Le Val-Ouest

Ma quête de l’ours

Il y a deux ans, j’ai décidé de consacrer dix jours de mes vacances à une expédition en solo dans une réserve faunique, avec un objectif bien précis : photographier un ours noir.

L’origine du projet

Cette idée a germé au fil de mon immersion dans la photographie animalière. Très vite, j’ai compris que certains animaux souffrent d’une mauvaise réputation, souvent infondée. L’ours noir du Québec, par exemple, est perçu comme un animal dangereux, imprévisible, prêt à charger au moindre regard. Certains vont même jusqu’à dire qu’il peut se nourrir d’humains…

Je voulais aller au-delà des clichés, voir par moi-même. Je voulais le rencontrer, comprendre son comportement et, si la chance me souriait, l’immortaliser en image.

La préparation

Trois mois avant le départ, je me mets en ordre de bataille. J’imprime des cartes topographiques et étudie minutieusement la zone : je trace des itinéraires potentiels, repère les endroits les plus propices aux rencontres. Je consulte les bases de données naturalistes, lis des récits d’observation, analyse la végétation et l’accès aux sources d’eau – des éléments essentiels pour espérer croiser un ours.

En parallèle, je poursuis mon entraînement physique. Beaucoup sous-estiment l’exigence de la photographie animalière, mais c’est un véritable sport d’endurance : marcher des kilomètres avec un sac chargé de matériel, se lever bien avant le soleil, se coucher après lui, répéter l’opération chaque jour… Ce type d’expédition n’a rien de reposant. Et au-delà de l’effort physique, il faut aussi savoir attendre. Supporter le froid, la chaleur, les moustiques. Accepter l’inconfort sans aucune garantie de récompense.

Dans mon bureau, j’affiche une grande carte sur le mur. Chaque jour, je l’observe, j’y ajoute des annotations. Je veux que ce territoire devienne familier avant même d’y poser le pied.

L’expédition

Dès le premier jour, l’excitation est à son comble. Sur mon secteur principal, je découvre de nombreuses traces : crottes, empreintes dans la boue, griffures sur les arbres… L’ours est là, quelque part. Il ne me reste plus qu’à revenir au bon moment pour le rencontrer.

Mais les jours passent, et l’enthousiasme des débuts laisse place à la frustration. Les autres zones que j’explore ne révèlent aucun indice. Je retourne sur mon site favori, persuadé qu’il finira par m’offrir une rencontre. Rien. Pas un ours, pas une seule trace fraîche. Comme si la forêt avait effacé sa présence.

Dix jours à poursuivre un fantôme dans l’immensité boréale.

Dix jours d’attente. D’espoir. D’observation.

Je vis au rythme des animaux. Je me lève avec le soleil, pars en quête d’images, fais une sieste quand la lumière devient trop forte, repars explorer à la tombée du jour. Tout ralentit. J’attends un être qui ne viendra peut-être jamais. Parfois, pour tromper l’impatience, j’écoute un peu de musique, juste assez pour apaiser mon esprit sans rompre le lien avec la nature.

Heureusement, la forêt réserve toujours des surprises. Un matin, un porc-épic croise ma route. Son allure maladroite, son indifférence à ma présence m’arrachent un sourire. Ce n’est pas l’ours que j’étais venu chercher, mais c’est un moment privilégié, un instant suspendu.

Une leçon dhumilité

En photographie animalière éthique, il faut accepter l’idée de rentrer bredouille. Je refuse d’utiliser des appâts ou de provoquer une rencontre au détriment du bien-être de l’animal. Si je pense risquer de le déranger, je préfère ne pas déclencher l’appareil, quitte à repartir sans image.

Ce voyage m’a rappelé une chose essentielle : la nature a toujours le dernier mot. Peu importe la préparation, l’effort, l’attente – c’est elle qui décide.
Et c’est peut-être ça, la vraie beauté de l’aventure.

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