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« Démarrer le Marché Locavore était un beau risque »

« En 2008, démarrer le Marché Locavore était un beau risque. Au départ, il y avait beaucoup de scepticisme. Autant de la part des élus locaux que des fonctionnaires du MAPAQ », exprime d’emblée l’ex-racinois Jean-Claude Thibault, l’un des fondateurs du Marché Locavore. Cette coopérative, qui fête cette année ses 15 ans, s’est bâtie et maintenue grâce à un tissu communautaire tissé serré.

Une idée qui vient d’Europe

L’idée de créer un marché à Racine germe dans la tête de Jean-Claude Thibault pendant un voyage en Europe. « Lors d’un séjour en Provence, j’avais été émerveillé par la beauté et le nombre de leurs marchés paysans. » Le hasard l’amène à rencontrer le fonctionnaire qui a collaboré à la création de ces points de vente. « L’un de leurs objectifs était de protéger les producteurs de la compétition internationale qui s’installait depuis le début des années 2000. »

Implication de la Coop de développement de Racine

Au retour, Jean-Claude Thibault en parle avec Michel Brien, président de l’UPA secteur Valcourt et membre de la Coopérative de développement de Racine. Il a présenté l’histoire aux membres qui ont immédiatement acheté l’idée d’établir un marché « locavore » dans leur village. C’est-à-dire un marché où sont vendus, grâce à des circuits courts, des produits sains, frais, de saison et locaux. Ce qui permet, par la même occasion, de soutenir les producteurs de la région et de tendre vers une certaine autonomie alimentaire.

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Rapidement, d’autres citoyennes et citoyens se joignent au projet. « Dès le jour 1, nous avons pu compter sur des bénévoles. Encore aujourd’hui, ils sont très généreux de leur temps et c’est très précieux », fait savoir Céline Garant, présidente actuelle de la Coopérative de solidarité agroalimentaire de Racine.

Une coopérative de consommateurs

Les bâtisseurs du marché optent pour la création d’une coopérative de solidarité. « Ce qui nous distingue, c’est qu’elle a été formée par des consommateurs. Ce n’est pas une coopérative de producteurs. Elle appartient aux gens qui l’ont construite, vivent autour et en profitent », explique Jean-Claude Thibault.

Quinze ans plus tard, la coopérative compte 1200 membres. « Pour un village qui compte 1 340 habitants, faut le faire! », s’exclame-t-il.

Un terrain au cœur du village

Le hasard a voulu qu’au moment de démarrer la réflexion, Michel Brien apprend qu’un terrain est mis en vente au cœur du village. La réaction ne se fait pas attendre. « Trois citoyens de Racine ont alors eu l’audace et la prévoyance d’acheter le terrain. Un site idéal pour installer un marché public », raconte Jean-Claude Thibault. Le projet de Marché devient alors très concret.

Malgré le scepticisme et les embûches, des citoyennes et citoyens bénévoles ont consacré de nombreux efforts pour créer de toutes pièces un marché public au coeur du village de Racine.

Difficulté à convaincre les partenaires

Au départ, la recherche de partenaires financiers n’est pas facile. « On doutait de notre succès à cause de la faible population locale : environ 9000 résidents dans les 20 kilomètres autour du village », explique Céline Garant.

Un plan d’affaires convaincant

Marie-Chantal Houde, propriétaire de la Fromagerie Nouvelle-France, rédige un plan d’affaires étoffé, destiné aux éventuels bailleurs de fonds. C’est ce qui convainc les Desjardins, Municipalité de Racine, MRC du Val-Saint-François, Cooptel, MAPAQ, Tourisme Cantons-de-l’Est, Conseil régional de l’Estrie, UPA, Coopérative de développement régional de l’Estrie, Investissement Québec et des Racinois d’investir dans le projet.

Soutien inattendu pour la construction

Après l’achat du terrain vient la construction des kiosques. « On a organisé une corvée collective, comme à l’ancienne. Pendant six semaines, des membres de la communauté ont donné un coup de main », rapporte Céline Garant.

Toutefois, malgré les efforts déployés par quelque 80 bénévoles, les travaux n’avancent pas assez rapidement. « Nous réalisions que nous ne pourrions pas ouvrir à la date publicisée. Ce qui annonçait un lancement raté », révèle Jean-Claude Thibault.

Quelques jours avant l’ouverture projetée, les bénévoles dînent ensemble à un restaurant local et discutent de l’immense défi de terminer la construction à temps. Survient alors l’improbable. « Deux propriétaires de l’usine de laine de bois Ramagex étaient assis à côté de nous. Touchés par notre situation, ils ont décidé de fermer leur entreprise pendant deux jours. Ils sont venus donner un coup de main avec leurs neuf employés. Et ce, gratuitement. Grâce à eux, nous avons pu ouvrir à la date prévue. Ça, c’est une communauté qui s’implique!», partage avec fierté et émotion Jean-Claude Thibault.

Quelque 80 bénévoles, dont des employés de l’entreprise Ramagex, ont mis la main à la pâte pour construire les installations du Marché Locavore en 2008. (photo : Bertrand Morin)

Une fierté pour la communauté

Le Marché Locavore est d’ailleurs connu et reconnu pour son aspect communautaire. « C’est l’un de ces marchés publics québécois qui se démarquent par l’implication de ses citoyens et de ses producteurs-transformateurs envers sa mission. Il incarne bien la promesse des marchés publics qui est d’offrir des produits locaux, en connexion avec son territoire, à travers des rencontres généreuses », déclare Jean-Nick Trudel de l’Association des marchés publics du Québec.

Mario Côté, maire de Racine, abonde dans le même sens. « Le marché Locavore est une fierté pour les Racinois et Racinoises. Il met en avant les produits locaux et régionaux, encourage la consommation responsable et est devenu une véritable fierté pour la communauté. »

Le Marché a d’ailleurs choisi de souligner de façon particulière cette vitalité communautaire en adoptant le slogan : « Cultivons notre communauté! ».

Céline Garant en compagnie d’Olivier qui conçoit des cabanes à oiseaux. Du fait de sa mission de solidarité, le Marché offre certains kiosques à des gens avec des besoins particuliers. (photo : Jean-Marc Brais)

Un projet rassembleur

Pour Jean-Claude Thibault, le Marché a aussi permis d’unir les résidents du noyau villageois, de la zone agricole et des lacs. Des citoyens qui vivent sur un territoire d’un peu plus de 100 kilomètres carrés. « Mon affirmation n’est pas basée sur des faits scientifiques. Mais je suis convaincu que le Marché a contribué à rapprocher les citoyens. C’est un impact majeur. »

Céline Garant est d’accord. « Le Marché Locavore, c’est un projet rassembleur. Nous voulons que les gens continuent de développer leur sentiment d’appartenance à notre communauté environnante. Pour y arriver, nous avons chacun notre part à jouer. »

***

Le Marché Locavore de Racine célèbre cette année ses 15 ans. Le Val-Ouest présente, au cours de l’été, des articles sur les impacts de ce marché pour la région. 

 

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