Valcourt 2030 fête cet automne son 10e anniversaire. Quel bilan fait-on de cet organisme devenu incontournable pour le développement du Canton de Valcourt et de la Ville de Valcourt?
«Valcourt n’est plus ce qu’elle a déjà été»
«Une légende dit qu’en 2013, un membre de la famille Bombardier est passé sur la rue principale et a dit : «Valcourt n’est plus ce qu’elle a déjà été. Il faut faire quelque chose», raconte le directeur général de Valcourt 2030, Kevin Bombardier.
Qu’elle soit réelle ou fictive, cette histoire illustre un constat que font déjà les élus et les acteurs locaux.
«À l’époque, c’était comme mort. Plus rien ne se faisait. Il fallait agir», dit Pierre Tétrault, maire de Valcourt.
Même son de cloche de la part de Patrice Desmarais, maire du Canton de Valcourt.
« Il y avait une volonté des deux municipalités de revitaliser la région. Le développement stagnait et nous souhaitions davantage de visibilité. Nous sommes deux municipalités, mais une seule communauté. »
L’organisateur communautaire Michel Benoit abonde dans le même sens. «On sentait dans la communauté un certain désenchantement. On entendait les gens parler du passé glorieux de Valcourt. Et la déception de ce qui était en train d’advenir.»
Objectif : redynamiser Valcourt et le Canton
La Fondation J. Armand Bombardier mobilise alors quelques acteurs : le CIUSSS de l’Estrie, la Chambre de commerce, un membre de la famille Bombardier, la Ville de Valcourt et le Canton de Valcourt. Ceux-ci tiennent leur première rencontre dans les locaux de BRP à Valcourt. L’objectif : entamer une réflexion sur la façon de redynamiser Valcourt et le Canton de Valcourt.
« Depuis ses débuts, la Fondation désire contribuer à la vitalité de Valcourt et de sa région. C’est donc le désir de nous allier avec d’autres acteurs locaux pour stimuler l’engagement et combattre les risques de dévitalisation qui a motivé notre participation à cette aventure », partage Ode Belzile, directrice des activités philanthropiques à la Fondation J. Armand Bombardier.
Michel Benoit fait partie de ceux qui sont présents à ces premiers balbutiements. « On m’a demandé si je souhaitais travailler sur un projet de développement de Valcourt. J’ai accepté parce que c’est en lien direct avec mon mandat. »
«Tout le monde assis autour de la table»
Pour Michel Benoit, la particularité de cette initiative est qu’elle mobilise, dès le départ, des acteurs de différents milieux. Ce qui est rare. «On se retrouvait autour d’un projet qui rassemblait tous les secteurs : milieu des affaires, culturel, communautaire, scolaire, municipal, touristique, etc. Tous assis autour de la table. Ça m’impressionnait beaucoup», confie-t-il.
Culture de prise en charge à déconstruire
Bien que la Fondation ait initié les premières rencontres, il est clair, dès le départ, qu’elle ne prendra pas la direction des opérations.
«C’était important que ce projet émane d’une préoccupation commune. Où tout le monde allait mettre l’épaule à la roue. Pour travailler au développement de notre communauté et mobiliser des citoyens, il ne fallait pas que ce soit d’autres qui fassent le travail. Il fallait que ça parte des préoccupations des citoyens. Que les gens le vivent et y croient. D’emblée, on était conscient que cette culture-là était à déconstruire. Avant, le développement passait par la volonté des entreprises, des municipalités et de la Fondation. Cette fois, ce n’était pas eux qui devaient avoir le leadership. Mais bien un groupe de gens préoccupés par ces questions», raconte Michel Benoit.
Neutralité à la présidence
Pour assurer cette neutralité et justement démontrer que ce ne sont pas les acteurs habituels qui prennent en charge l’organisme, on désigne Michel Benoit pour occuper la présidence. Rôle qu’il a joué pendant les premières années. «Comme organisateur communautaire, mon rôle est d’accompagner des groupes dans leur autonomie. Je ne me serais jamais proposé de devenir président. Mon but, assez vite, a été de faire en sorte que quelqu’un d’autre prenne la relève.»
