Le Val-Ouest

Vivre seul, loin de tout, le paradis selon moi

À la fin de l’hiver dernier, j’ai passé 7 jours dans un refuge sans eau, sans électricité et sans internet. Installé au pied des montagnes, le village le plus proche était à une vingtaine de kilomètres. Seul au milieu de nulle part, je ne pouvais compter que sur moi-même et ça pour moi, c’est la définition de liberté.

La préparation

7 jours en totale autonomie ça demande quand même une petite organisation. Pour l’eau je ne me fais pas de soucis, il y a beaucoup de neige, et même si elle commençait à fondre, j’avais toujours le lac juste à côté. Le plus compliqué, c’est le matériel photo, la nourriture et de quoi avoir chaud quand je suis dehors en affût.

Le refuge

Le refuge où j’ai passé 7 jours se trouve dans Charlevoix, au pied du mont des Morios, le refuge Boudreault. Un endroit magique et isolé. Un petit chalet de bois rond, au milieu de la forêt boréale, que demander de plus. 2 étages, celui du haut sert principalement de chambre et en bas, on retrouve une petite cuisine rudimentaire, un poêle à bois, une table et des banquettes. Les toilettes (bécosses) sont à l’extérieur.

Le grand départ

J’essaie de partir tôt de la maison. J’en ai pour environ 4 heures, 4 heures et demie, plus ensuite le temps de marche. Me voilà enfin arrivé à mon point de départ. Je vais abandonner le confort et la chaleur de ma voiture pour enfiler mes sacs, mes raquettes et ce sera le début de l’aventure. Je mange mon petit casse-croûte. C’est vrai qu’après la route, j’avais faim! J’ai tout ce qu’il faut sur moi, je pars!

Étrangement, je n’étais pas très excité à l’idée de partir. Je savais que les 8 kilomètres allaient être difficiles. J’avais environ 30 kilogrammes (environ 65 livres) de matériel sur le dos (matériel photo, nourritures, vêtements, harmonica, livre, etc.), les raquettes au pied et la neige étaient en train de fondre. C’était aussi la première fois que je partais aussi longtemps tout seul et autant isolé. Je me sentais un peu stressé. C’était mi-avril. Dommage pour moi, mais c’étaient les seules dates où j’avais la chance de pouvoir partir. Pas grave, je vais composer avec.

Me voilà fin prêt. Et je commençais avec, une méchante montée, il est 14 h et j’estime en avoir pour 4-5 heures au maximum. Je ne devrais pas finir à la lampe frontale. Finalement les 7 premiers kilomètres se font facilement. Je me sentais en bonne forme, je marchais avec entrain, et j’ai réussi à les avaler en 2 heures. J’étais vraiment content d’être là. Le ciel était bleu et complètement dégagé, le soleil me gardait au chaud et je pouvais marcher avec juste mon chandail à manche longue. Ma confiance était gonflée à bloc, rien ne pouvait m’arrêter…

 

Dernier kilomètre

Et bien le dernier kilomètre en avait décidé autrement. Pour me rendre au chalet, je devais quitter le sentier principal quand même très utilisé et donc bien tapé pour aller sur un sentier qui, je pense, n’a jamais été utilisé de l’hiver. À peine les premiers pas effectués, je savais que j’allais passer un sacré bout de temps à me battre avec ce sentier.

Jamais de ma vie, je n’avais eu autant de troubles sur un sentier. Il m’aura fallu 3 heures et demie pour parcourir 900 mètres. Je commençais par m’enfoncer, jusqu’aux genoux pour commencer, et plus j’avançais sur le sentier, plus je m’enfonçais profondément. Parfois jusqu’à 1 mètre 50, ce qui m’obligeait à enlever mes sacs, creuser autour de moi pour sortir de mon trou.

Un minimum d’équipement pour survivre

Le gros problème auquel je faisais face était, selon moi, dû au poids. Je décide donc de ne garder qu’un de mes sacs, le plus léger, avec un minimum d’équipement pour survivre en cas de problème, et de me diriger jusqu’au chalet. J’en profiterais pour taper le sentier et ensuite quand je retournerais chercher mon gros sac, le sentier serait plus praticable. En théorie c’était une bonne idée. Sauf au moment où une de mes raquettes a brisé.

