Sensibilité féminine ? Sensibilité des faibles ? Sensibilité négative ? Sensibilité contre-productive ? Elle a droit à tous les qualificatifs, toutes les critiques, toutes les formes de rejet. Est-ce un signe des temps ? Le mot m’habite depuis un bon moment et le décès de François, le pape, l’a en quelque sorte ramené sous les projecteurs.
Malgré la résistance des membres les plus conservateurs du Collège des cardinaux, les prises de position et nombre des actions du pape François donnent à croire qu’il éprouvait de l’empathie notamment à l’endroit des plus démunis et des victimes de la guerre. À l’opposé, dans le cas du président Donald, du premier ministre Netanyahu et des dictateurs Poutine ou Xi Jinping, difficile de trouver quelque expression d’empathie. De la sympathie, peut-être, encore qu’on puisse en douter. À tout le moins tiennent-ils des propos qui pourraient donner à le penser. C’est par exemple le cas lorsque leurs fonctions les y obligent comme à l’occasion de funérailles ! À la différence de cette sympathie de circonstance, l’empathie touche la sensibilité à l’autre dans une communion au vécu et au ressenti de l’autre.
Après des décennies à reconnaître et souligner les bienfaits de l’empathie, voilà qu’elle est sérieusement remise en question par les despotes de ce monde. Comment pouvez-vous faire la guerre à vos voisins, envahir leur territoire, vous approprier leurs richesses naturelles, les priver de liberté ou encore abolir un organisme d’aide humanitaire comme USAID si vous êtes le moindrement sensible à leur vécu, leur culture, leurs croyances, leurs valeurs, leur humanité ? Que le concept soit tabou dans le monde des affaires, passe encore. Il faut bien réaliser des profits, dépasser la concurrence, l’écraser s’il le faut. Musk a compris cela de même que Besos et Trump et combien d’autres sans le clamer haut et fort. Paradoxalement, les grands courants religieux dont la finalité est d’injecter un peu d’humanité à notre civilisation n’échappent pourtant pas à la règle. Une droite religieuse américaine, toute chrétienne qu’elle se prétende, estime contraire à ses préceptes moraux l’accueil en ses rangs des « déviants » sexuels ou encore d’immigrants soi-disant criminels. Et ailleurs dans le monde, une multitude de courants religieux imposent des pratiques et comportements peu empathiques notamment à l’endroit des femmes. Les religions ne sont pas à l’abri des contradictions.
Les propos récents d’Elon Musk trahissent bien son appartenance à la culture guerrière du monde des affaires. Concurrence oblige. Peut-il pour autant croire ses stratégies transposables à l’univers politique ? Et comment peut-il affirmer que « la faiblesse fondamentale de la civilisation occidentale est l’empathie »? Plusieurs autres voix s’élèvent pour affirmer le contraire.
À l’opposé, Gustave M. Gilbert, psychologue américain qui s’est penché sur le cas des dirigeants nazis a écrit ceci : « J’étais à la recherche de la nature du Mal. Je crois que ce qui le définit plus est ceci : le manque d’empathie. Il s’agit de la caractéristique qui relie tous les accusés. Une véritable incapacité de se mettre à la place d’autrui. Le Mal, je crois, est l’absence d’empathie. »
Sur un autre registre et selon les courants de pensée, l’empathie est tantôt vue comme étant innée et tantôt comme étant apprise. L’empathie maternelle est généralement considérée innée. Celle d’intervenantes en soin de santé, d’enseignantes, ou de personnes œuvrant en relation d’aide peut être acquise ou enrichie par la formation. Je ne saurais trancher la question. Je m’interroge toutefois sur ce qui a pu amener cet humain dérapage. Comment est-on passé d’un comportement inné devant assurer la survie de l’espèce à des comportements d’asservissement de ses semblables ?
Difficile de comprendre ce besoin absurde de dominer, de contrôler, d’asservir chez trop de nos congénères, aussi bien d’extrême gauche que d’extrême droite. La vie est un combat. L’expression est bien connue, usée même. L’ennui c’est que trop de matamores la prennent au pied de la lettre. Dans mon esprit, elle ne fait véritablement sens que dans la mesure où elle s’applique à soi. D’abord apprendre à vivre, à respirer dès la naissance, puis à monter l’escalier de la croissance, à survivre dans un univers aux mille défis et surprises, aux mille échecs et rebonds. Pour le reste, je préfère la comparer soit à une course pour les esprits compétitifs, soit à un voyage vers sa propre découverte, pour les esprits plus introspectifs ou vers la découverte de l’autre, pour les plus sensibles à leur environnement humain.
Pour l’heur, et à défaut de mieux, devrais-je mettre mon espoir dans l’intelligence artificielle pour sortir l’humanité de ce cul-de-sac où l’on ne sait plus très bien distinguer le vrai du faux, le bien du mal, l’espoir de l’utopie ?
Les jonquilles ont fleuri, les bourgeons éclatent aux arbres, les poules, les canards et les oies jacassent, je garde espoir !
Un avis au sujet de « L’empathie mise à mal »
Quel texte réflexif et significatif! Merci pour cet appel à l’introspection profonde afin de s’aider soi-même,,humain incompréhensible…
Empathie: effectivement un mot appris dans ma formation en relation d’aide , conseillère en orientation, à 40 ans! Quel mot débordant d’Amour… vivons-le! Merci encore M. Carbonneau!