Implication citoyenne et mobilisation
Au début, les membres du comité pensent que la solution passe par des projets d’infrastructures domiciliaires, de tourisme et de villégiature. Rapidement, ils choisissent plutôt d’axer leurs actions dans une toute autre direction : l’implication citoyenne et la mobilisation.
Ce qui est un important changement de paradigme.
«Habituellement, les acteurs du développement n’ont pas toujours le réflexe de mettre les citoyens au cœur de la démarche. On a décidé que ce serait le cas ici. Le plan d’action serait défini par la population plutôt que par des élus», explique Michel Benoit.
La directrice générale de la Ville de Valcourt, Karine Boucher, participe aussi à ces premiers travaux. « Nous voulions nous donner une mission pour l’avenir. Dans laquelle les citoyens sont mobilisés et qu’ils nous disent ce qu’ils veulent comme ville.»
Création d’un OBNL
L’année suivante, en septembre 2014, l’organisme sans but lucratif (OBNL) Valcourt 2030 voit le jour. Complètement indépendant, même s’il est grandement financé par les deux municipalités.
Fait remarquable, les élus de la Ville et du Canton décident de soutenir l’organisme pour cinq ans. Un geste que salue Michel Benoit. «Ils ont financé un processus pour lequel ils n’avaient aucune idée de l’aboutissement.»
Kevin Bombardier reconnait aussi le courage des élus. «La concertation, c’est un concept tellement intangible pour certains. On ne savait pas si ça aller marcher. Et surtout, quelles seraient les retombées.»
Complémentarité avec les autres communautés
Les acteurs ont à l’esprit les communautés environnantes, même si elles ne font pas partie de la démarche.
«Nous avions le souci de ne pas nuire aux municipalités environnantes. D’inscrire nos actions en complémentarité avec les leurs. Et de les inclure dans nos actions, quand c’était possible», fait savoir Michel Benoit.
Organisation des premiers Grands Rendez-vous
La mobilisation se traduit par l’organisation des premiers «Grands Rendez-vous citoyens» en 2015. Une activité de codéveloppement, regroupant plus de 130 personnes. Menant à la création de comités qui, le reste de l’année, travaillent sur différents enjeux. Encore aujourd’hui, l’organisme travaille sur ce même modèle.
Une façon de faire qui se distingue de la traditionnelle «planification stratégique» qui est le lot de la plupart des organisations.
«Valcourt 2030, c’est une processus collaboratif. Qui inclut les acteurs régionaux et les citoyens à chaque étape. Depuis la définition des objectifs jusqu’à la mise en place d’une structure de gouvernance», peut-on lire sur son site web.
Les organisateurs ont aussi à l’esprit l’inclusion de l’ensemble de la communauté.
«Nous souhaitions lever des barrières pour susciter la participation citoyenne de toute la communauté. D’avoir une représentativité sociale un peu plus large. Nous avons ainsi mobilisé des gens davantage marginalisés. Pour être certain que ces personnes puissent, elles aussi, être entendues et avoir une voix», relate Michel Benoit.
Embauche d’une première directrice
En 2016, on embauche une coordonnatrice : Josée Bélanger. Ce qui, pour les acteurs locaux, est considéré comme un geste audacieux. «À l’époque, embaucher une personne pour travailler à la concertation et au développement local, c’était quand même hors du commun», commente Kevin Bombardier.
«Josée a été une très bonne ressource. Pour mettre en action les enjeux qui avaient été décidés par la communauté. Mais elle devait, au début, prendre tout le monde par la main. Convoquer les comités, amener les sujets et forcer la réflexion», se rappelle Karine Boucher.
