Vallée du Moulin : cultiver des figues bio avec une nouvelle technologie

photo : Sébastien Michon - Le Val-Ouest

Sébastien Michon / Initiative de journalisme local

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La Vallée du Moulin continue d’innover. Ce producteur de figues biologiques du Canton de Melbourne, en Estrie, opte pour une nouvelle technologie. Ce projet, appuyé par Hydro-Québec, devrait permettre de rendre plus efficace sa production en serre.

Défis : température et humidité

L’un des défis de la production en serre est la gestion de la température et de l’humidité. Bien souvent, les serres sont surchauffées et l’humidité est évacuée en ouvrant les côtés ou les toits des serres. Ce qui crée une perte d’énergie. Pour solutionner ce problème, Serge Proulx, copropriétaire de La Vallée du Moulin, a décidé de collaborer avec Enerprox. Une entreprise de Victoriaville dont la mission est de simplifier l’accès à l’énergie durable.

La famille Proulx, qui gère La Vallée du Moulin, a présenté avec fierté cette innovation lors d’une activité organisée le 9 octobre dernier. De gauche à droite : Étienne, Anne-Marie, Serge, Marie-Michèle et Mylène. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Sélectionné par un programme d’innovation

En 2021, leur plan est présenté au «Défi innovation ouverte : serres». Dont l’objectif est de «favoriser le développement et l’intégration de technologies visant la gestion optimale de l’environnement et de l’énergie dans le contexte de la serriculture.»

Résultat : le projet est sélectionné et financé par Hydro-Québec à hauteur de 135 000 $ par le biais de son programme Solutions efficaces. De son côté, La Vallée du Moulin investit 250 000 $.

Résumé du fonctionnement des thermopompes installées par Enerprox. (crédit : Enerprox / Hydro-Québec – Énergie en commun)

Technologie développée sur mesure

Pendant environ un an et demi, Enerprox a développé, sur mesure, une thermopompe adaptée à la réalité de la production en serre. «Nous avions déjà une expertise dans les grands bâtiments industriels. Ainsi que des connaissances en thermopompe et en simulation énergétique. Mais nous avons dû concevoir et livrer un produit qui, avant le Défi innovation, n’existait pas», fait savoir Christian Poudrier, PDG d’Enerprox.

Thermopompes installées sur l’une des serres de La Vallée du Moulin. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Un projet plein de défis

Jérôme Massonnat, chef de projet chez Enerprox, est un spécialiste en thermodynamique diplômé de l’Université de Grenoble. Il a travaillé de près sur ce projet. «Le module est capable de déshumidifier, changer l’air, chauffer et récupérer l’énergie», expose-t-il.

Le chef de projet explique que le développement de cette nouvelle technologie a toutefois exigé plusieurs défis. «Une serre, c’est différent d’un bâtiment industriel. Par exemple, nous sommes restreints quant aux dimensions pour installer les équipements. Pour ne pas empiéter sur l’espace de production.»

Le système développé est évidemment bien différent d’une thermopompe domestique. Il fonctionne jusqu’à -30C et est très flexible au niveau de ses fonctionnalités. On peut tout contrôler par ordinateur. Pour s’ajuster aux conditions constamment changeantes de la météo extérieure.

L’installation du système a dû être adapté pour réduire au maximum sa surface. Et ce, pour ne pas nuire à l’espace réservé à la production de figues. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Économies de 30 %

À terme, on prévoit que le projet devrait réduire les coûts en énergie d’environ 30 %. Pour le moment, Vallée du Moulin a choisi de ne doter qu’une seule de ses trois serres avec ces thermopompes. Ce qui lui permettra de comparer les résultats de leur utilisation avec ceux des serres avec des méthodes conventionnelles.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette technologie offrira, dans les faits, les rendements espérés. «Nous sommes au jour 1 du démarrage. Nous le saurons dans six mois ou un an. Mais nous souhaitons que ce soit profitable et rentable», espère Serge Proulx.

Un marché aux «perspectives extraordinaires»

Enerprox vise maintenant l’installation d’autres systèmes du genre. Un projet devrait d’ailleurs se concrétiser sous peu à Compton. «La modularité permet de s’adapter autant à des serres existantes que sur de nouvelles serres. Pour nous, c’est un marché qui offre des perspectives extraordinaires», avance Christian Poudrier.

Dans le cadre du projet avec La Vallée du Moulin, l’équipe de l’entreprise Enerprox a développé un système adapté aux serres québécoises. Au centre, le PDG, Christian Poudrier. Et à sa droite, Jérôme Massonnat, chef de projet. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Viser l’autonomie alimentaire du Québec

Ce projet pilote s’inscrit dans un contexte plus large, débuté en 2020, pendant la pandémie. Hydro-Québec avait alors décidé d’offrir un tarif préférentiel aux producteurs en serre. Et ce, dans la foulée des objectifs d’autonomie alimentaire visés par le gouvernement du Québec. Tout en répondant à une demande maintes fois exprimée au cours des années précédentes par les producteurs en serre québécois.

Vallée du Moulin est le seul producteur commercial de figues biologiques au Québec. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Programmes adaptés à la production en serre

Depuis, Hydro-Québec a créé des programmes spécifiquement pour la serriculture. «Pour ce faire, nous devons tester certaines technologies pour s’assurer qu’elles soient applicables à toutes les serres», signale Sabrina Arbec, directrice clientèle d’affaires et solutions énergétiques chez Hydro-Québec.

Pour améliorer l’efficacité énergétique et le rendement, deux éléments sont visés : l’éclairage et la déshumidification. L’installation de thermopompes comme celles de La Vallée du Moulin répond à ce second objectif.

«Ça permet d’envoyer la chaleur de l’intérieur vers l’extérieur. De condenser l’eau avec le froid. On peut aussi récupérer la chaleur. Ou encore conserver le climat dans la serre, sans avoir besoin d’ouvrir les volets. Ce qu’on voyait un peu plus en Europe, mais pas encore ici, dans des climats nordiques», explique François Desautels, délégué commercial chez Hydro-Québec.

Le complexe serricole de La Vallée du Moulin comprend trois serres. Dont une a été choisie pour installer les nouvelles thermopompes. (photo : Sébastien Michon – Le Val-Ouest)

Une solution pour les petits producteurs?

Des installations comme celles-là pourraient-elles s’adapter à de plus petits producteurs? François Desautels croit que oui. «Chaque production a sa propre régie. Ce n’est donc pas le même projet qu’on pourrait répéter partout. Mais la technologie pourrait s’appliquer, de façon différente, chez chacun des serristes. Selon leur type de culture et leur utilisation.»

Il ajoute :

«Nous avons voulu démocratiser l’usage des thermopompes dans les serres. On l’a déjà fait au niveau résidentiel, commercial et institutionnel. Pour rendre ça simple. Alors que ça ne l’était pas, au départ.»

L’énergie de 700 maisons

Le projet de La Vallée du Moulin n’est pas le seul. Depuis le début de l’année 2024, Hydro-Québec a appuyé, en date du 31 août, 67 projets d’efficacité énergétique en serre. Pour une somme d’environ 5M$. «Ça permet de sauver l’équivalent de l’énergie consommée par près de 700 maisons. Et ce, année après année», pointe Sabrina Arbec.