Le Val-Ouest

Vider le grenier

J’ai préparé l’eau. J’ai bien choisi la tasse. La bleue avec la grande anse. Celle que je venais de retrouver égarée tout au fond de l’armoire. Égarée parmi des choses sans importance. Ça m’avait fait drôle de savoir qu’on peut, pour un instant, oublier ce à quoi on tient vraiment. J’ai pris le temps de bien faire les choses. D’ajouter du beau à la journée. J’ai mis la musique aussi. Sans paroles parce que je voulais rester concentrée. J’ai monté les marches du grenier, lentement. Pieds nus pour bien sentir les marques et la chaleur du bois. Comme pour m’ancrer. Dehors déjà les rayons chauds du mois de mars. Et les mésanges pour faire la fête à la journée. J’avais presque tout le temps en avant. J’ai ouvert la porte du grand placard. Je me sentais prête.

Un à un j’ai sorti les objets d’avant. Reliques d’autrefois qui marquent le temps et les époques. Qui s’entremêlent entre l’utile et les souvenirs. Les « au cas où », « Ça peut encore servir », les «Je me souviens ». Vieilles idées et rêves d’avant. Objets du cœur et de la tête. Idées enchevêtrées, pêle-mêles et encombrantes. Croyances déformées. Vieilles habitudes. Vaines. J’en ai soupesé l’importance ou l’utilité. Confronté au réel du moment. Exposé à la lumière d’une journée sans date du mois de mars. C’était facile, fluide. Le geste assuré. Tranquillement, j’ai vidé le grenier. Puis, le rideau a volé sous le souffle du vent printanier. Je me suis arrêtée un instant pour sourire à tout ce fatras, éparpillé autour de moi. J’ai souri de moi.

Pour créer la vie, il faut du temps et de l’espace. Se débarrasser des vieilles idées comme d’un vieux bibelot et puis dépoussiérer les anciens rêves. Repartir à neuf s’il le faut. Retrouver ce qui s’était égaré au fond d’une armoire ou dans le racoin de la vie. Se faire une portée sans aucune note pour pouvoir entendre la suite. Du moins, l’attendre. Comme une gamine, déchirer une page blanche pour y écrire un nouveau début d’histoire.

La journée était bien avancée. Le thé avait refroidi au fond de ma tasse bleue. La musique depuis longtemps silencieuse. À la fin il n’est resté que l’essentiel. Un espace presque vide. J’ai chaussé mes souliers sans mettre de bas et je suis partie rejoindre mes amis. Il me semble que je respirais mieux.

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* Texte publié dans Le Moulin Express de Lawrenceville

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Un avis au sujet de « Vider le grenier »

  1. Quelle belle plume! J’en prendrais tout un volume de cette douce écriture! Merci madame Beaupré!

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