photo : gracieuseté
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La modernisation du système de consigne fait sentir ses impacts jusqu’au cœur du village de Racine, en Estrie. Pour les propriétaires du magasin général et dépanneur La Potinerie, ces nouvelles règles riment avec une perte de revenus, une diminution de services pour les citoyens et la fin de dons monétaires à l’école primaire de la localité.

«L’acceptation des consignes est un enjeu d’affaires et d’achalandage. Le changement qui s’en vient menace la survie de notre commerce», fait savoir Nicolas Turcotte, l’un des copropriétaires de La Potinerie.

La clientèle bientôt dirigée vers Valcourt

Ce changement en question, c’est la mise en place, au IGA Marché Ouimette, situé dans la ville voisine de Valcourt, d’un «kiosque». C’est-à-dire une installation extérieure munie de récupératrices automatisées. Les citoyens seront invités à y déposer leurs contenants de boisson consignés.

Ce kiosque devrait être installé dans l’aire de stationnement du supermarché lorsque celui-ci aura obtenu les autorisations nécessaires de la Ville de Valcourt. Dès que qu’il sera en place, au cours de l’année 2025, La Potinerie ne pourra plus recueillir les contenants et devra obligatoirement diriger la clientèle vers Valcourt.

Nicolas Turcotte, copropriétaire de La Potinerie, située à Racine, souhaite que son commerce ait la possibilité de continuer à recueillir les contenants consignés. Malgré l’installation prochaine d’un kiosque dans la ville voisine de Valcourt.  (crédit photo : La Potinerie)

Nicolas Turcotte tient à souligner que les propriétaires du IGA ne sont nullement à blâmer dans ce dossier. «C’est Consignaction qui choisit l’emplacement pour la région et non le IGA.»

Ce que confirme la copropriétaire du supermarché, Sandra Ouimette.

«Consignaction nous a contacté pour que nous devenions un lieu de retour pour la région, compte tenu de la superficie de notre commerce. Nous nous conformons ainsi à cette obligation légale. Comme les autres, je souhaite moi aussi que les gens fréquentent nos commerces locaux plutôt que d’aller à Granby ou Sherbrooke», exprime-t-elle.

Un commerce «volontaire» depuis 2023

Depuis des mois, les propriétaires du commerce racinois ont multiplié des démarches pour qu’une exception s’applique à leur cas. En vain.

Lors du déploiement de la première phase de cette modernisation, le 1er novembre 2023, certains commerçants avaient la possibilité de signer une entente avec le responsable de ce grand chantier : l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB). Également connue sous le nom Consignaction. Un choix qu’a fait le dépanneur de Racine.

«Nous avons offert aux détaillants qui n’étaient pas visés par le règlement l’opportunité de continuer à reprendre les contenants de façon volontaire. La Potinerie à Racine a décidé de se prévaloir de cette opportunité », confirme Annie Jolicoeur, porte-parole de l’AQRCB.

Cette situation prendra fin avec l’installation du kiosque à Valcourt, qui sera le seul lieu désigné aux alentours.

Un «lieu de retour» à moins de 15 minutes

Selon le règlement, un lieu de retour doit se trouver à une distance raisonnable. Ce qui, dans cette région où la population est inférieure à 3000 habitants, signifie la mise en place d’un lieu dans un rayon de 5 kilomètres. Selon Consignaction, «il est prévu que 90 % de la population québécoise aura accès à un lieu de retour en 15 minutes ou moins.»

Consignaction publie d’ailleurs une carte pour permettre aux gens de trouver le lieu le plus proche de chez eux. Au moment de publier cet article, La Potinerie y est listée.

Carte des lieux de retour pour les consignes dans la région du Val-Saint-François.  (image : Consignaction)

Une entente «provisoire et temporaire»

Bien que ce magasin général soit désigné comme «détaillant non-visé » par le Règlement, compte tenu de sa petite taille, il devra tout de même s’y conformer. «Cette entente [de 2023] était provisoire et temporaire», informe Annie Jolicoeur.

Malgré ces balises règlementaires, les copropriétaires du dépanneur souhaitent tout de même faire valoir leur situation particulière.

«Nous sommes à la limite du rayon d’action du lieu de collecte permanent qui sera situé à Valcourt. Si nous étions situés quelques mètres plus loin, dans le village de Racine, nous serions en mesure d’avoir un lieu permanent», croit Nicolas Turcotte.

Source importante de revenus

Le copropriétaire confie que cette collecte est une source de revenu appréciable pour sa petite entreprise.

«Nous générons déjà un volume très important de contenants consignés. De même, nous sommes une agence de la SAQ en forte croissance. Nous ramassons environ 800 000 contenants par année. C’est-à-dire des cannettes et des bouteilles de bière. Si nous avions la possibilité de poursuivre, nous estimons que nous pourrions en collecter 2 millions, avec l’élargissement de la consigne. Ce qui serait possible, car nous avons l’espace pour aménager un lieu permanent», souligne-t-il.

