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Vouloir rattraper le temps qui a fui. Entreprendre des travaux dans le dernier droit d’une saison qui s’étiole, trop longtemps privée d’eau. L’automne est là tout près et je n’ai toujours pas isolé le sous-sol comme me le prescrit le programme d’Hydro-Québec depuis quelques années déjà. Pourquoi maintenant ? Je ne sais pas. La chaleur accablante me pèse. Tiens, j’en profiterai pour travailler au frais. La cave c’est l’idéal. Et l’hiver venu, je profiterai du plancher plus chaud. Près de trois semaines d’un travail épuisant auront été nécessaires. Je sous-estime toujours l’ampleur d’un chantier projeté. Stratégie inconsciente pour goûter la satisfaction devant l’œuvre accomplie ? Allez savoir.

Mais voilà qu’une silencieuse infiltration d’eau de pluie est détectée. Il faut ouvrir le mur pour constater les ravages. Nous aurons besoin d’échafaudages, il faudra déplacer les fougères et espérer le beau temps. Une semaine y sera consacrée, entrecoupée d’une bonne ondée qui a forcé la mise sur pause des travaux pendant deux jours. Pourquoi cette pluie maintenant, au moment le plus inopportun ? Jamais content…

Il faut aussi impérativement régler le problème de la conduite d’eau entre le puits et le bâtiment. Depuis deux mois, il est alimenté par un boyau d’arrosage. Nous espérions toujours voir apparaître une nappe d’eau qui nous révélerait l’endroit de la fuite. Nous ne pouvons plus attendre, l’automne est à nos portes. La décision est prise, je passerai une nouvelle ligne sur plus de cinq cents pieds. Après deux jours de travail incluant l’excavation, la situation est améliorée, mais il y a toujours baisse de pression, moindre mais réelle. Ne reste plus que le passage de la paroi de pierre du puits pour expliquer la fuite. Nous gardions cette intervention pour la fin espérant en faire l’économie. Opération délicate en perspective. C’est un très vieux puits ! Centenaire peut-être.

Pourquoi tous ces chantiers en même temps ? Pourquoi cet été ? Plus jeune, beaucoup plus jeune, je considérais que si le résultat de travaux avait une espérance de vie de dix ans, c’était beaucoup. Avec l’amélioration des matériaux, des techniques et méthodes de construction, cette durée a doublé si bien qu’on en oublie que ce sera inévitablement à refaire un jour. Effectivement, sans prévenir, le passage du temps se charge de nous le rappeler. Mais pourquoi cette soudaine cumulation des rappels, moi qui espérais une fin d’été en douceur ? Décidément, c’est un été à oublier.

Les coloris ont soudainement fait leur apparition. Qu’importe mes soucis matériels ! Je me laisse porter par la douceur automnale qui s’installe. J’en oublie les canicules passées et me plais à savourer le velouté du temps qui m’enveloppe. Par un matin brumeux, le soleil s’est levé tout délicatement, évitant de brusquer la nature. Il a poussé lentement ses rayons à travers fleurs et buttes, feuilles et branches, pointant du bout de ses pics lumineux qui une roche, qui un oiseau, jusqu’à faire jaillir un voilier de bernaches et piailler les corneilles. Un moment béni qui réconcilie avec la vie et ses misères.

Regarder en avant plutôt que de regretter le passé. Plus facile à dire qu’à vivre quand les ans s’accumulent et qu’inévitablement décline l’énergie. Plus facile de craindre le pire que d’anticiper le meilleur quand explosent l’univers des technologies et leurs méfaits. Plus facile de se méfier quand se diversifient tant les supports que les réseaux de communication au point qu’on ne sait plus trop en garder le contrôle. Plus facile de s’inquiéter quand plane la menace dictatoriale de l’autre côté de la frontière. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits, c’est tout dire.

Et pourtant ! Et pourtant, je reprendrai demain mon bâton de marche. Je ne serai plus dans le peloton de tête de ceux qui construisent l’avenir, mais je suivrai le mouvement tant que j’en aurai la capacité. Pour critiquer sans doute, on ne change pas à mon âge, mais aussi pour apporter ma contribution tant que je le pourrai et qu’on voudra bien me laisser voix au chapitre.

Jean-Claude, mon vieil ami, me disait récemment qu’à ses yeux j’étais un homme d’action. Sans doute le disait-il en opposition à la perception qu’il a de lui-même, soit celle d’un homme de réflexion. Cette complémentarité aura certainement nourri notre amitié. Sa posture me fait un peu envie. Le vieil âge se prête davantage à la réflexion qu’à l’action tous azimuts. J’y travaille !

C’est ainsi que je m’emploie à me convaincre que les conflits de générations ont toujours existé. Que les changements bousculent le confort des habitudes de manière d’autant plus dérangeante qu’on s’y est installé depuis longtemps. Ce constat me fait réaliser à quel point le passage des générations joue un rôle déterminant dans la grande mécanique de l’évolution. Mais je n’arrive toujours pas à comprendre la fonction de la bêtise et de la méchanceté humaines dans ce devenir qui nous échappe et nous dépasse.

Lire la chronique précédente :

1 commentaire

  • Quelle belle réflexion/ expérience partagée avec humilité, et sagesse!

    M. Carbonneau, souvent en vous lisant, je « tombe » dans un sentiment de nostalgie, souvenirs de ces lieux de rencontre/échange … d’avant! Avant?? Juste qq temps en fait, en tout cas dans mon ♥️… Comme j’aurais aimé recréer ces rendez-vous de partage citoyen, communautaire, mais bon ! « À quoi bon » après plusieurs années de tentatives!!??… J’ai donné comme on dit!
    Nostalgies?? Que des plus forts agissent…si telle est votre volonté bien entendu!!
    La vie est belle quand même… tout comme la nature dans ce magnifique et majestueux automne m’émerveille!

    Merci beaucoup M. Carbonneau!
    Vous faites partie des personnes inspirantes ! Vous êtes dans mes gratitudes … Action de grâce!! 🙏

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