Après le départ de Josée Bélanger, en 2018, on recrute Kevin Bombardier comme coordonnateur. Poste qui s’est ensuite transformé en celui de directeur général.
Cette année, Virginie Dubois s’est ajoutée à l’équipe comme agente de rapprochement interculturel. Un poste occupé par le passé par Elsa Hurtubise et Fredy Wasamba Farini.
Nombreuses réalisations
Parmi les réalisations de l’organisme, notons, entre autres, l’ajout de classes de cinquième secondaire à l’école secondaire de l’Odyssée.
«Ça a pris bien du «jus de bras» pour y arriver. C’était un travail de longue haleine. Notre comité comptait une majorité de jeunes parents motivés. Tout le monde a mis du sien. La commission scolaire a bien vu que le milieu s’était pris en main. Et ils ont accepté d’aller dans le même sens que nous», raconte Karine Boucher.
On pense aussi à la mise en place du Comité culturel, dont sont issus le Ciné-club et le cercle artistique Les Créatives.
Dynamiser la programmation culturelle
Des subventions du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) ont permis à l’organisme de dynamiser la programmation culturelle locale. Avec des activités pour le Mois de l’histoire des noirs, la Fête des voisins, la Fête des Philippines, des activités découvertes, etc. En plus de l’ajout de cours de francisation pour les nouveaux arrivants.
Liens avec des universités
L’organisme développe non seulement des partenariats sur le plan local, mais aussi sur le plan régional. Par exemple avec l’Université Bishop’s et l’Université de Sherbrooke. Où des étudiants viennent aider l’organisme pour certains projets.
Accompagner des projets
Kevin Bombardier rappelle que le rôle de son organisme. «Nous ne sommes pas là pour porter un projet pendant plusieurs années. Parfois nous initions la création d’une structure. D’autre fois, nous l’accompagnons. Mais c’est à la communauté de prendre la relève ensuite.»
Il en donne pour exemple la tenue Marché public de Valcourt, qui a duré cinq ans. Pour lequel personne n’a décidé de prendre la relève. «Ça a été une belle réussite le temps que ça a duré», résume-t-il.
«Valcourt 2030 est un outil de développement local qui s’adapte à la réalité du terrain. Nous avons mis en action des solutions qui répondaient à des besoins. Certaines pas parfaites, et d’autres qui sont devenues des «musts» pour la communauté», pointe-t-il.
Ouverture vers le Val-7
Valcourt 2030 offrira-t-il un jour ses services à l’ensemble du Val-7 ou du moins à certaines municipalités des alentours? Bien qu’aucune action n’aille présentement en ce sens, l’ouverture est là. «Peut-être que ça viendra un jour. Certaines municipalités apprécient ce qui se fait, sans aller jusqu’à embarquer. Mais on va espérer», souhaite Pierre Tétrault.
Évolution des mentalités
Kevin Bombardier voit la lente évolution des mentalités après 10 ans. «Une culture d’implication citoyenne, c’est long à bâtir et important à maintenir. En plus de nous, des organismes comme le Centre d’action bénévole, la Maison des jeunes et d’autres travaillent fort là-dessus. »
Karine Boucher est d’accord. «Avec le recul, je ne pense pas qu’on aurait pu aller plus vite. Nous travaillons avec des humains et un changement de mentalité, ça prend du temps.»
La pandémie, un «bon test»
L’arrivée de la pandémie de COVID-19 s’avère un bon test pour vérifier la solidité des liens communautaires qui commencent à se tisser. «Notre structure d’implication citoyenne a pu passer à travers. Nous avons dû innover, entre autres pour continuer d’être la ressource pour les gens qui venaient s’établir ici et qui ne pouvaient socialiser avec personne. Ça nous montre qu’on peut se débrouiller et qu’on est là pour rester», croit Kevin Bombardier.
Quelle sera la suite?
L’année 2030 annonce-t-elle la date d’échéance de l’OBNL? «Il va bien falloir que ça change de nom à un moment donné!», lance en riant Pierre Tétrault, maire de Valcourt.