À force de chuter et de passer au travers de la neige, le devant de la raquette a brisé en deux, la rendant complètement inutile. Pas grave, mon objectif est fixé, je dois arriver au refuge. J’enlève donc la raquette, la fixe sur mon sac à dos et continue ma route. En avançant vers le refuge, j’essaie de taper au maximum la neige, mais ça va faire déjà une heure que je me bats dans la neige, je n’ai plus de force dans les jambes. J’avance en espérant voir le chalet à chaque virage. Je transpire à grosse goutte, je n’ai plus d’eau, je suis trempé, j’arrive à avoir chaud et froid en même temps.

Pas de refuge en vue

Le calvaire continue. Toujours pas de refuge en vue, le bonhomme fatigue de plus en plus, la lumière diminue petit à petit et la lutte constante contre la neige qui m’engloutit m’épuise très très vite. Soudain, je le vois au loin, le petit panneau rouge qui indique le refuge boudreault, il est à 200 mètres. Ce qui veut dire que j’ai 200 mètres à parcourir pour déposer mon premier sac. Mais il va falloir refaire le chemin pour aller chercher mon deuxième sac.

 

Finalement, j’arrive au refuge, je dépose mon sac, je démarre le feu pour réchauffer la bâtisse. Je prends un peu de neige et je forme un bâtonnet pour pouvoir boire un peu. Ensuite je vais chercher de la neige que je vais mettre à fondre sur le poêle pour avoir de l’eau en arrivant. Et me voilà, reparti sur le sentier pour aller chercher mon gros sac.

Grâce à mon calvaire précédent, le chemin sera moins pire. Je ne dis pas que c’était mieux, c’était moins pire. Je vais lutter et j’arriverai au refuge exténué, mais tellement heureux d’avoir réussi et de m’être rendu. Je me sens fier.

Le temps de reprendre mon souffle, je laisse l’adrénaline redescendre et je réalise enfin où je suis et la chance que j’ai de pouvoir vivre ça.

La vie au chalet

J’arriverai à temps pour avoir le temps d’apprécier le coucher de soleil en buvant un bon gin au bord du feu. Seul au milieu du bois, au pied de la montagne. En regardant le soleil partir au loin, les larmes vont monter. Des larmes de bonheur et de reconnaissance.

Cette soirée fut magique. Un coucher de soleil en arrière d’une magnifique montagne, un petit groupe de juncos est venu chanter juste devant la porte du refuge, un repas chaud, le bruit du feu qui craque dans le poêle, du pur bonheur.

Dans la soirée je rencontrerais mon colocataire pour les sept prochains jours. Un petit suisse qui connaît bien la bâtisse. Je lui laisse l’étage du haut, il fait trop chaud pour moi, je préfère me coucher en bas juste devant la fenêtre qui donne sur la montagne à l’ouest. Je me couche et me réveille avec cette vue! Je vois les épinettes qui se détachent de la surface de la montagne, j’entends le vent dans leurs branches, je peux voir les nuages et je vois tout ça défiler devant mes yeux.

Comme la bâtisse est très vieille, il y a un peu d’air frais qui passe, c’est parfait. Je suis au chaud dans mon duvet et je sens l’air de dehors qui me caresse la face. C’est encore mieux que la télévision!

Vivre au rythme de la nature

Je me sens à ma place ici, au milieu de la forêt. Je passerais les 7 prochains jours à vivre au rythme de la nature, me levant tôt le matin pour aller sur le sentier et essayer de rencontrer la faune locale. L’après-midi j’en profite pour faire une sieste, préparer mon petit bois, me faire une petite douche dans la rivière qui se trouve un peu plus bas, et le soir avant le coucher de soleil, je retourne dehors pour profiter de la belle lumière.

La vie est plus simple en nature selon moi. Mes besoins sont simples. Dormir au chaud, avoir de l’eau, voir la vie, manger. C’est demandant physiquement, mais ma tête est seulement concentrée sur une tâche à la fois. Le temps est long et c’est une bonne chose!

On se voit dehors!
Thibaud

www.thibaudmarque.com

Lire la chronique précédente :

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