est délivré. «Ce projet n’a même pas encore reçu d’acceptation préliminaire», souligne Alexandre Roy.

«Nous sommes d’abord des citoyens»

Alexandre Roy réitère que les préoccupations de la population sont aussi celles du conseil municipal.

« Nous sommes d’abord et avant tout des citoyens. S’il y avait un manque d’eau, nous en manquerions nous aussi. Nous ne sommes pas à l’abri.»

Il soutient aussi qu’un accès suffisant à de l’eau potable est à l’avantage du promoteur. «Il construit ces immeubles pour les louer. Pas pour les bâtir et les revendre ensuite. S’il n’y a pas d’eau, ce ne seront pas des immeubles très payants.»

 

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