«En mettant 2030 dans le nom, c’était une façon de se projeter dans l’avenir. Possiblement que nous serons encore là après. Il va falloir se poser la question sur comment », exprime Michel Benoit.
Karine Boucher acquiesce. «On s’est identifié à ce chiffre parce que c’était une vision. Mais ce n’est pas une fin en soi. Les besoins vont être encore là. Ça ne va pas arrêter en 2030.»
«La prochaine fois, je ne pense pas qu’on va mettre une année dans notre nom. Pour ne pas avoir à changer tous les 15 ans!», ajoute, lui aussi en riant, Kevin Bombardier.
Mieux se faire connaître, même après 10 ans
Malgré le fait que Valcourt 2030 existe depuis 10 ans, les acteurs pensent qu’il est encore mal connu.
«Nous voulons continuer de mettre des efforts sur nos communications. Pour que les gens comprennent bien ce qu’on est et ce qu’on fait. Il y a encore de la confusion. Certaines personnes pensent que je travaille pour les Loisirs de la Ville de Valcourt. Ce qui n’est pas le cas», rapporte Kevin Bombardier.
Karine Boucher est d’accord. «Encore aujourd’hui, si on faisait du porte à porte, je suis persuadée que des gens penseraient que ça fait partie de la Ville. On donne des sous, mais on ne contrôle pas l’organisme.»
«Difficile de s’imaginer sans Valcourt 2030»
Quel bilan fait-on après une décennie? «Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer Valcourt sans Valcourt 2030. L’organisme fut une bougie d’allumage. Mais le terreau était déjà bien fertile pour nourrir l’émergence de cette ruche de projets engagés, innovants et inspirants», de dire Ode Belzile, de la Fondation.
« Valcourt 2030 a été un extraordinaire moteur de développement pour la région. D’abord pour la communauté locale valcourtoise. Mais ça a aussi des impacts positifs sur le Val-7», souligne Michel Benoit.
Pour lui, cette démarche évolutive s’est adaptée, au fil du temps, aux nouvelles réalités et aux nouveaux enjeux.
«Quand on dit que le chemin est tout aussi important que le résultat, c’est ce qu’on constate avec Valcourt 2030. Nous avons cheminé, créé des ponts et appris à travailler autrement pour le développement de la communauté», croit-il
«Jamais on aurait pu en arriver là»
«Jamais on aurait pu en arriver là où nous en sommes aujourd’hui si nous n’avions pas eu cet organisme. Et s’il n’y avait pas eu, à la base, une volonté des partenaires de travailler ensemble», soutient Karine Boucher.
Elle en profite pour remercier les personnes qui ont travaillé pour l’organisme et ceux qui y travaillent encore. «Nous avons d’excellentes ressources.»
«Devenu comme un aimant»
Pierre Tétrault abonde dans le même sens. «Au fil des ans, j’ai toujours vu une évolution dans l’organisme. Encore plus depuis que Kevin est là. Ça a pris du temps à démarrer, mais maintenant, il y a vraiment un élan. Valcourt 2030 est devenu comme un aimant. Ça attire des projets et des idées. De plus en plus, je vois des citoyens qui s’impliquent. Ça bouge!»
«Un rôle dans l’essor de la région»
Patrice Desmarais constate lui aussi tous les bénéfices apportés par Valcourt 2030 à la communauté.
«Nous, la Ville et le Canton, avons une vision commune du développement. Valcourt 2030 a définitivement joué un rôle important dans l’essor qu’a connu récemment la région. Par exemple au niveau culturel, du développement du territoire, des relations entre les entreprises et avec les nouveaux arrivants, etc. Kevin Bombardier fait un travail extraordinaire. Nous sommes chanceux de l’avoir. Nous sommes fiers de ce qui a été accompli et sommes impatients pour l’avenir.»
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