La Maison des jeunes L’Initiative, à Valcourt, fête cette année son quarantième anniversaire. Ce qui en ferait l’une des plus anciennes maisons des jeunes en milieu rural au Québec. Pour l’occasion, le Val-Ouest en retrace brièvement l’histoire par des rencontres avec ses artisans.
Louis Leclerc de Lawrenceville et Lucie Berthelette de Valcourt ont été témoins des balbutiements de L’Initiative.
«J’arrivais à Valcourt avec en poche un certificat en toxicomanie de l’Université de Montréal. Nous avions entendu parler de maisons des jeunes qui avaient ouvert ailleurs au Québec. Mais il n’y en avait pas près d’ici. C’était dans les grands centres, comme à Montréal ou Sherbrooke. Pas tant que ça dans les petites villes.»
Un fait confirmé par Van Martina, chargé de projet pour Formados. Un organisme qui offre des formations aux maisons des jeunes membres du Regroupement des maisons des jeunes du Québec. Il explique que les deux premières maisons des jeunes ont été fondées à Québec, à la fin des années 1970. Dans la foulée du rapport Batshaw, remis au gouvernement en 1976. Cette étude évaluait les méthodes de réinsertion des jeunes dans la société et émettait des recommandations.

Une des plus anciennes en milieu rural au Québec
«Tout part de ce rapport-là. Les maisons ont été mises sur pied pour briser l’isolement des jeunes, leur offrir du soutien et de l’accompagnement, faciliter leur intégration à la société, combattre la surconsommation, développer leur sens des responsabilités, etc. Tout ce qu’on connait des maisons des jeunes actuelles», explique Van Martina.

«La maison des jeunes de Valcourt est quand même l’une des plus anciennes maisons des jeunes au Québec. Qui maintient le cap depuis tout ce temps-là», confirme-t-il.
Aujourd’hui, le Québec compte environ 384 maisons des jeunes.
«Nous voulions offrir une place aux jeunes»
En plus de Louis Leclerc et Lucie Berthelette, d’autres personnes mettent la main à la pâte, dont Daniel Bernier et Danielle-France Joubert.
Le petit groupe approche le maire de Valcourt de l’époque, Camille Rouillard, pour utiliser la bâtisse où se trouvait l’ancien bureau de poste. Ce qui est accepté.
Yvon Lafortune, directeur général de Bombardier (aujourd’hui BRP) leur donne quant à lui un coup de main pour meubler les lieux.
«Nous voulions offrir une place aux jeunes qui ne savaient pas trop quoi faire», mentionne Lucie Berthelette.
«La Ville a davantage cru au projet que la communauté»
«Au début, je crois que la Ville de Valcourt a davantage cru au projet que la communauté», pense Louis Leclerc. Lucie Berthelette acquiesce.
«Il y avait des préjugés. Mais je défendais le projet en disant que ce ne sont pas tous les jeunes qui jouent au hockey ou à la balle. On créait un lieu pour permettre à tous les jeunes de se rassembler», ajoute-t-il.
Louis Leclerc croit que les mentalités ont bien évolué depuis 40 ans. «Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, en partant de rien. Ç’a été un modèle pour d’autres maisons des jeunes qui ont été fondées ailleurs dans la région, comme à Roxton Falls.»
Lucie Berthelette abonde dans le même sens. «C’est une belle idée que nous avons eue. Qui a fait son chemin. Aujourd’hui, il a beaucoup de maisons des jeunes, dans plusieurs villes. Elles ont leur place.»
Déménagement en 1995
En 1995, la maison déménage un peu plus loin sur la rue St-Joseph, principale artère de la ville. Là où elle se situe encore aujourd’hui. La bâtisse qu’ils occupaient précédemment a été démolie pour laisser place à un parc municipal.
«C’est important d’avoir un lieu de rencontres pour les ados»
Chantal David est coordonnatrice adjointe de l’Initiative. Et, fait remarquable, animatrice depuis 35 ans. Une fidélité rare pour une salariée du milieu communautaire.
«Je pourrais avoir de meilleures conditions ailleurs. Mais j’ai vraiment une flamme pour la mission, les objectifs et les valeurs. Elles me rejoignent à 100 %. C’est un choix de vie que j’ai fait», partage-t-elle avec une grande sincérité et un soupçon d’émotion dans la voix.