L’entrepreneur signale que l’agrandissement prochain du parc du Mont-Orford, sur le territoire de Racine, amènera une augmentation importante de l’achalandage au village et par le fait même à son commerce. Ce qui, croit-il, est un autre argument favorable pour le maintien d’une consigne dans son établissement.

La Potinerie estime ramasser environ 800 000 contenants par année. Un chiffre qui pourrait grimper jusqu’à 2 million, en raison de l’élargissement de la consigne. Ce qui correspond, selon les propriétaires, à une importante source de revenu. Mise en péril lors de l’ouverture du kiosque à Valcourt.  (crédit photo : La Potinerie)

«On vient nous tirer dans le pied»

Nicolas Turcotte croit que d’installer une affiche dans son commerce pour diriger la clientèle à l’extérieur de Racine serait nuisible.

«Les clients n’iront pas seulement à Valcourt. Certains se dirigeront vers Sherbrooke pour porter leurs contenants. Ils vont alors peut-être en profiter pour aller faire leurs achats dans une grande surface. Ça va à l’encontre du désir du gouvernement d’encourager l’achat local et les commerce de proximité. On vient un peu de nous tirer dans le pied.»

La Potinerie est géré par deux familles qui habitent à Racine.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Fin des dons à l’école primaire

Le commerçant souligne qu’il remet une partie des fonds récoltés par la consigne à l’école primaire Notre-Dame-de-Montjoie, située dans sa localité.

«Il y a des gens qui nous laissent leurs cannettes, sans récupérer la consigne. Depuis environ 15 ans, nous amassons cet argent pour ensuite faire un don, avec lequel l’école achète du matériel. Nous leur remettons entre 500 $ et 1000 $ par année. C’est un mécanisme de charité qui est volontairement utilisé par plusieurs personnes de la région.»

Chaque année, La Potinerie remet entre 500 $ et 1000 $ à l’école primaire avec les montants de la consigne non réclamés par la clientèle. Un mécanisme volontaire de charité établi depuis environ 15 ans dans cette localité estrienne.  (photo : Centre de services scolaire des Sommets)

Des enjeux environnementaux

Les questions écologiques le préoccupent aussi. «Je comprends que Consignaction souhaite minimiser le nombre d’endroits où venir récupérer les contenants. Mais ce sera environ 500 déplacements aller-retour en voiture, de mes clients, pour aller vers Valcourt ou les grands centres. Plutôt que de venir dans un lieu près de chez eux.»

Il rappelle aussi que la communauté racinoise s’est démarquée, au niveau provincial, en démarrant, il y a une dizaine d’années, un projet environnemental de récupération du verre appelé Opération Verre-Vert. Qui s’est ensuite étendu sur l’ensemble du territoire de la MRC du Val-Saint-François.

La communauté racinoise est sensibilisée depuis longtemps à la récupération. Elle a été parmi les premières au Québec à installer des conteneurs pour récupérer le verre.  (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Objectif : 90 % de récupération

Rappelons que le système de consigne québécois a été mis sur pied en 1984. En 2022, le gouvernement du Québec a adopté un règlement pour moderniser ce système. Le déploiement, sous l’égide de Consignaction, comprend trois phases qui s’échelonnent jusqu’en 2027 (voir image ci-dessous).

Avec ces changements, le gouvernement vise l’atteinte d’un taux de récupération des contenants de boissons consignés à 90 % d’ici 2032.

Source : Consignaction

 

À LIRE AUSSI dans Le Val-Ouest :

Élargissement du système de consigne dès le 1er mars  (communiqué – février 2025)

Suspension du projet de gymnase pour l’école primaire à Racine : «c’est inacceptable» (février 2025)

La municipalité de Racine pourra à nouveau s’approvisionner au dépanneur (janvier 2024)

Deux familles ont pris la relève du magasin général de Racine (août 2023)

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1 commentaire

  • Ce que je lis me déçois vraiment. Si, au lieu d’instaurer ces balises règlementaires avec des chiffres purs et durs on étudiait la dynamique de cet endroit, le dépanneur de Racine, on conviendrait de leur laisser le droit de prendre les consignes.

    Je soutiens pleinement les propos de Nicolas Turcotte.

    Le dépanneur est situé à la jonction de deux routes provinciales où il y énormément de va-et-viens. Beaucoup d’achalandage de gens qui sont de passage aussi.
    Et c’est vrai qu’on ne se rend pas toujours à Valcourt pour déposer nos consignes. Si on enlève ce droit au dépanneur, ce sont les commerces extérieurs qui en tireront profit.

    Et il y a aussi le côté communautaire des consignes non-réclamées qui sont redistribuées à l’école primaire. Brimer une aide à la communauté…

    Somme toute, cette décision est une incohérence à une dynamique d’un village car cela brise un service à la population et une entraide communautaire; une contradiction à encourager les commerçant locaux.

    J’espère que les décideurs de Consignaction sauront reviser leur décision.

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