J’ai écrit ce texte cet hiver. Je me suis refusé de le publier. Je trouvais qu’il ne tenait pas la promesse de son titre beaucoup trop ambitieux. Je l’ai mis de côté, il retontissait à tout bout de champ. Je le relisais : non, trop mince, trop pâle. Je m’enfargeais dedans, il insistait. Je me suis dit : avec un sujet infini, dire peu, c’est peut-être assez… J’ai décidé de vous le présenter pour qu’il arrête de m’achaler.
Cette semaine, j’ai accepté de faire le guide pour une randonnée en raquettes dans la forêt derrière chez nous avec les enfants de la maternelle.
À l’heure convenue, je suis allé les attendre au bord de la patinoire. Au-dessus d’un banc de neige, là-bas, dans la cour d’école, j’ai aperçu des tuques gigoter. Je savais que c’était eux en train de se préparer.
J’allais me retrouver devant un groupe d’enfants pour la première fois depuis six mois. Mon sevrage se passait bien, mais l’idée de reprendre une position aussi connue déclenchait un genre de rush qui m’enivrait. J’étais un peu nerveux aussi. Je suis allé vers eux.
C’est revenu, comme la bicyclette!
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J’aime imaginer un temps rêvé où nous découvririons le mot amour, l’entendrions pour la première fois. Et que tout s’éclaire. Que sa puissance sémantique nous fasse tout comprendre. Comme cette phrase de John Lennon –All you need is love– qui dit tout. J’aime imaginer un esprit sourd à toutes théories psychologisantes entendre le mot amour et s’apaiser. J’aime rêver qu’on emploie le mot amour sans vouloir « faire bien », sans vouloir influencer, simplement, avec sincérité.
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J’aime les enfants. Ma réponse fut courte. La question était venue à la fin de mon entrevue, on voulait connaître mes qualités en vue du poste d’enseignant au préscolaire à Racine en 1997. Plus tôt, j’avais dû prononcer les grands mots pédagogiques qu’on m’avait appris à l’université et qu’il faut dire, développer les belles idées qu’on veut entendre, je ne m’en souviens pas vraiment. Mais cette petite phrase, banale et convenue, je sais que je l’ai dite. Je ne sais pas si elle a fait la différence ou si ce sont mes vertueuses intentions éducatives, mais j’ai vu dans le regard de cette femme, qui allait devenir ma directrice, qu’elle comprenait, qu’elle allait, elle aussi, me faire confiance. J’ai senti un lien.
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Assis dans la neige, les raquettes en l’air, on s’est retrouvés dans un coin de la forêt. J’avais apporté du chocolat chaud qu’on laissait refroidir dans des gobelets serrés délicatement entre nos grosses mitaines. On riait, ça jasait, ça dégustait. On échangeait. Je ne connaissais pas ces enfants 30 minutes plus tôt. Déjà, je les aimais.
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Je ne tiens rien cette semaine. Le sujet me glisse entre les doigts. Il est beaucoup trop vaste. Je ne sais même pas ce que je veux dire exactement à propos de l’amour.
On entend souvent dire, en éducation, que l’amour ne suffit pas. Moi, je crois que l’amour fait une pas mal grosse différence. Sinon, toute la différence.
Parce que l’amour apaise, l’amour enseigne.
L’amour guide.
C’est outrageusement non pédagogique ce que je dis là, ça sonne biblique ou messianique, quasiment complotiste. C’est plus simple que ça, plus ordinaire. Mais je ne sais pas comment le dire.
C’est le mieux que je peux faire aujourd’hui.
Je ne suis pas John Lennon.
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J’ai laissé les enfants au bord de la patinoire, les ai regardés franchir le banc de neige jusqu’à la dernière tuque. Je ne les ai pas suivis.
Ils connaissaient le chemin.
2 avis au sujet de « Les enfants et moi – L’amour »
Aimer! Amour! Tout est dit! Un ressenti qui change, changerait…totalement toute la vie sur notre planète!
Merci de le transmettre à nos enfants, futurs dirigeants!! … Un monde meilleur se construit doucement…
Merci de partager ces beaux moments d’amour!