Pour elle, une maison des jeunes a une place essentielle dans la communauté. «Dans un milieu rural comme le nôtre, c’est important d’avoir un lieu de rencontres exclusivement pour les adolescents.»
«Les jeunes ont leur place dans notre communauté»
Au fil des ans, l’équipe a soutenus les jeunes dans 1001 implications sociales : collecte des résidus domestiques dangereux (RDD), guignolées, activités communautaires, etc. Selon Chantal David, ce bénévolat va bien au-delà de simples expériences de travail.
«Ça montre aux jeunes qu’ils ont leur place dans notre communauté. Et qu’ils ont aussi des responsabilités. C’est une belle façon de les impliquer pour qu’éventuellement, ils continuent à garder la communauté vivante. Ce sont eux, les prochains citoyens qui vont s’impliquer dans les organismes communautaires ou en politique.»

«J’aurais dû y aller»
Laura Parent, l’actuelle coordonnatrice de la Maison, dit qu’elle aurait aimé, comme adolescente, avoir accès à une telle ressource. Ce qui n’était pas le cas de la localité où elle habitait dans sa jeunesse.
Son collègue animateur, Guillaume St-Hilaire, n’a pas non plus fréquenté un tel lieu. Parce que, confie-t-il, ses parents lui interdisaient de fréquenter la maison des jeunes. «J’aurais dû y aller. J’aurais tellement aimé ça. Parce que quand j’étais jeune, je cherchais à faire des projets et je n’avais pas d’endroit.»
Il pointe qu’une telle ressource est un milieu de vie où les jeunes peuvent s’épanouir.
«Je dis souvent à la blague aux jeunes : ici, tout est possible. Si tu veux aller au Japon, on va y aller. Mais on va s’asseoir ensemble et faire un plan. Pour s’arranger pour que ça marche. On ne va pas le faire à ta place. Parce que les projets sont faits pour et par les jeunes.»
L’un des projets qui a laissé une empreinte durable est la réalisation, il y a 15 ans, d’une murale sur l’hôtel de ville de Valcourt. «Nous voulions remercier la communauté d’avoir soutenu la Maison des jeunes en laissant un legs à la communauté», fait savoir Laura Parent.
«De la relation d’aide par l’animation»
Selon Chantal David, le métier d’animatrice ou d’animateur de maisons des jeunes est mal connu.
«Nous faisons de la relation d’aide par le biais de l’animation. Mes outils d’intervention, c’est une table de billard, une console de jeu ou un jeu de cartes. C’est de l’animation qui va aider un jeune à se forger une identité ou à améliorer un comportement.»
Guillaume St-Hilaire expose que la rétroaction n’est pas toujours immédiate. «Il y a une jeune qui, avant son départ, a offert un témoignage. Elle a mentionné qu’à un moment donné, je lui avais dit quelque chose qui, pour moi, était banal. Mais qui, pour elle, avait eu un grand impact. Quand j’ai entendu ça, j’ai eu les larmes aux yeux.»
«Je suis un peu née à la Maison des jeunes»
Devenus adultes, certains jeunes décident d’ailleurs de venir faire leur tour pour saluer les animatrices et animateurs ou présenter leurs enfants. D’autres reviennent pour offrir un cours, un atelier ou contribuer par du bénévolat.
C’est le cas de Marilou Foisy, la fille de Chantal David. «Lorsqu’elle était enceinte, ma mère m’a porté pendant qu’elle travaillait ici. D’une certaine façon, je suis un peu née à la Maison des jeunes. J’ai commencé à la fréquenter à 11 ans et 11 mois. Jusqu’à mes 18 ans.»
Aujourd’hui adulte, Marilou Foisy s’implique désormais au sein du conseil d’administration de l’organisme. «C’est une mission qui me tient à cœur. Ça soutient les jeunes pour qu’ils deviennent des adultes actifs, critiques et responsables.»
Cette implication est une façon pour elle de redonner au suivant.
«Ça m’a offert un lieu de rassemblement pour être avec mes amis. Une place pour m’extérioriser et vivre des expériences que je n’aurais jamais vécues ailleurs.»
«J’ai pleuré en arrivant ici»
Marc-Antoine Fontaine, qui a lui aussi fréquenté L’Initiative, est revenu sur les lieux pour la première fois en 20 ans. Pour faire l’entrevue avec le Val-Ouest. «J’ai pleuré en arrivant ici. Ça me rappelle plein de beaux souvenirs extraordinaires.»
Adolescent, il avait eu des réticences à fréquenter le lieu, qu’il connaissait mal.
«J’ai finalement eu un coup de cœur. Ce sont des gens qui m’ont énormément aidé à sortir mes émotions. J’ai pu dire des choses aux intervenants qu’on ne dit pas vraiment à ses parents. Aujourd’hui, je suis quelqu’un qui extériorise beaucoup ses émotions.»
Il confie, sourire aux lèvres, qu’il a vécu à cet endroit des moments mémorables. «J’étais très gêné dans le temps. J’ai commencé à jouer de la musique à la Maison des jeunes. Ce qui m’a permis de «pogner» un petit peu plus avec les filles et d’avoir des blondes.»
Ce passage lui a non seulement permis d’apprendre à s’exprimer, mais l’a influencé dans ses choix de vie. Il travaille maintenant dans le milieu de la santé. «C’est pas mal grâce à la Maison des jeunes», partage-t-il.
«C’est un organisme dont je suis fier»
Valcourt offre un soutien important à la Maison, en lui fournissant gracieusement le bâtiment. Le maire, Pierre Tétrault, s’enorgueillit de cette présence de l’organisme dans sa ville depuis 40 ans. «C’est mémorable de voir que ça existe depuis aussi longtemps. Surtout dans une petite municipalité comme la nôtre. C’est un organisme dont je suis fier.»
Même son de cloche de la part de son vis-à-vis du Canton de Valcourt, Patrice Desmarais. «La municipalité du Canton de Valcourt a toujours été impliquée. Nous avons soutenus les campagnes de financement, dont le tournoi de golf. J’ai même été président d’honneur.»
«Une école de la vie»
Selon Patrice Desmarais, un tel lieu est essentiel. «Il y a la maison et l’école. Mais je crois que ça prend aussi aux jeunes un autre lieu pour pouvoir se réunir et faire différentes activités ensemble. C’est sûr qu’il existe des organisations sportives, mais ce ne sont pas tous les jeunes qui y participent.»
Pour lui, la Maison est un lieu pour que les jeunes apprennent à s’impliquer dans la société.
«Une maison des jeunes, c’est un peu une école de la vie. C’est donc important de soutenir ces activités-là.»

«J’encourage les jeunes à venir»
Qu’en est-il des jeunes qui fréquentent les lieux en 2025? Le Val-Ouest en a rencontré deux.
«Je n’avais jamais vraiment entendu parler de la maison des jeunes avant que je commence à y aller avec mes amis», dévoile la racinoise Félicia Lachapelle. Elle dit apprécier le fait que L’Initiative organise beaucoup d’activités qui sont abordables.
Viviane Jeanson vante elle aussi les mérites de la Maison. «C’est un lieu de rencontre animé qui nous permet de réaliser des projets. Si tu as besoin de décompresser après une journée, eh bien tu peux faire ça ici. Et les animateurs sont super le fun!»
Celle-ci apprécie tellement l’organisme qu’elle a choisi de s’impliquer au sein du comité des jeunes et du conseil d’administration.
«À chaque fois que j’en ai l’opportunité, je parle de la Maison des jeunes à mon entourage. J’encourage les jeunes à venir. Je leur dis toutes les activités qu’on peut faire et qu’on est en train d’organiser. C’est vraiment un lieu amusant et animé.»

La santé mentale des jeunes, un défi
Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils différents de ceux d’il y a quelques décennies. L’animatrice Chantal David croit que non. «De mon point de vue, un adolescent reste un adolescent. Avec ses défis vis-à-vis de l’école, de sa famille, de son identité, etc.» Ce à quoi elle s’empresse d’ajouter : «Mais c’est vrai que les jeunes vont beaucoup moins jouer dehors. La santé mentale occupe aussi une grande place. Ce qu’on ne voyait peut-être pas à l’époque.»
Van Martina fait le même constat.
«On ne peut pas passer sous silence les impacts qu’aura eus la pandémie. Il y a une ligne à tracer entre avant et après. Pour tout ce qui touche aux enjeux de santé mentale comme l’anxiété, entre autres.»
Que souhaiter pour l’avenir?
Que souhaitent toutes ces personnes pour la Maison des jeunes de Valcourt?
Marilou Foisy identifie l’amélioration des conditions des travailleuses et travailleurs. «Ce sont des personnes qui, par leur créativité, leur rigueur et leur amour, portent la Maison des jeunes. Ils et elles sont la clé de ce qu’elle est devenue aujourd’hui. C’est primordial de pouvoir garder du bon personnel.»
Patrice Desmarais souligne aussi l’importance des hommes et des femmes qui s’impliquent. «Je veux les féliciter pour ce qu’ils accomplissent avec nos jeunes. Ils font un très bon travail.»
Pierre Tétrault, lui, espère que la Maison des jeunes soit encore là pour plusieurs années. «On pourrait peut-être un jour fêter le 100e anniversaire», glisse-t-il.
Félicia Lachapelle, de son côté, pense à celles et ceux qui viendront après elle.
«Mon souhait serait que ça continue encore 40 ans. Pour que d’autres jeunes s’amusent ici autant que moi.»
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